MCXI
Lettres d’abolition en faveur de Guillaume Vincent, originaire de Normandie, demeurant à Villeneuve-la-Comtesse, ancien homme d’armes de la garde du corps du roi, pour les violences et excès de guerre auxquels il a pris part, notamment en la châtellenie de Civray.
- B AN JJ. 178, n° 14, fol. 9
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 335-339
Charles, etc. Savoir faisons, etc. nous avoir receue [p. 336] l’umble supplicacion de Guillaume Vincent, demourant à Villeneufve la Contesse en nostre païs de Poictou, aagé de quarante cinq ans ou environ, contenant qu’il est natif de nostre païs de Normendie, du lieu de Saint Saen en l’arceveschié de Rouen, et dès le temps de sa jeunesse et incontinant après la prise de nostre ville de Rouen1, il s’en vint demourer en nostre parti, avec nostre amé et feal Guillaume Blocet2, chevalier, seigneur de Saint Pierre, et le servy en la ville de Compiengne, par l’espace de deux ans ou environ comme page ; et après se mist avec feu Guillaume, aussi en son vivant chevalier, seigneur de Gamaches3, avec lequel il demoura par longtemps en nostre service, jusques au decès dudit de Gamaches qui fut douze ans [a] ou environ. Et depuis se mist et demoura avec Pierre de Gamaches, frere dudit seigneur de Gamaches, en son vivant cappitaine et ayant la garde de par nous du chastel de Chivray4, avec lequel il a demouré jusques [p. 337] à son trespas, qui fut trois ans a ou environ. Pendant et durant lequel temps il s’est armé, dès que il a esté en aage de ce faire, et s’est tousjours employé en nostre service au mieulx qu’il a peu, et suivy la guerre en tenant tousjours nostre party, sans avoir jamais varié ne fait guerre à l’encontre de nous. Et mesmement fut à la bataille de Vernueil5, où il fut fort blecié et prins par les Anglois, nos anciens ennemis, et mis à grosse finance et raençon, et fut à lever le siege de Compiegne en la compaignie de nostre amé et feal conseiller Philippe de Gamaches, à present abbé de Saint Denis en France6. Et aussi fut en nostre compaignie à nostre sacre et couronnement, ou quel temps il estoit de la garde de nostre corps en l’estat de hommes d’armes. Et depuis s’est trouvé en plusieurs faiz de guerre à l’encontre de nos diz ennemiz, tant en rencontres et sieges que autrement. Mais neantmoins, à l’occasion de ce que, durant le temps dessus dit qu’il a ainsi suivy les guerres, il a, pour soy entretenir en icelles, trouvé manieres plusieurs foiz d’avoir argent, vivres et autres choses, tant par raençons de bonnes gens, bestial et autres choses, que par destrousses de gens de tous estaz et autrement, et a vescu et fait comme ont acoustumé faire gens de guerre, en pillant, robant et faisant plusieurs maulx sur noz subgiez et autres ; et aussi que, seize ans a ou environ, pour resister aux grans [p. 338] entreprises, maulx, pilleries et dommaiges, que faisoient chascun jour sur noz subgiez de la chastellenie dudit lieu de Chivray et autres d’environ ung nommé Beaumenoir7, cappitaine de certain nombre de gens d’armes, et aussi ung nommé Grosse Teste, avec lequel se tenoit et frequentoit ensuivant la guerre ung appellé Martin Bourreau, comme s’ilz eussent esté Anglois, et par lesquelz qui avoient esté habandonnez par nous, pour les grans maulx qu’ilz faisoient, fut prinse par force et puissance la forteresse de Villeret en la chastellenie dudit lieu de Chivray, en laquelle estoit lors ledit suppliant, lequel ilz detindrent prisonnier et y perdi du sien environ la somme de cent escuz ; ledit Pierre de Gamaches, lors cappitaine dudit lieu de Chivray, avec lequel demouroit lors ledit suppliant, comme dit est, se mist sus et assembla certain nombre de compaignons, par aucuns desquelz fut prins ledit Bourreau, l’un desdiz gens de guerre, malfaiteurs et habandonnez, et mis en prison, et lui cousta environ xv. ou xvi. escuz en toutes choses, dont ledit suppliant ot son cheval qui povoit valoir trois escuz ou environ, il doubte que on voulsist ou temps avenir proceder contre lui rigoureusement, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, humblement requerant icelle. Pour quoy nous, ces choses considerées et mesmement lesdiz services à nous faiz par ledit suppliant, etc., à icellui avons quicté, remis, pardonné et aboli, etc., les faiz, cas et crimes dessus declairez et quelzconques autres par lui commis, durant le temps qu’il a suivy lesdictes [p. 339] guerres, jasoit ce qu’ilz ne soient en ces presentes exprimez, etc., excepté toutes voyes meurdre commis d’aguet apensé, boutemens de feux, violence et ravissement de femmes et de filles et crime de sacrilege, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens de nostre Parlement, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou mois d’avril l’an de grace mil cccc. xlvi, et de nostre regne le xxiiiime, après Pasques.
Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. E. Duban.