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MXLI

Lettres déclarant perpétuellement unis au domaine immédiat de la couronne les ville, cité et châtellenie de Poitiers, comté et pays de Poitou1.

  • B AN JJ. 199, n° 252, fol. 147
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 29, p. 100-105
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, de la part de noz conseilliers [p. 101] et officiers en noz ville et cité de Poictiers, païs et conté de Poictou, nous avoir esté remonstré comme la dicte ville et cité soit grant et notable ville et une des plus anciennes de nostre royaume, et en laquelle aient jadis esté et encores soient grant nombre de notables eglises et de beaulx et grans ediffices et aussi grans et notables bourgoisies, y ait eu aussi et encores ait grant chastellenie et ressort et plusieurs beaulx droiz seignouriaulx ; soit aussi nostre dit conté et païs de Poictou ung des beaulx et notables contez de nostre dit royaume et l’un des meilleurs et plus fertilles païs d’icellui, et ouquel a plusieurs baronnies et seigneuries, et plus grant nombre de vassaulx, et aussi de villes fermées et de notables forteresses ; ait avec ce en nostre dit conté et païs de Poictou plusieurs et divers pors de mer près de la marche de Bretaigne et ailleurs, et soit icellui assis près et sur la dicte mer joingnant et voisin près du dit païs de Bretaigne, marchissant de plusieurs costez en noz païs de Xantonge, Limosin, Berry et Touraine, et aussi ou païs d’Anjou ; nous aient aussi les prelatz, gens d’eglise, nobles, vassaulx et subgectz de nostre dit païs, et mesmement les bourgois et habitans de nostre [p. 102] dicte ville et cité de Poictiers, à nostre venue en icelle, après la violente occuppacion faicte par nostre adversaire d’Angleterre de nostre païs de Normandie ou d’une partie d’icellui, et après aussi nostre partement de nostre ville de Paris, et feu nostre très chier seigneur et pere, que Dieu absoille, estant soubz la subgection de nostre dit adversaire, en acquictant leur loyaulté envers nous et nostre dit seigneur et pere et la couronne de France, faicte plaine et entiere obeissance de nostre dicte ville et cité et d’icellui nostre païs, nous y aient receu comme faire le devoient, et de leurs corps et chevances nous aient tousjours liberalement aidez et secouruz à la conduite de nostre dite guerre et en noz autres affaires, et se soient noz vassaulx et tous les nobles d’icellui nostre païs continuellement emploiez en nostre service, et autrement nous aient par eulx et chascun d’eulx esté faiz et continuez plusieurs grans et loyaulx services ; et à cause d’iceulx et pour l’accident de nos dictes guerres aient noz subgectz dudit païs euz et soustenuz paciemment et en toute bonne subgection et obeissance plusieurs grans et divers dommaiges. Et avec ce, après nostre dicte venue en nostre dit païs de Poictou, et que avons eu congnoissance d’icellui et des grans et notables seigneuries qui y sont, du grant nombre de subgectz et des autres grans biens dont il est fourny, et pour consideration de sa bonne situation, ayons establi et ordonné en nostre dicte ville de Poictiers nostre Parlement et Court souveraine, en laquelle il a ordinairement sis jusques à present, et par ceulx de nostre dicte ville et cité à nostre dicte court esté reverée et secourue de tout leur povoir, et par le moyen de laquelle avons mieulx sceu et en plus grant et plaine congnoissance du fait de nostre dit conté et des grans et notables droiz et prerogatives qui à cause d’icellui nous appartiennent, ensemble de belles et notables seigneuries, terres et chastellenies qui tenues en sont. Lesquelles choses ainsi à nous [p. 103] remonstrées et adverties, nous ait esté supplié et requis que, comme nos dictes ville, cité et chastellenie de Poictiers, conté et païs de Poictou soient de present nuement et ligement en nostre main, et à nous et à la coronne de France, sans aucun moïen, et les diz bourgois et habitans d’icelle nostre ville et cité, et aussi tous les vassaulx, nobles et autres habitans d’icellui nostre conté, noz hommes et subgectz liges sans autre moyen que de nous ou des diz nobles et vassaulx, nous la dicte ville, cité et chastellenie, païs et conté de Poictou, en chief et en membres, avec toutes les appartenances, pour consideracion des choses dessus dictes, et pour l’evidant bien et prouffit de nous et de nostre dicte seigneurie et couronne, et aussi pour les grans secours et aides que en povons recouvrer à noz besoings et necessitez, comme par experience le avons congneu, vueillons incorporer, retenir, maintenir et entretenir à tousjours en et soubz nostre dicte main et seigneurie de nostre dicte couronne ligement et nuement, sans jamais en faire, pour quelxconques causes ou moiens qui soient ou puissent avenir, ne en quelque maniere que ce soit, aucun transport, separacion ou alienacion.

Pour ce est il que nous, eu sur ces choses grans advis et consideracion, et mesmement à ce que nostre dicte ville et cité de Poictiers a esté et encores est l’une des plus grans, notables et anciennes villes de nostre dit royaume, garnie et decorée de grant nombre de notables eglises, et aussi que nostre dit païs de Poictou est l’un des beaulx et plus grans et notables contez de nostre dit royaume, assis en la pluspart sur la coste de la mer, et ouquel a de plus belles et grans baronnies et seigneuries, et plus grant nombre de vassaulx et de belles chastellenies et ressors, d’autre part aux grans et loyaulx services que noz barons et vassaulx de nostre dit conté, les bourgois et habitans de nostre dicte ville et autres subgectz d’icellui [p. 104] nostre païs nous ont faiz depuis nostre dit partement dudit lieu de Paris, et aux grans secours et aides qu’il nous ont donnez ; pour ces causes et consideracions, et en recongnoissance desdiz services et secours, et aussi de la grant et bonne loyaulté et obeissance que noz diz barons et vassaulx, bourgois et habitans de nostre dicte ville et cité et autres noz subgectz d’icellui païs nous ont gardée et tenue, et aussi de la grant et entiere affection que les avons congneuz avoir à nous et à nostre dicte seigneurie et coronne, par l’advis et deliberacion de plusieurs des seigneurs de nostre sang et lignaige et autres de nostre grant conseil, avons ordonné et declairé, et par ces presentes ordonnons et declairons, par maniere de decret et ordonnance royal, vallables à perpetuité, pour nous et noz successeurs, que pour quelxconques causes, moiens et accidens qui puissent advenir, en quelque maniere que ce soit, nous ne nos diz successeurs ne mettrons ne consentirons mettre nostre dicte ville, cité et chastellenie, conté et païs de Poictou, ne aucuns des membres ou appartenances d’iceulx hors de nostre dicte main, seigneurie et coronne, ne les mettrons, baillerons, ferons, souffrerons ne consentirons mettre ne bailler en ne soubz autre main, seigneurie ou gouvernement que soubz le nostre, nuement et sans moyen quelconque. Promettons en parolle de roy, pour nous et nosdiz successeurs, soubz iceulx nos main et gouvernement les tenir, garder, gouverner et maintenir à tousjours, sans en faire ne souffrir ou consentir faire transport, separacion ou alienacion, pour quelconque cause, moien ou accident que ce soit ou puist estre, ne les mettre ne bailler en ne soubz main ou gouvernement de quelxconques personnes que ce soient, de nostre sang ou lignaige ou autrement, mais voulons, ordonnons, deliberons et declairons, de nostre certaine science et plaine puissance et auctorité royal, par maniere de decret valable à perpetuité, ainsi que dit est, que nos [p. 105] dictes ville et cité, conté et païs de Poictou, et toutes les appartenances et appendances d’iceulx, soient et demeurent à tousjours incorporées, joins et uniz à la coronne et seigneurie de France, et nuement et sans moien, soubz le seul, pur et singulier gouvernement de nous et de nos diz successeurs. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx chancellier, les gens de nostre grant conseil, les gens de nostre parlement, gens de noz comptes, à nostre seneschal de nostre dit conté de Poictou, et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans presens et avenir, et à chascun d’eulx, comme à lui appartendra, que noz presentes ordonnance, decret, declairacion, voulenté et deliberacion, tiennent et facent tenir fermes et estables à tousjours, et les tiennent et gardent, et facent tenir et garder sans enfraindre, selon leur forme et teneur, et sans venir ne souffrir faire ou venir à l’encontre, en quelconque maniere que ce soit. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l’autrui en toutes. Donné en nostre ville de Tours, ou mois d’aoust mil cccc. trente six, et de nostre regne le xiiiime.


1 Ces lettres, dont l’original se trouve aux archives de la ville de Poitiers (C. 15), se présentent sur notre registre incorporées, dans un vidimus donné par Louis XI, à Toulouse, en mai 1463, de plusieurs chartes de privilèges et exemptions octroyées par les rois ses prédécesseurs aux habitants de Poitiers ; elles sont imprimées dans le recueil des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XV, p. 677-679. Nous avons cherché vainement dans les registres du Trésor des chartes une autre ordonnance de même date exactement, mais de texte différent, qui prononce aussi l’incorporation et l’union de la ville de Poitiers à la couronne, et qu’il n’est pas inutile par suite de signaler ici. Elle porte en même temps que le Parlement, siégeant depuis dix-huit ans à Poitiers, sera rétabli à Paris, et qu’un siège royal sera créé dans la première de ces villes. « Et outre plus, pour icelle nostre dicte ville et cité de Poictiers entretenir en authorité et accroistre en biens et honneur, ayans consideration à ce qu’icelle nostre dite ville et cité est le chef lieu et capital de nostre dit païs de Poictou, nous voulons et ordonnons dès à present en icelle nostre dicte ville et cité estre et y avoir siege royal à tousjours mais, auquel nous voulons et ordonnons estre cogneu et decidé de toutes les causes des regales et exemptions du dit pays, et aussi des regales et exemptions de la Basse Marche, et des cas de nouvelleté qui par nos lettres ou de nos successeurs roys de France seront commis à nos juges du dit pays, à quelque siege que ce soit de nostre dit pays. Et si par vertu d’aucun committimus, adjournement estoit baillé à aucun des autres sieges de la dite seneschaussée, que le seneschal du dit pays ou son lieutenant les puisse, si bon luy semble, evoquer au dit siege de Poictiers pour en recongnoistre illec et decider… Donné en nostre ville de Tours, au mois d’aoust l’an de grace mil cccc. xxxvi. et de nostre regne le xiiiime. » Le texte de ces dernières lettres est transcrit dans une confirmation des privilèges de la ville de Poitiers, donnée en juin 1485 par le roi Charles VIII, et dont l’original, énorme pancarte de 2 mètres 31 centimètres de haut sur 0,57 de large, est conservé dans les archives municipales de Poitiers, A. 29. (Voir aussi Arch. nat., Parl. de Paris, X1a 8637, fol. 130.) Cette seconde ordonnance d’août 1436 a été imprimée isolément, à notre connaissance, au moins trois fois : 1° Girard et Joly, Troisiesme livre des Offices de France, in-fol., 1647, t. I, p. 11 ; 2° Ordonnances des rois de France, in-fol., t. XIII (1782), p. 226 ; 3° Thibaudeau, Histoire du Poitou, in-12, t. III, p. 358.