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MLXXIV

Rémission accordée à Jean Bourjau, maréchal, demeurant à Montoiron, qui avait tué l’amant de sa femme, un prêtre nommé Guillaume Dumesnil.

  • B AN JJ. 176, n° 366, fol. 263
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 203-205
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Bourjau, mareschal, aagé de xxxvi. ans ou environ, demourant en la parroisse de Saint Ambroys de Montoiron en la viconté de Chasteleraut, chargé de pluseurs petis enfans, contenant que, comme feu Guillaume Du Mesnil, prebstre, en son vivant, eust prins à ferme à deux ans le prieuré dudit lieu de Montoiron1, durant lequel temps se feust acointié de la femme dudit suppliant, et de ce fut adverti le dit suppliant par aucuns de ses amis ; laquelle chose eust le dit suppliant bien et doulcement supportée, pour obvier à plus grant scandale [p. 204] et inconvenient, et jusques à la vigille de la mi aoust derreniere passée, que le dit suppliant estoit alé audit lieu de Chasteleraut, distant dudit lieu de Montoiron de deux lieues ou environ ; et sur le soir qu’il s’en retourna en son hostel, trouva que sa femme avoit tué deux grosses poules pour mettre en rost, et lors demanda qui c’estoit qui souppoit avec elle, et elle respondit que le dit Guillaume Du Mesnil y devoit venir et qu’il avoit apporté l’une des dictes poules. Et depuis soupperent tous ensemble, et après soupper, dit le dit suppliant audit Du Mesnil : « Nous avons souppé et gallé ensemble et fait bonne chiere, mais je vous pry que plus ne viengnés ceans en mon hostel, car on m’a rapporté que maintenez ma femme, dont mon mesnage est fort vilipendé. » Et le iiie jour de fevrier ensuivant et dernierement passé, le dit suppliant estant audit lieu de Montoiron avec sa dicte femme, sur le soir, en l’ostel d’un appellé Chicart, qui vend pain et vin, après ce que la dicte femme y ot esté une piece, dist audit suppliant, son mary : « Je m’en vois à mon mesnage, venez vous coucher quant bon vous semblera ». Et peu après, print le dit suppliant par la main une petite fille qu’il avoit et s’en ala en son hostel pour soy coucher, et se despoilla en pourpoint ; et pour ce que sa dicte femme n’y estoit, s’en sailly en sa vigne près le dit hostel, et vit au long du mur le dit Du Mesnil et sa femme qui estoient ensemble. Et quant les apperceut, dist audit Du Mesnil : « Laisse ma femme et t’en va. Je te pardonne tout, combien que tu soyes cause de la perdicion de mes enfans ». Dont le dit Du Mesnil ne fut content, et frappa d’une pierre qu’il tenoit le dit suppliant par la poictrine, et lui bailla ung cop de baston, le print à la gorge et aux cheveux. Et en ce conflit, doubtant le dit suppliant que le dit Du Mesnil [le] tuast ou navrast à tousjours, print icelluy suppliant ung grant cousteau ou bastardeau, que le dit Du Mesnil avoit à sa sainture, dont le frappa au travers des coustes, et depuis le dit coup, s’en [p. 205] ala le dit Du Mesnil le port d’une arbalestre loing ou environ, menant et conduisant avec lui la femme d’icelluy suppliant, et après cheut à terre et se fist mener en une charrette dudit [lieu] de Montoiron jusques au lieu d’Availle, où il demoura et a vesqu par xxxii. jours. Et ce pendant le dit suppliant [l’a] esté veoir et sont pardonnez l’un à l’autre, et de ce signa le dit Du Mesnil une lettre de sa main et la fist signer à ung notaire de court laye. Et depuis, par deffaut de gouvernement ou autrement, est trespassé le dit Du Mesnil. Pour lequel cas et pour doubte que l’en ne procede contre icelluy suppliant à la prinse de sa personne et par voye extraordinaire, s’est le dit suppliant absenté et ne se ose monstrer, aler ne converser au pays, par quoy lui et ses diz enfans sont en voye d’estre du tout destruiz et desers, de devenir mendians et deguerpir le pays, se noz grace et misericorde ne luy sont sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons ou cas dessusdit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys d’avril l’an de grace mil cccc. quarante cinq, et de nostre regne le xxiiime.

Ainsi signé : Par le conseil. Tarenne. — Visa. Contentor. M. de la Teillaye.


1 Le prieuré de Saint-Fulgence de Montoiron était à la collation de l’abbé de Saint-Savin, de même que les deux cures de Saint-Ambroise et de Saint-Pierre, réunies dès le xviie siècle (Beauchet-Filleau, Pouillé du diocèse de Poitiers, p. 321.)