MLXIX
Rémission accordée à Louis de Brachechien, écuyer, pour le meurtre de Jean Moreau, avec lequel il s’était pris de querelle.
- B AN JJ. 177, n° 19, fol. 10 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 190-192
Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Loys de Brachechien1, escuier, seigneur dudit lieu, natif de nostre païs de Poictou, contenant que, le dixiesme jour d’octobre derrenier passé ou environ, ainsi qu’il aloit veoir de son hostel certaines pieces de terres et autres ses heritages, il trouva ung appellé [p. 191] Jehan Moreau2 et ung sien varlet, qui labouroient ou achevoient de labourer une piece de terre joignant à une autre qui estoit sienne, et ressyonnoient ou mengoient après disner. Ausquelz il demanda s’ilz avoient riens prins du sien. Et sur ce s’entreprindrent de paroles rigoreuses, lui et le dit Moreau, telement que icellui suppliant, qui avec soy n’avoit porté dague, espée, coutel ne baston, print le coutel dudit Moreau, dont il coppoit son pain, et aussi le dit Moreau print sont aguillée de quoy il touchoit ses beufz, et le rompi en deux, et print la plus grosse piece ou avoit du fer au bout, pour nettoyer sa charrue ou areau, et corurent sus l’un à l’autre, et se entreprindrent au corps. Et en ce faisant, le dit suppliant en embrassant le dit Moreau, ou au moins eulx estans ainsi embrassez, le frappa du dit couteau, tant par le visage, par le costé, que par derriere. Lequel tantost demanda le prestre, qui lui fut alé querir, et après qu’il eut esté confessé, des diz cops ala de vie à trespassement, combien que, en eulx ainsi debatant le dit Moreau ou son dit varlet donnerent au dit suppliant ung ou pluseurs cops de baston sur la teste, telement qu’ilz lui firent une grant playe. Pour occasion duquel cas, icellui suppliant, qui est chargé de femme et de dix enfans, dont il y en a quatre bien petiz, et en tous autres cas s’est bien gouverné, sans avoir esté actaint ne convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, s’est absenté du païs et n’y oseroit jamais retourner, doubtant punicion et rigueur de justice, se par nous ne lui estoient sur ce noz grace et misericorde imparties, humblement requerant iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, [p. 192] à icellui avons le fait et cas dessusdit, de grace especial, plaine puissance et auctorité royal, quicté, remis et pardonné, etc., parmy ce toutesvoies qu’il a paié comptant en nostre chancellerie la somme de dix escuz d’or courans à present, pour convertir en prieres et oroisons et autres euvres charitables pour l’ame dudit deffunct. Sy donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Nancey en Lorraine, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. xliiii, et de nostre regne le xxiiie.
Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du grant conseil. Chaligault. — Visa. Contentor. P. Le Picart.