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MCVI

Lettres d’abolition en faveur de Pierre Massias, compagnon de guerre, demeurant à Tillou en Poitou, pour les pillages et excès dont il s’est rendu coupable pendant les campagnes auxquelles il a pris part.

  • B AN JJ. 177, n° 216, fol. 143 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 323-326
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receu l’umble supplicacion de Pierre Massias, compaignon de guerre, aagié de quarante ans ou environ, à present demourant en la parroisse de Taillou en Poictou, contenant que dès son jeune aage il nous a servy en noz guerres, tant en [p. 324] la compaignie et soubz Jehan de la Chappelle1, de Gaultier de Brusac2, que d’autres capitaines, et mesmement nous servit ou voiage que feismes pour nostre sacre et couronnement, et ès armées qui furent faictes pour les sieges de Mussy l’Evesque3, Sillé le Guillaume4, d’Avranches5 que en autres lieux, voiages et armées. Et aussi nous a servy soubz feu Jehan de la Roche, au temps qu’il vivoit, et Guiot de la Roche, son frere, et esté de leur compaignie. Toutesvoyes ne se arma il jamais à l’encontre de nous ne d’autres, tant que leur faisions guerre, ne ne les servit ne autres capitaines quelzconques, tant qu’ilz ont esté à l’encontre de nous et des nostres, et seulement les a serviz tant qu’ilz nous obeissoient et estoient en nostre bonne grace. [p. 325] Et s’est icellui suppliant emploié en nos dictes guerres tout au mieulx qu’il a peu, jusques à ce qu’il s’en est retrait, qui a esté puis trois ans ença. Pendans et durans lesquelz temps, icellui suppliant a euz et soustenuz plusieurs maulx, peines, travaulx et duretez en sa personne. Et si a eu de grans pertes et dommaiges en chevaulx, harnoiz et autres biens, et à ladicte cause souventes foiz cheu en grant souffretté et neccessité, et tant que pour soy entretenir en estat, il a esté astraint de tenir les champs, vivre sur noz païs et subgiez, etc…6, ce que bon lui a semblé. Et puet estre que, durant ledit temps qu’il a suivy les dictes guerres et tenu les champs en compaignie de gens d’armes, que lui et aucuns de ses genz ont prins prisonniers plusieurs de noz subgiez, iceulx raençonnez à plusieurs sommes de deniers, vivres et autres choses, iceulx batuz et appatissez, et fait et commis autres grans cas, crimes et deliz, ainsi que gens d’armes avoient acoustumé de faire, qu’il ne pourroit bonnement dire ne exprimer. Toutes foiz ne fut il jamais à ravissement de femmes, meurdre, sacrilege, ni boutemens de feuz. Et combien que le dit suppliant ait bonne voulenté et entencion de s’en tenir doresenavant, sans plus retourner à la guerre, neantmoins il doubte que aucuns, sur lesquelz ont esté faiz les diz maulx, pilleries, roberies, destrousses et autres choses dessus declairées, en voulsissent ès temps avenir faire poursuite par justice à l’encontre de lui, et que par ce moyen on lui voulsist ès temps avenir donner aucun destourbier ou empeschement, ou aucunement le molester et rigoureusement proceder à l’encontre de lui, ou le punir corporellement, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu, etc., il nous plaise lui impartir icelles. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, etc., à [p. 326] icellui Pierre Massias, suppliant, avons aboly, remis, quicté et pardonné, etc., pourveu toutesvoyes qu’il n’ait esté à ravissement de femmes, meurdre, violement d’eglise, ne boutemens de feuz. Si donnons en mandement aux seneschaulz de Poictou, Xanctonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois d’avril l’an de grace mil iiiicxlvi, et de nostre regne le xxiiiie.

Ainsi signé : Par le roy, vous et autres. Chaligaut. — Visa. Contentor. P. Le Picart.


1 Le Dictionnaire des familles du Poitou mentionne plusieurs personnages du nom de Jean de La Chapelle, vivant à cette époque, entre autres Jean, seigneur de la Forêt, fils de Gautier de La Chapelle, dit de Chiré, et de Jeanne Esgrain, dame de la Forêt, habitant le pays de Lusignan. (Nouv. édit., t. II, p. 240.) Mais rien ne permet d’identifier ce dernier ou l’un des autres avec le capitaine Jean de La Chapelle nommé ici.

2 Sur Gautier de Brusac, cf. ci-dessus, p. 221, note.

3 Les historiens disent que la ville de Mussy-l’Évêque ou Mussy-sur-Seine fut réduite à l’obéissance de Charles VII au mois d’avril 1431, mais sans fournir aucun détail sur cette opération militaire. En juillet suivant, le maréchal de Bourgogne réunissait des troupes pour faire le siège de cette ville, mais il en fut détourné par d’autres soins du côté du Nivernais et se contenta de commettre Jacques d’Aumont à la garde de Châtillon-sur-Seine, pour obvier aux courses que les soudoyers de la garnison de Mussy faisaient dans les environs. (Boutiot, Hist. de la ville de Troyes, t. II, p. 536.)

4 Il ne peut être fait allusion ici qu’à la journée de Sillé-le-Guillaume (février 1434), où Richemont réunit une armée imposante pour obliger le comte d’Arundell à lever le siège de cette place et à rendre les otages qu’il avait reçus en gage de soumission, si la ville n’était pas secourue dans un délai de six semaines. Les Français s’étant présentés au jour fixé en plus grande force que les Anglais, le comte d’Arundell s’éloigna et renvoya les otages. (E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 207 et suiv.)

5 Ce fut au mois de décembre 1439 que Richemont marcha sur Avranches avec le maréchal de Lohéac et le duc d’Alençon, et mit le siège devant cette ville. Le manque d’artillerie et d’argent, d’une part, et d’autre part le grand nombre de routiers qu’il avait emmenés avec lui, pour en débarrasser les environs de Paris, et dont l’indiscipline ordinaire était encore accrue par le mécontentement causé à tous les gens de guerre par la récente ordonnance promulguée à Orléans pour la réforme de l’armée, furent cause de l’échec complet du connétable. (Id. ibid., p. 299-300.)

6 La suite comme dans les lettres d’abolition octroyées à Jean Chauvet (ci-dessus, n° MXCI, p. 268.)