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MLXXI

Lettres de rémission en faveur de Guillaume Prioux, marchand boucher, demeurant à Etables, qui en se défendant avait frappé mortellement un nommé Guillaume Barbotin.

  • B AN JJ. 177, n° 23, fol. 12 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 194-197
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l’umble supplicacion de Guillaume Prioux, marchant boucher, natif de la chastellenie de Mirebeau, chargié de jeune femme et de six petis enfans, contenant que, le xvime jour d’aoust derrenier passé ou environ, il se party du lieu d’Estables, où il demouroit, pour aler ou village de Pousieux qui en distoit d’un quart de lieue ou environ, pour ses besongnes et affaires, et en sa compaignie ung appellé Guillaume Orriau, dit Petit, et en y alant, passerent par devant la maison d’un appellé Jehan Gantourneau, devant laquelle estoit la femme d’icellui Gantourneau, qui leur demanda où ilz aloient. Lesquelz lui dirent qu’ilz aloient au dit lieu de Pousieux. Et lors elle leur dist que en sa maison avoit gens qui aussi y vouloient aler, et se boterent en ladicte maison où ilz trouverent deux femmes, l’une appellée Guionne Maillete, autrement dicte la Palotiere, et l’autre femme de Guillemin l’Escossays, qui buvoient ensemble, et se mirent à boire avecques elles ; et après s’en alerent ou dit village de Pousieux, en l’ostel d’un appellé [p. 195] Perrin Blandin, cuidans qu’il y eust vin à vendre. Et pour ce qu’il n’en y avoit point, en envoierent querir à la taverne, et après ce que eulx et ung appellé Perrinet de Preaux, qui se mist avecques eulx, eurent beu, le dit suppliant dist aux autres de la compaignie qu’il vouloit aler au village du Brueil, et les dictes femmes et autres de la dicte compaignie dirent que aussi vouloient ilz. Et tantost se mirent les dictes femmes et le dit Perrinet de Preaux à chemin et se rendirent audit lieu du Brueil, en l’ostel du dit Guillemin l’Escossays. Auquel lieu ledit suppliant et le dit Guillaume Orriau, après ce qu’ilz eurent fait leurs besongnes ou dit village de Pousieux, alerent et trouverent les dictes femmes et le dit Perrinet de Preaux, qui avoient appareillé à soupper. Et après ce qu’ilz eurent souppé ensemble, issirent de la dicte maison les diz suppliant, Orriau et Perrinet, et aussi la dicte Palotiere. Et illec survint le dit Perrin Blandin, qui parla en secret à icelle Palotiere. Et lors iceulx suppliant, Orriau et Perrinet se acheminerent pour eulx en retourner audit lieu d’Estables, chascun en sa maison, et entreprindrent qu’ilz passeroient par devant l’ostel de la Papinere, où demouroit le dit Perrinet. Et ainsi qu’ilz s’en aloient, les diz Perrin Blandin et la dicte Palotiere se mirent de rechef en leur compaignie ; et quant ilz furent devant l’ostel dudit Perrinet, nommé la Papinere, le dit suppliant dist qu’il oyoit gens venir à cheval. Et lors icelle Palotiere lui dist que elle croyoit que ce feust Jehan Miole, prebstre, qui la venoit querir, et se mirent en la court dudit lieu de la Papinere, et tantost vint icellui Miole, acompaigné de Guillaume Barbotin, qui avoit espousée sa suer, et parlerent audit Perrinet de Preaux et Perrin Blandin. Et tantost que la dicte Palotiere les entendi, elle sailly hors, et après elle ledit suppliant. A laquelle le dit Miole demanda se elle vouloit aler avecques lui ; laquelle lui respondi que oy. Et lors il dist au dit Perrinet de Preaux qu’il la montast derriere lui, lequel lui dist que non feroit, car elle pesoit trop ; [p. 196] et tantost le dit suppliant dist qu’il la monteroit bien, et de fait la mist à cheval derriere icellui prebstre. Et quant il l’eut montée, il dist audit prebstre qu’il leur donnast le vin, et print son cheval par la bride, dont icellui prebstre ne fut pas bien content, et par très grant despit fut par aucun temps en regardant le dit suppliant, sans lui mot dire, et après en jurant et detestant Dieu lui dist que, se il lui en demandoit plus riens, il lui fendroit de son espée la teste jusques aux dens. Et lors le dit suppliant, voyant le dit prebstre ainsi mal meu, lascha la bride du cheval, et se mirent à chemin lui et le dit Orriau, pour eulx en aler ; et après eulx vint le dit Perrinet de Preaux. Et quant ilz eurent cheminé ainsi comme ung gect de pierre, retournerent de rechief devant l’ostel d’icellui Perrinet, où ilz trouverent encores le dit Miole, prebstre, Guillaume Barbotin, son serourge, et la dicte Palotiere. Et incontinant icellui prebstre sans mot dire, son espée au poing toute nue, courut sus audit suppliant, et de fait l’eust villenné, se ce ne feust ce que il se reculoit, contregardoit tousjours en lui disant qu’il ne le voulsist fraper ne blecier. Et quant il vit que le dit prebstre ne se vouloit cesser, il trouva maniere de soy joindre au corps dudit prebstre, et lui osta la dicte espée. Et lors le dit Guillaume Barbotin, serourge d’icellui prebstre, print des pierres et les gecta contre le dit suppliant, pour le cuider fraper par la teste ou ailleurs, et avec ce print ung baston et en frapa ledit suppliant sur le braz ; lequel, soy voyant ainsi frappé, couru sus audit Barbotin, lequel se mist en la maison dudit Perrinet, voulant tousjours dudit baston frapper le dit suppliant, lequel en rabatant les coupz d’icellui baston ou autrement, frapa le dit Guillaume Barbotin de la dicte espée sur la teste ung seul coup, duquel icellui Barbotin, huit jours après ou environ, ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, le dit suppliant qui en tous autres cas s’est bien et doulcement gouverné, sans avoir esté actaint ne convaincu [p. 197] d’aucun villain cas, blasme ou reprouche, s’est absenté du pays, et n’y oseroit jamais retourner, doubtant pugnicion et rigueur de justice, par quoy ses femme et enfans seroient en avanture de venir à mandicité, se sur ce ne lui estoient noz grace et misericorde impartiz, si comme il dit, requerant humblement iceulx. Pour quoy nous, ces choses considerées, etc., à icellui suppliant, etc., avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux seneschal de Poictou et bailli de Touraine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Nancey le Duc, ou moys de decembre l’an de grace mil iiiic xliiii, et de nostre regne le xxiiie, soubz nostre seel ordonné en l’absence du grant.

Ainsi signé : Par le conseil. J. Aude. — Visa. Contentor. P. Le Picart.