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MLIX

Rémission octroyée à Guillaume Giqueau, mercier de Saint-Maixent, coupable d’homicide sur la personne de Pierre de Beauvoir, dans une rixe.

  • B AN JJ. 184, n° 604, fol. 409
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 160-163
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, [p. 161] nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Giqueau, povre homme, mercier, demourant en la ville de Saint Maixent en nostre païs de Poictou, contenant que ledit suppliant, Jehan Giqueau, son nepveu, Jehan de Confolent, Laurens Guilleminaut et plusieurs autres, le xvie jour de ce present mois de juing, qui estoit le jour de la Trinité, alerent boire en certain hostel en la dicte ville, ouquel on vendoit vin, lequel suppliant et les dessusnommez, après ce qu’ilz furent oudit hostel, se mirent à jouer pour le vin à ung jeu appellé le jeu du tranchoer1, et ainsi qu’ilz s’esbatoient et jouoyent ensemble audit jeu, survindrent illec ung nommé Pierre de Beauvoir et autres, lesquelz, après ce qu’ilz furent venuz oudit hostel, se prindrent à eulx esbatre et jouer à semblable jeu que le dit suppliant et autres dessus diz jouoyent. Lequel de Beauvoir, après ce qu’il eut joué, dist audit suppliant qu’il avoit dit et tesmoigné que le jeu d’icelui de Beauvoir n’estoit pas bon ; lequel suppliant respondit audit de Beauvoir que, sauve sa grace, non avoit, et qu’il le demandast à ceulx qui illec estoient presens, s’il l’avoit tesmoigné ou non ; lesquelz assistens dirent et tesmongnerent audit de Beauvoir que icelui suppliant n’en avoit oncques parlé. Mais ledit de Beauvoir, non content de ce que les presens lui avoient dit et certifié, dist audit suppliant ces motz ou semblables en effect : « Tu as menty, Breton larron, car tu l’as dit ». Et avec ce, dist audit suppliant plusieurs autres injures et villenies. Lequel suppliant respondi audit de Beauvoir qu’il n’avoit esté ne oncques ne fut larron ne traitre, et qu’il s’en vouldroit bien rapporter au commun fasme et renommée et à ceulx qui le congnoissoient, et dist audit de Beauvoir qu’il mentoit. Lequel de Beauvoir, indigné [p. 162] de ce, s’efforça et lors volt frapper ledit suppliant, et de fait le frappa ; et en procedant de mal en pis injurioit ledit suppliant et le vouloit de rechief frapper, et de fait l’eust frapé, se n’eussent esté aucuns de la compaignie qui se mirent au devant et entre ledit suppliant et ledit de Beauvoir ; mais ce non obstant, ledit de Beauvoir, en perseverant en sa mauvaise voulenté, non content de ce que dit est, voult et s’efforça encores courir sus et fraper ledit suppliant. Lequel voyant que ledit de Beauvoir s’efforçoit de lui courir sus et ne vouloit cesser ne departir de sa mauvaise voulenté, mais perseveroit tousjours en icelle, doubtant qu’il lui feist pis tira ung petit coutel qu’il avoit et d’icelui frapa ledit de Beauvoir par deux fois et lui donna deux coups sur l’oreille et auprès d’icelle. Depuis lesquelz cops ledit de Beauvoir dist plusieurs fois à celui qui vendoit le vin qu’il lui alast querir encores pinte de vin ; lequel respondit audit de Beauvoir qu’il n’en auroit plus et qu’il en avoit trop bu, et qu’il se alast faire appareillier au barbier. Dont ledit de Beauvoir ne volt riens faire ne soy partir dudit hostel, et demandoit tousjours à boire. Pour lesquelz cops et bleceure ledit de Beauvoir, par default de ce qu’il ne se voult faire appareillier au barbier de bonne heure, et par sa negligence ou autrement, ala ledit jour de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s’est bouté en franchise en l’abbaye de Saint Maixent, de laquelle il n’oseroit partir, pour doubte d’estre prins et que on voulsist proceder contre lui à punicion corporelle, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que ledit de Beauvoir fut aggresseur de paroles et frapa premierement ledit suppliant qui riens ne lui demandoit, etc., il nous plaise lui impartir icelle. Pour quoy nous, attendu ce que dit est, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant ou cas dessus dit avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons [p. 163] en mandement par ces mesmes presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Poictiers, ou mois de juing l’an de grace mil cccc.xliii, et de nostre regne le xxime.

Ainsi signées : Par le roy, à la relacion du conseil. Pichon. — Visa. Contentor. E. Duban.


1 Ou jeu du palet, suivant Fr. Godefroy, qui n’ajoute à cette définition aucune autre explication. Il cite deux textes où ce mot se rencontre, le nôtre de juin 1443 et un second de 1467, emprunté aussi à un registre du Trésor des chartes. (Dict. de l’anc. langue française, t. VIII, p. 12, 13.)