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MCXX

Lettres d’abolition octroyés à Raymond Chauveteau, homme d’armes poitevin, pour tous les excès dont il a pu se rendre coupable durant les guerres.

  • B AN JJ. 176, n° 436, fol. 289
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 379-381
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de Raymon Chauveteau, natif de nostre païs de Poictou, contenant que dès son jeune aage il nous a servy ou fait de noz guerres à l’encontre des Anglois, noz anciens ennemis, soubz et en la compaignie de feu Jehan de la Roche et de Guiot de la Roche, son frere, et de plusieurs noz capitaines et chefz de guerre, en maintes manieres, mesmement à lever le siege que nos diz ennemis tindrent pieça devant Aubeterre1, où il fut blecié d’un traict en la cuisse, dont il a esté malade par l’espace de v. ans ; et aussi nous a servy ès voiages et armées d’Avrenches2 et Marueil, Aucor3, en Normandie, Gascongne et [p. 380] ailleurs. Et avecques ce s’est souventes foiz trouvé en plusieurs entreprinses, destrousses, rencontres et autres bonnes besongnes qui ont esté faictes sur nos diz ennemis ; durant lequel temps, icellui suppliant est souventes foiz alé et venu par les païs et tenu les champs, en la compaignie desdiz capitaines et de leurs dictes gens, et sur noz subgiez, tant gens d’eglise, nobles, marchans, laboureurs, gens et bestail, que autres de divers estatz, a pris, pillé, robé et rançonné, batu, navré noz subgiez, espié chemins et aucunes foiz esté present quant autres de la compaignie où il estoit ont fait et commis meurdrez et boutez feuz, sans ce toutesfoiz qu’il ait esté fait par lui ne de son consentement, et a fait et esté consentant de faire plusieurs autres maulx, excès, deliz et malefices, que noz autres gens de guerre faisoient au temps qu’ilz tenoient les champs sur nos diz païs et subgiez, lesquelx à present il ne sauroit declarer ne exprimer. Et combien que nous ayons octroié abolicion generale à tous noz gens de guerre de toutes les choses avenues paravant noz ordonnances derrenierement faictes sur le fait de noz gens de guerre4, toutesvoies il doubte que, à l’occasion des choses dessus dictes, aucuns par haine ou autrement voulsissent, ou temps avenir, contre luy rigoreusement proceder par justice ou autrement, et qu’il ne s’ose bonnement jamais tenir seurement au païs, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu les services par lui à nous faiz, où il a emploié corps et chevance, et le temps de sa jonnesse, aussi que, le temps passé, toutes gens de guerre tenans les champs faisoient les maulx dessus diz, et n’eust peu ledit suppliant vivre ne soy entretenir [p. 381] sur les champs, veu que lui ne autres n’estoient point souldoiez, et que aussi que nous avions donné abolicion generale à tous nos diz gens d’armes des maulx et choses par eulx faictes et commises par avant noz ordonnances, par nous faictes sur le fait et entretenement de noz gens de guerre, il nous plaise lui pardonner et abolir les choses dessus dictes et sur ce luy impartir nostre grace. Pour quoy nous, ces choses considerées et mesmement les diz services par lui faiz, voulans aucunement iceulx recongnoistre envers ledit suppliant et en faveur d’iceulx, misericorde estre en ceste partie preferée à rigueur de justice, au dit Raymon Chauveteau, suppliant, avons, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, quicté, remis, pardonné et aboly, etc. tous les faiz et cas devant diz, avecques toutes les pilleries, roberies, destrousses, courses, larrecins, excès, crimes, malefices et deliz qu’il a faiz, consenty ou esté present à faire, soubz umbre et à l’occasion de la guerre, de tout le temps passé jusques à present, tout ainsi comme s’ilz estoient chacun particulierement specifiez et declarez en ces dictes presentes, etc., reservé seulement meurtre d’aguet appensé, ravissement et violence de femmes, boutement de feuz et sacrileige. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Rasilly près Chinon, ou mois de juillet l’an de grace mil cccc.xlvi, et de nostre regne le xxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, le sire de Precigny5 et autres presens. J. de la Loere. — Visa. Contentor. E. Du Ban.


1 Il est déjà question ci-dessus, p. 313 et note 3, du siège d’Aubeterre, dont on ne trouve point de mention dans les chroniques de l’époque.

2 En février 1435, Avranches fut assiégée par le duc d’Alençon, qui fut repoussé par le comte d’Arundel et Th. Scales. Il est sans doute fait allusion à cet événement plutôt qu’à une autre tentative, plus infructueuse encore, dirigée en décembre 1439 contre cette place par le connétable de Richemont et le même duc d’Alençon.

3 Mareuil soutint deux sièges, en 1435 et en 1437, tous deux conduits par Jean de La Roche, sénéchal de Poitou (cf. ci-dessus, p. 267, note 3). La place d’Aucor fut reprise aux Anglais en cette même année 1435 (id. p. 313, note 2).

4 A propos de l’abolition générale octroyée aux gens de guerre, cf. la note ci-dessus, p. 209.

5 Bertrand de Beauvau, sr de Pressigny.