MXCVIII
Rémission octroyée à Thibaut Paynnot, écuyer, demeurant en l’île de Magné près Niort, pour tous les excès qu’il avait pu commettre pendant les expéditions militaires auxquelles il avait pris part.
- B AN JJ. 177, n° 245, fol. 163
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 290-296
Charles, etc., savoir faisons, etc., nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre amé Thibaut Paynnot, escuier, demourant en l’Isle de Maigné près Nyort, contenant que, comme dès son jeune aage, en ensuivant le fait des nobles, nous ait bien et loyaument servy ou fait de noz guerres à l’encontre de noz anciens ennemis et adversaires les Anglois, tant soubz et en la compaignie de [p. 291] feu Anthoine de Vivonne1, de Loys Frondebeuf, jadiz cappitaine de Marueil2, et de Guillaume Chabot3, pour lors [p. 292] qu’il estoit cappitaine de Saint Hermine, pour le feu sire de la Trimoïlle4, que de nostre amé et feal cousin le sire [p. 293] de Thouars5 au siege de Pontoise, de Brusac6 et de Jehan de Breszé7, durant le voiage de Conches8, et autres noz cappitaines et chiefz de guerre, tant au siege d’Orleans9 que en plusieurs et divers lieux, et maintes bonnes besongnes, entreprises, rencontres et destrousses faictes sur et à la confusion de nos diz ennemis et adversaires ; èsquelles choses et services il a frayé et despendu la plus part de sa chevance, sans avoir eu de nous aucune soulde, gaiges ou recompensacion, dont il peust avoir soustenu la vie de lui, ses varletz et serviteurs, ne aussi avoir acheté chevaulx, harnoiz et autres choses à lui necessaires pour soy entretenir en nostre dit service. A laquelle cause, il a esté contraint de tenir les champs et vivre sur noz païs et subgiez, et à courir et faire courir ses varletz, et serviteurs, piller, rober, raençonner et destrousser toutes manieres de gens qu’ilz ont trouvé sur les champs et ailleurs, tant gens d’eglise que nobles, praticiens et autres, de quelque estat ou condicion qu’ilz feussent, les prendre prisonniers et rançonner, leur oster chevaulx, harnoiz et autres monteures, or, argent, robes, joyaulx, denrées, marchandises et [p. 294] autres biens et choses quelzconques, qu’ilz trouvoient sur eulx, vendu et butiné icelles destrousses, dont il a eu sa part et porcion ; et aussi souventes foiz a esté à courir foires et marchez, et à iceulx piller, y prendre et emmener gens, bestial, denrées, marchandises et autres choses quelzconques, les raençonner et butiner, et de ce eu sa part et porcion, qu’il a appliqués à son proufit, et en a fait et disposé à son plaisir et voulenté, comme de chose prinse sur noz ennemys. Et avecques ce, a plusieurs fois esté avecques gens de guerre à son entreprise, et autrement, à plusieurs courses faictes sur gens de nostre party, à assaillir chasteaulx, eglises, bastilles et autres places fortes tenans nostre party, d’emblée, par force et autrement, où se sont ensuiz bateures, navreures et mutilacions, pilleries, roberies, prinses et raençonnemens de gens, bestial, nourritures et autres choses. Et puet estre que, pendant qu’il a ainsi suivy les dictes guerres, lui, ses gens, varletz et serviteurs, ont, en traversant païs et autrement, couru, appatissé et raençonné par plusieurs foiz et à diverses personnes de deniers et autres choses, sur aucuns de noz subgiez et obeissans de tous estaz, et iceulx batuz, navrez et mutilez, et fait et commis plusieurs autres maulx, excès, deliz et malefices, lesquelz bonnement ne pourroient estre cy exprimez ne declairez. Et toutes voyes, entre autres choses, durant le temps qu’il estoit soubz et en la compaignie dudit Frondebeuf et que certaine discencion et malvueillance estoit entre nostre très cher et très amé cousin le connestable de France et le feu sire de la Trimoïlle, le dit suppliant fut à plusieurs courses faictes de la part du dit feu sire de la Trimoïlle et par ledit Frondebeuf, ses gens et autres, à l’encontre de certaines gens de guerre, bretons et autres qui lors tenoient les places de Voulvant, Fontenay le Conte, Mervant, Paluau, les Essars et Bournereau10, qui, [p. 295] ou contempt dudit feu sire de la Trimoïlle, faisoient grant guerre au dit Frondebeuf et autres aliez d’icellui sire de la Trimoïlle ; et mesmement en faisant certaine course au dit lieu de Mervant11, fut le dit suppliant à piller, voler, prendre et raençonner gens, bestial et nourriture, tant en l’eglise du dit lieu, où les bonnes gens d’ilec s’estoient retraiz que dehors, et a eu sa part d’une partie du butin d’icelle course. Et pour cause de certaines promesses à lui faictes pour avoir travaillé et esté par devers certaines gens de guerre pour aucuns parroissiens de certaines parroisses du païs d’Aulniz, et mesmement de Marcillé, icellui suppliant, pour cause d’icelles promesses non acomplies, comme promis lui avoit esté, a aucunes foiz prins par maniere de marque certaines sommes d’or et d’argent et autres choses, jusques à la valeur ou environ de ce qu’il lui estoit deu des dictes promesses par les dictes parroisses. Et aussi a le dit suppliant esté à plusieurs et diverses foiz à prendre aucuns de noz subgiez, de nuyt et de jour, en leurs hostelz et autrement, et iceulx menez aux logeis et compaignies dont il estoit, où ilz ont esté raençonnez tant pour aucunes offenses qu’ilz avoient faictes envers lui, que autrement. Et combien que le dit suppliant n’ait servy aucun seigneur ne capitaine, ou fait de la dicte guerre, à l’encontre de nous, et qu’il ait bonne intencion et voulenté de soy desormaiz retraire et abstenir de telz malefices, neantmoins il doubte [p. 296] rigueur de justice, et que aucuns sur lesquelz les diz cas ont esté perpetrez et commis voulsissent, de present et ou temps avenir, faire poursuite par justice à l’encontre de lui, et que par ce moyen on lui voulsist donner aucun ennuy, destourbier ou empeschement, ou autrement le molester ou rigoureusement traictier, ou proceder à l’encontre de lui et de ses biens, se nostre grace ne lui est sur ce eslargie, si comme il dit, humblement requerant que, attendu et consideré ce que dit est, et mesmement en faveur d’iceulx services, ainsi par lui à nous faiz èsquelz il a de jour en jour continué, et que pour entretenir lui, ses diz varletz et serviteurs en nostre dit service, il a esté contraint à commettre les diz excès et malefices, ou plusieurs d’iceulx, et que en tous autres cas il a tousjours esté de bonne renommée et honneste conversacion, il nous plaise sur ce nostre grace favorablement lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées et mesmement que le dit suppliant n’a, comme il dit, servi aucun seigneur ou cappitaine ou fait de la guerre à l’encontre de nous, voulans en ce cas preferer misericorde à rigueur de justice et au dit suppliant recongnoistre ses diz services, à icellui avons quicté, remis, pardonné et aboly, etc., pourveu toutesvoyes qu’il n’ait, en sa personne, fait ou commis ravissement de femmes ou de filles, violences d’eglises, omicide voluntaire sur noz subgiez, ne bouté feu, etc. Si donnons en mandement par ces presentes aux seneschaulx de Poictou et de Xaintonge, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois d’avril l’an de grace mil iiiic quarante cinq avant Pasques, et de nostre regne le xxiiiime.
Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. E. Duban.