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MLXXVIII

Rémission en faveur de Barthélemy Bonnet, de Villaine en la paroisse d’Azay-le-Brulé, coupable de meurtre sur la personne de Jean Cantinole, avec lequel il avait eu querelle parce qu’il voulait l’empêcher de maltraiter deux enfants, ses cousins.

  • B AN JJ. 177, n° 106, fol. 61
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 214-217
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Bartholomy Bonnet, laboureur, filz de feu Guillaume Bonnet, demourant à Villennes en la parroisse d’Azay près nostre ville de Saint Maixant, contenant que, en ce present mois de novembre, ainsi que le dit suppliant aloit avec les beufs et charrete de son dit pere à certains boys appellez les bois de la Chaslonniere, pour querir du dit bois pour eulx chaulfer, le dit suppliant, en alant au dit bois, rencontra ou grant chemin par lequel l’en va en la dicte ville de Saint Maixant, deux jeunes enfans, dont l’ainsné n’avoit point plus de xiiii. ou xv. ans, l’un desquelz se fait appeller Pierre Bonnet, filz de Bartholomy [p. 215] Bonnet, et l’autre Guillaume Bonnet, filz de Jehan Bonnet, demourant à la Brosse d’Azay, ses cousins germains ; lesquelz venoient du dit boys de la Chaslonniere, et sur quatre jumens amenoyent du bois pour eulx chauffer, avec lesquelz enfans il trouva feu Jehan Cantinole, lequel aussi demouroit en la dicte ville de Saint Maixent, et lequel dist aus diz enfans qu’ilz avoient prins le dit bois qui estoit sur les dictes jumens en ung sien marreau de boys qu’il avoit ou dit boys de [la] Chaslonniere, et appelloit les diz enfans larrons. Et non content de ce, se print à une des dictes jumens, la quelle appartenoit et estoit au dit pere du dit suppliant, et couppa les anneaulx où se tenoient les crochez, èsquelz ilz amenoient le boys sur la dicte jument, en telle maniere qu’il fist cheoir la dicte jument et le dit boys dont elle estoit chargée en une fange estant ou dit chemin, et avec ce s’efforça et voult courir sus de fait aus diz enfans, ou à l’un d’eulx. Lequel suppliant, veant le dit Cantinole esmeu de mal faire, doubtant qu’il courust sus, batist ou injuriast de leurs personnes ses diz cousins, se avança et ala vers le dit Cantinole, au quel il dist le plus gracieusement qu’il peut que c’estoit mal fait à lui de vouloir courir sus ainsi à ses diz cousins et de ainsi avoir couppé les diz anneaulx et fait ce que dessus est dit. Lequel Cantinole respondi bien oultrageusement audit suppliant, en lui disant qu’il ne demourroit point pour lui, et en regniant nostre Createur plusieurs foiz le voult et s’efforça frapper d’une cognée qu’il avoit entre ses mains, mais le dit suppliant, veant son mauvaiz et felon couraige, print ung coutel de deux piez de long qu’il avoit à son cousté et le tira hors de la gueyne, et lui dist que s’il le frappoit de la dicte cognée, qu’il le frapperoit dudit coutel. Mais ce non obstant, le dit suppliant, doubtant que le dit Cantinole le frappast, pour ce qu’il ne vouloit cesser et s’efforçoit le frapper de la dicte cognée, le dit suppliant, pour evader audit Cantinole, commança à fouyr envers la dicte [p. 216] charrete qu’il avoit amenée pour emporter du dit boys, et en fuyant, ainsi qu’il fut près de la dicte charrete, le dit Cantinole lui gecta la dicte cognée après ses jambes, de laquelle il l’eust tué, s’il l’eust actaint, ou l’eust mutilé. Le quel suppliant, veant la obstinacion du dit Cantinole, remist son dit coutel en sa dicte gueyne, et print ung pal de la dicte charrete, et dist au dit Cantinole qu’il cessast de plus lui courir sus, mais le dit Cantinole n’en voult rien faire, ains persevera en son mauvaiz propoz. Lesquelles choses veans le dit suppliant, et que le dit Cantinole ne vouloit cesser de tousjours le frapper, en regniant folement nostre Createur, pour doubte qu’il le tuast ou murtrist, considerant que autrement ne lui povoit evader, sans entencion de le vouloir tuer, mais afin qu’il peust eschapper d’ilec et eschever sa fureur, frappa le dit Cantinole ung seul coup sur la teste du dit pal ; duquel cop le dit Cantinole, ce dit jour, ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, le dit suppliant qui est jeunes homs de l’aage de xxii. ou xxiii. ans ou environ, marié avec une jeune femme de xviii. ans, qui en tous ses autres faiz, a esté de bonne fame, renommée et honneste conversacion, sans oncques mais avoir esté reprins, actaient ou convaincu d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, pour doubte de rigueur de justice, s’est absenté du pays et n’y oseroit jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requerant que, attendu que le dit suppliant, le quel, comme dit est, aagié de xxii. ou xxiii. ans ou environ, chargié de jeune femme de l’aage de xviii. ans ou environ, a delaissée sa dicte femme sans aucun gouvernement, que le dit cas est avenu d’aventure et n’avoit le dit suppliant paravant le dit debat aucune malveillance ou noise avec le dit Cantinole, et fut icellui Cantinole agresseur et injuria les cousins du dit suppliant et les appella larrons, et s’efforça de leur courir sus, etc., il nous plaise sur ce lui impartir icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, [p. 217] voulans misericorde preferer à rigueur de justice, au dit suppliant ou cas dessusdit avons remys, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces presentes au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de novembre l’an de grace mil cccc. quarante et cinq, et de nostre regne le xxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. N. Du Brueil. — Visa. Contentor. E. Du Ban.