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MLXXXIX

Abolition en faveur de Jean Maurat, homme de guerre poitevin, pour les pillages, détrousses et autres excès auxquels il a pris part durant les guerres.

  • B AN JJ. 177, n° 178 bis, fol. 119 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 261-263
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu [p. 262] l’umble supplicacion de Jehan Maurat1, homme de guerre, natif du païs de Poictou, contenant que, dès son jeune aage, lui desirant nous servir, se soit exposé et nous ait continuelment servy ou fait de noz guerres, soubz plusieurs capitaines et autres ayans charge de gens d’armes, tant de par nous que autrement, en plusieurs et divers voiages et armées, et aussi en plusieurs sieges par nous ou de par nous tenuz devant plusieurs villes, places et forteresses qui estoient detenues et occuppées par noz anciens ennemys et adversaires les Anglois, et autrement en plusieurs et maintes manieres, ès quelz services il a euz et soustenuz plusieurs maulx, travaulx, et duretez en sa personne, pertes et dommaiges de chevaulx, harnoiz et autres biens, et à ceste cause souventes foiz cheu en grant neccessité et telement que, pour soy entretenir en nostre dit service, il a fait et commis et a esté en compaignie de faire et commettre plusieurs pilleries, roberies, raençonnemens et destrousses, tant de jour que de nuyt, sur plusieurs laboureurs, marchans et autres noz subgiez alans et venans par les chemins, en divers lieux et païs de nostre royaume, et fait plusieurs autres maulx, excès et deliz, ainsi que lors estoient coustumiers de faire noz autres gens de guerre tenans les champs. Et combien que icelluy suppliant soit encores de nostre charge et retenue et à noz gaiges et souldes, et que ayons aboly generalment à tous noz gens de guerre de toutes les choses commises de tout le temps passé jusques à noz derrenieres ordonnances2, et que depuis [p. 263] il se soit bien gouverné, toutesvoyes il doubte que aucuns sur qui ont esté faictes les dictes destrousses, pilleries, roberies et autres choses dessus dictes, en voulsissent ou temps avenir faire poursuite par justice à l’encontre de lui, et que par ce moyen on le voulsist mettre et constituer prisonnier, comme aucuns se sont efforcez faire, ou autrement contre lui rigoureusement proceder et par avanture à pugnicion corporelle, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu les diz services à nous faiz par le dit suppliant, comme encores fait chascun jour et a bon vouloir de faire, et que, pour soy entretenir en nostre dit service, il a esté comme contrainct à faire et commettre les diz excès et deliz, ou plusieurs d’iceulx, aussi que depuis les dictes ordonnances derrenieres, il s’est bien et honnestement gouverné et a esperance de faire, il nous plaise lui impartir icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans en ceste partie misericorde estre preferée à rigueur de justice, et envers lui recongnoistre les diz services, à icellui Jehan Maurat suppliant avons quicté, remys, pardonné et aboly, etc., reservé ravissement de femmes, sacrilege et boutemens de feu, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois d’avril l’an de grace mil iiiiexlv, et de nostre regne le xxiiiie, avant Pasques.

Signée : Par le roy, à la relacion du conseil. J. Jaupitre. — Visa. Contentor. Charlet.


1 On constate à la même époque l’existence d’un bourgeois de Poitiers, nommé Pierre Maurat, qui fut commis, de 1446 à 1449, avec d’autres bourgeois, par les maire et échevins, à la distribution des deniers de la ville. (Arch. municipales de Poitiers, J. 979 et suiv., 1014, K. 5.)

2 Il est fait allusion ici sans doute à la grande ordonnance donnée à Orléans, le 2 novembre 1439, pour la réforme de l’armée l’établissement d’une force militaire permanente et la répression des violences et excès commis par les gens de guerre (Coll. des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XIII, p. 306), et à l’ordonnance de 1445 instituant les compagnies d’ordonnances, dont on n’a plus le texte. Sur cette création, cf. de Beaucourt, Histoire de Charles VII, t. IV, p. 387 à 405.