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MCIII

Lettres d’abolition accordées à Jean Boitet, de Villefollet en Poitou, pour les pillages, violences et autres excès par lui commis pendant les guerres.

  • B AN JJ. 177, n° 204, fol. 136 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 312-314
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue l’umble supplicacion de Jehan Boitet, demourant à Villefolet en nostre païs de Poictou, chargié de femme et de trois petis enfans, aagé de xxxviii. ans ou environ, contenant que dès pieça il s’est emploié ou fait de noz guerres, [p. 313] et nous a servy ès voiages et armées que avons faictes et fait faire ès parties d’Almaigne, à Dyeppe, Avranches et Grantville1, et si fut à aidier à garder la ville d’Orleans, quant les Anglois tindrent le siege devant ; et oultre plus a aidié à conquester et reduire en nostre obeissance les places de la Forse, du Cor2, d’Aubeterre3 et de Marueil4, seans en nostre païs de Guienne, en et soubz les charges et compaignies de plusieurs chiefz et cappitaines de nos dictes guerres, sans ce qu’il ait tenu autre parti que le nostre ne fait guerre à l’encontre de nous ; et en ce faisant a despendu la pluspart de ses biens. Et aucunes foiz, quant il n’a eu de quoy vivre, a vesqu sur noz païs, tenant les [p. 314] champs et autrement, extraordinairement et excessivement, en prenant et raençonnant plusieurs de noz subgiez, leurs biens, bestiaulx, maisons et autres appartenances, et fait plusieurs inconveniens, pilleries, courses, roberies, à assaulx et prinses de places et plusieurs bateries et raencontres, et faiz autres dommaiges dont il ne se sauroit remembrer. Et doubte que, à l’occasion d’iceulx cas, il puisse ores ou pour le temps avenir estre molesté, travaillé ou empeschié en corps ou en biens, se nostre grace ne lui est sur ce impartie, en nous humblement requerant, etc. Pourquoy nous, etc., à icellui suppliant avons remis, quicté, pardonné et aboly, etc. les faiz, cas et crimes generalement dessus declarez, tout ainsi et par la forme et maniere que s’ilz feussent particulierement et diviseement narrez et speciffiez, ensemble quelzconques autres par lui commis, en suivant lesdictes guerres, comme se iceulx cas estoient non advenuz, excepté toutesvoyes meurdre d’aguet appensé, violemens et ravissemens de femmes et de filles, boutemens de feux et crime de sacrilege, et l’avons restitué, etc. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostre Parlement, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de avril l’an de grace mil cccc.xlvi, et de nostre regne le xxiiiime.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Le maréchal de Rieux s’était emparé de Dieppe le 28 octobre 1435 ; Avranches, assiégée au mois de décembre 1439 par Richemont, n’avait pu être prise à cause de l’indiscipline des routiers ; Granville fut l’objet d’une tentative des Français en juillet ou août 1441, et ne fut enlevée aux Anglais qu’en novembre 1442. Mais ces places avaient été défendues ou attaquées à plusieurs reprises pendant les années précédentes, de sorte qu’il serait difficile de déterminer à quelles opérations il est fait allusion ici.

2 En 1435, les États du Haut-Limousin se préoccupèrent d’obtenir la soumission de plusieurs places situées dans le voisinage de leur pays, et entre autres du château d’Aucor dans le Périgord, « que les Anglois avoient nagueres pris d’emblée », dont les garnisons leur causaient de graves préjudices. A plusieurs reprises, ils députèrent vers Jean de La Roche, sénéchal de Poitou, pour lui offrir les moyens pécuniaires d’entreprendre le siège de ce repaire de pillards. De son côté, le vicomte de Limoges (Jean de Penthièvre) paya comptant au sénéchal la somme de 750 livres pour l’aider dans ce projet, et Aucor fut repris de vive force aux Anglais avant la mi-août 1435. (Cf. A. Thomas, Les États de la France centrale sous Charles VII, t. I, p. 139, 140, 246 ; II, p. 64, 65, 68, 76.)

3 Par quittance du 4 novembre 1434, Jean de La Roche, écuyer d’écurie du roi et sénéchal de Poitou, reconnaît avoir reçu la somme de 2000 livres octroyée par les gens des trois États des pays de Poitou et de Saintonge, et faisant partie de l’aide imposée au mois d’août précédent pour mettre le siège devant la ville d’Aubeterre, « lors detenue et occupée par les Anglois ». (Bibl. nat., mss. Clairambault 194, n° 7689.) C’est donc vraisemblablement vers la fin de 1434 que cette ville fut recouvrée, quoique les chroniqueurs n’en parlent pas. Fut-elle reprise peu de temps après, ou le château demeura-t-il seul au pouvoir des Anglais ? Ce qui est certain, c’est que le château tomba au pouvoir des Français le 11 mai 1450 ; il fut livré à Jean Bureau par Bertrand de Grantmont et ses compagnons. (De Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V, p. 43, note.)

4 Mareuil, assiégé inutilement, en 1435, par Jean de La Roche, fut réduit à l’obéissance du roi trois ans plus tard. (Voir ci-dessus, p. 267, note 3.)