MLXVII
Rémission accordée à Jean Buignon, écuyer, de la châtellenie de Vouvant, coupable d’homicide involontaire sur la personne de sa femme, Jeanne de la Touche.
- B AN JJ. 177, n° 4, fol. 2
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 187-189
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l’umble supplicacion des parens et amis charnelz de Jehan Buignon1, [p. 188] l’ainsné, escuier, de la chastellerie de Vouvent en Poictou, chargié de huit enfans, contenant que le dit Buignon est né et extrait de noble lignée, et fut jà pieçà conjoinct par mariage à une nommée Aumoins (sic) de l’ostel de la Forest sur Seyvre, qui depuis est alée de vie à trespassement ; et après fut marié secondement à Jehanne de la Tousche, ou quel mariage ilz ont demouré par long temps, durant lequel ilz ont eu grant amour ensemble et se sont maintenuz ou dit mariage bien et honnorablement, ainsi qu’il appartient de faire ; et a eu la dicte Jehanne viii. enfans, lesquelz sont tous en vie et la plus part d’eulx sont encores mineurs, et aucuns en pupilarité. Et il soit ainsi que, le xviime jour du mois de juillet derrenier passé, le dit Jehan Buignon, l’ainsné, estant au lieu de la Fouconniere, dont il est seigneur, vit que Guillaume Buignon, l’un de ses enfans, faisoit certaines choses qui estoient à sa desplaisance, et pour ce l’en voult chastier, comme faire devoit ; et ainsi qu’il batoit ou vouloit batre son dit enfant, la dicte Jehanne de la Tousche, sa femme et mere dudit enfant, illec present, ayant pitié de luy, comme mere, s’efforça de vouloir oster audit Jehan Buignon, son mary, icellui enfant, et en ce [p. 189] faisant icellui Buignon, lequel avoit un costeau en sa main, ainsi que la dicte de la Tousche bota ledit Buignon pour rescourre le dit enfant, mist le dit couteau entre deux et au devant de sa dicte femme, et telement qu’il la frappa dudit coteau jusques au près du cuer, ce qu’il ne cuidoit pas faire. Et en fut très doulant et courroucié, et encores est ; et tantost après, icelle Jehanne de la Tousche ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ainsi avenu, comme dit est, le dit Jehan Buignon, doubtant rigueur de justice, s’est absenté du pays et a delaissié et habandonné ses diz enfans, et n’y oseroit jamais retourner, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. Et pour ce nous ont les diz supplians humblement fait requerir que, attendu que en tous autres cas il s’est bien et doulcement gouverné, sans avoir fait ou commis, ne esté actaint ou convaincu d’aucun autre villain cas, blasme ou reproche, la grant amour qui estoit entre le dit Jehan Buignon et la dicte Jehanne de la Tousche, sa femme, et que le dit cop a esté par fortune et aventure et en chaude cole, et non pas de propoz deliberé, si comme iceulx supplians dient, nous vueillons sur ce impartir audit Jehan Buignon nos dictes grace et misericorde. Pour ce est il que nous, les choses dessusdictes considerées, voulans misericorde estre preferée à rigueur de justice, audit Jehan Buignon, ou cas dessus dit et en faveur de ses diz enfans, avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement par ces mesmes presentes aux seneschal de Poictou, bailli de Touraine et des ressors et Exempcions d’Anjou et du Maine, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Bar sur Aube, ou mois d’aoust l’an de grace mil cccc. quarante quatre, et de nostre regne le vint deuxiesme.
Ainsi signé : Par le conseil. Beauvarlet. — Contentor. P. Le Picart. Visa.