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MLXXXIV

Rémission en faveur d’Osanne Boisseleau, femme de Guillaume Herbetin, prisonnière à Montaigu depuis trois ans pour crime d’infanticide.

  • B AN JJ. 177, n° 137, fol. 91 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 239-241
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Ozanne Boisselelle, aagiée de xxv. ans ou environ, femme de Guillaume Herbetin, povre homme de labour, contenant que, trois ou quatre ans [a] ou environ, la dicte suppliante, paravant qu’elle fust conjoincte par mariage avec le dit Herbetin, elle estoit demourant en l’ostel [p. 240] de Nicolas Regnault et sa femme, ès forsbourgs de Montagu, durant lequel temps ung nommé Racinoux, qui estoit aussi demourant ès diz forsbourgs, se accointa d’elle et telement qu’il la congneut charnelment et l’engrossa d’enfant. Et après, elle estant grosse, environ la feste de Noel ensuivant, fut conjoincte par mariage avec le dit Herbetin, et le dit mariage consommé et acomply, s’en alerent demourer ou bourg de Basoges en la chastellenie de Montagu, où estoit demourant le dit Herbetin et sa mere. Et environ la feste de Penthecoste après ensuivant, ung certain jour, la dicte suppliante estoit demourée en l’ostel de son dit mary toute seule, et icellui son mary et sa mere estoient alez aux champs, saichant icelle suppliante estre près de son terme de avoir enfant, ce qu’elle avoit tousjours celé à son dit mary, disant qu’elle estoit malade du mal monsieur saint Fiacre1, et soubz umbre d’icelle maladie avoit fait difficulté d’aler aux champs, et estoit demourée à l’ostel. Et incontinant que la dicte mere et son mary furent hors de la dicte maison, la dicte suppliante s’enferma en icelle, et tantost après qu’elle fut enfermée, ot un enfant masle ; lequel, pour les destresses qu’elle avoit souffertes et endurées, nasqui tout mort, au moins n’y congnoissoit point de vie. Et tantost après qu’elle ot eu le dit enfant, la mere de son dit mary vint à la porte de son dit hostel, et ainsi qu’elle sonna à la dicte porte, la dicte suppliante mussa le dit enfant soubz la coette du lict, pour doubte que la dicte mere le vist ou s’en apparceust. Et après ce qu’elle s’en fut alée, la dicte suppliante print son dit enfant tout mort et l’emporta en ung vergier, et le gecta en ung puiz. A l’occasion duquel cas, la dicte suppliante a esté prinse par la justice du dit lieu de Montagu, où elle est detenue en prison fermée, à grant pouvreté et misere, et [p. 241] est en voye de y miserablement finer ses jours, se noz grace et misericorde ne lui sont sur ce imparties. Et pour ce nous a humblement fait supplier et requerir que, attendu que, pour la doubte et crainte de son dit mary, elle supporta plusieurs grans douleurs, afin qu’il n’apparceust qu’elle fust grosse d’enfant, que son dit enfant est né mort, au moins n’y congneut point de vie, qu’elle a jà par trois ans ou environ esté prisonniere à grant misere, nous lui vueillons sur ce subvenir de nos dictes grace et misericorde. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, à icelle suppliante avons ou cas dessus dit quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois de janvier l’an de grace mil cccc. xlv, et de nostre regne le xxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Rolant. — Visa. Contentor. E. Duban.


1 On invoquait particulièrement saint Fiacre pour obtenir la guérison des tumeurs (viscum S. Fiacre, fix S. Fiacre). Cf. Acta Sanctorum (Bollandistes), août, t. VI, p. 599.