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MXLV

Lettres permettant à Jean de Brisay, chevalier, de faire fortifier son lieu de Brisay.

  • B AN JJ. 176, n° 71, fol. 45
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 111-114
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion de nostre amé et feal chevalier Jehan de Brisay, sire du dit lieu de Brisay ou païs d’Anjou1, contenant que le dit lieu de Brisay qui est [p. 112] assiz en bon païs et fertile, est, à l’occasion de la guerre et de ce qu’il n’a esté fortifié le temps passé, moult apovry et diminué. Et pour ce, et afin de retraire les corps et biens de lui, de sa femme et enfans et de ses subgiez à seurté, et garder que les gens de guerre, tant de nostre parti que autres, qui vouldroient vivre ou dit païs d’Anjou, ne logent, comme ilz ont fait par cy devant, audit lieu de Brisay, icellui suppliant fortiffieroit voulontiers ledit lieu qui à ce faire est assez avantageux, se sur ce nous plairoit lui donner et octroier noz congié et licence, ainsi qu’il nous a fait dire et remonstrer, en nous humblement requerant iceulx. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et les bons et agreables services à nous faiz par ledit suppliant, ou fait de noz guerres et autrement en maintes manieres, fait chascun jour et esperons que encores face, à icellui, pour ces causes et autres à ce nous mouvans, avons de [p. 113] grace especial, plaine puissance et auctorité royal, donné et octroyé, donnons et octroions par ces presentes congié et licence de clorre et faire clorre, fortiffier et emparer le dit lieu de Brisay de murs, tours, fossez, portes, ponts leveiz, eschiffes, barbacanes et autres choses appartenans, necessaires et convenables à fait de fortifficacion, pourveu que ce ne nous tourne à prejudice et dommage, ne au païs d’environ, et que, non obstant ladicte fortifficacion, les hommes et subgiez d’icellui suppliant ne laissent à faire le guet ou d’ancienneté ilz ont acoustumé et sont tenuz de le faire, si non que ce procede du gré et consentement de cellui ou ceulx à qui la chose touche. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans, presens et avenir, et à chascun d’eulx, si [p. 114] comme à lui appartendra, que de noz presente grace et congié, licence et octroy facent, souffrent et laissent ledit suppliant joir et user plainement et paisiblement, sans sur ce lui mettre ou donner, ne souffrir estre fait, mis ou donné aucun destourbier ou empeschement au contraire. Car ainsi le voulons et nous plaist estre fait, non obstans quelzconques ordonnances, mandemens, defenses et lettres, impetrées ou à impetrer, au contraire. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre à ces presentes nostre seel ordonné en l’absence du grant. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné à Poictiers, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. quarente après Pasques, et de nostre regne le xviiime.

Ainsi signées : Par le roy, en son conseil. D. Budé. Visa.


1 Cette désignation « ou païs d’Anjou » ne peut s’appliquer à la localité de Brizay près l’Isle-Bouchard, dont était alors seigneur, suivant M. Carré de Busserolle, Jean de Brisay précisément. Il ne peut être question que de Brisay, autrement dit la Roche-de-Brisay (cnes de Coussay et de Verrue) en Mirebalais, ce pays faisant, à cette époque et depuis plus de soixante ans, partie du duché d’Anjou. D’après la généalogie la plus récente, Jean de Brisay, seigneur dudit lieu, de Saint-Germain-sur-Vienne, d’Availles, etc., naquit posthume le 9 août 1396 ; il était fils de Gilles de Brisay, mort à son retour de la campagne qui se termina par le désastre de Nicopolis, et de Marguerite de Rochechouart, dame de Saint-Germain, fille d’Aimery, seigneur de Mortemart. Le seigneur de Brisay servit contre les Anglais sous les ordres de Jean de Torsay, sénéchal de Poitou, puis de Louis de Culant, amiral de France. Dans des lettres d’abolition d’août 1447, imprimées ci-dessous, se trouve relaté avec détails un fait de guerre, la levée du siège de la Pérouse, qui eut lieu en 1425, et dans lequel il joua le rôle principal.

Marguerite de Rochechouart, dame de Brisay, était en procès le 17 février 1407 n.s. au sujet de la succession de Jean d’Archiac, son grand-père maternel, contre Louis de Feydeau, chevalier, et Marguerite d’Archiac, femme de ce dernier. (Arch. nat., X1a 54, fol. 155 v°.) A la date du samedi 13 novembre 1423, on lit dans les registres du Parlement : « Comme certaines causes et procès en cas de saisine et de nouvelleté feussent pendans en la court, entre Jehan Brechou, escuier, seigneur de Puissec, et damoiselle Marguerite de Brisay, sa femme ou temps qu’elle vivoit, d’une part, et Marguerite de Rochechouart et messire Jehan de Brisay, chevalier, son fils, d’autre, pendans lesquelz procès ladite damoiselle Marguerite soit alée de vie à trespassement, et depuis ce, soit venu à la cognoissance dudit seigneur de Puissec que ledit messire Jehan de Brisay et Pierre de Pennevaire, tuteur de Léonnet de Pennevaire, filz et héritier d’icelle Marguerite, ont fait certain accord prejudiciable audit sr de Puissec ; et pour ce icelui seigneur de Puissec s’est opposé et oppose à ce que ledit accord soit passé en lad. court, sans à ce estre appellé et oy pour certaines causes et raisons à declairer en lieu et en temps ». (X1a 9197, fol. 262.) Cette Marguerite de Brisay était la plus jeune sœur de Gilles, père de notre Jean de Brisay. On voit par cette citation qu’elle avait épousé en premières noces Jean de Pennevaire et en secondes Jean Brechou, sr de Puissec. (Cf. notre volume précédent, p. 156, note.) Voici encore deux extraits d’un registre criminel du Parlement, relatif à Jean seigneur de Brisay. « Du samedi xixme jour de novembre 1435. La court a defendu et defend à messire Jehan, seigneur de Brizay, à peine de vc marcs d’or, qu’il ne mefface ne face meffaire par voie de fait à Guiart seigneur de Brillac en corps ne en biens, en quelque maniere que ce soit, en lui enjoignant que, se aucune chose lui veult demander, il le poursuive par voie de justice ». — Du 19 avril 1436. « Messire Jehan de Brisay, chevalier, lequel par ordonnance de la court estoit venu et comparu ceans en personne, est elargi partout, quousque, etc., parmi ce qu’il a promis et juré, sub pena convicti ac aliis penis et submissionibus in talibus assuetis, venir et comparoir ceans en personne, toutes et quantes fois qu’il sera ordonné par icelle court. Et pour faire tous adjournemens, etc., a esleu son domicile à Poictiers, en l’ostel de maistre Pierre Desfriches, son procureur. » Malgré cet élargissement, le 26 mai suivant, la cour fit injonction comminatoire au procureur du roi en la sénéchaussée de Poitou de réunir toutes les informations recueillies à la charge des seigneurs de Brizay, de Château-Larcher et autres, coupables de roberies et de pillages au pays de Poitou, et de continuer les poursuites contre eux. (X2a 21, aux dates.) On n’a point trouvé la conclusion de cette affaire. Dans un titre de l’année 1457, Jean de Brisay est qualifié chambellan de Charles VII. Il s’était marié, en 1411, à Jeanne de Linières, dame de la Ferté-Gilbert, fille de Godemart, chevalier, sr de Mennetou, et d’Agnès Trousseau, et mourut après 1470, laissant trois filles et cinq fils. (Voir aussi pour Jean sr de Brisay et sa famille, La baronnie de Mirebeau, du xie au xviie siècle, par E. de Fouchier, p. 160, 161, et le Dictionnaire des familles du Poitou, nouv. édit., t. Ier, p. 790 et suiv.)