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MCCLXXVI

Rémission accordée à Macé Bertineau, boucher de Champdeniers, coupable, ainsi que son frère, du meurtre de Jean Servier qui lui louait une boucherie audit lieu et avec lequel il était en discussion d'intérêt.

  • B AN JJ. 187, n° 31, fol. 19
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l'umble supplicacion de Macé Bertineau, boucher, chargé de femme et de trois petis enfans, du lieu de Champdenier ou païs de Poictou, contenant que, cinq ans a ou environ, ung nommé Jehan Servier, lors demourant audit lieu de Champdenier, eut à ung certain jour parolles avecques la femme dudit suppliant, et lui dist qu'il vouloit vendre la moitié de la boucherie qui lui appartenoit, assise audit lieu de Champdenier, laquelle ledit suppliant tenoit à [p. 24] louage ; à quoy ladite femme dudit suppliant lui demanda pour quelle cause il vouloit vendre ladite boucherie, et lors icellui Servier dist à la dite femme dudit suppliant ces mots en substance : « Baillez moy de l'argent du louage ou vrayement je la vendray, ou je vous mettray à pain querre », et à tant se departi ledit Servier de ladite femme dudit suppliant, tout mal content d'elle. Et le lendemain ensuivant dudit jour, ledit Servier vint devers ledit suppliant, lequel ne savoit riens desdites parolles, pour prendre congié de lui, pour ce qu'il vouloit aler hors en ses besongnes. Lequel Servier et ledit suppliant burent ensemble avant de partir et dirent adieu l'un à l'autre, et après le departement dudit Servier, ladite femme dudit suppliant dist à icellui suppliant que ledit Servier le menaçoit de le mettre au pain querre et de vendre ladite boucherie, et lui dist oultre plusieurs autres choses et parolles que elle disoit que ledit Servier lui avoit dictes. Lequel suppliant dist à sa dite femme que ledit Servier avoit tort de ce dire. Et le lendemain après ces choses, icellui suppliant envoya querir son frère, nommé Jehan Bertineau, et lui demanda s'il vouloit aler querir ung beuf avecques lui, et il le paieroit ; lequel lui respondi que oy voluntiers. Et ce fait, ledit suppliant et son dit frère se misdrent à chemin pour aler querir ledit beuf, et ainsi qu'ilz aloient leur dit chemin, et qu'ilz furent hors dudit lieu de Champdenier, ledit suppliant dist audit Jehan Bertineau, son frère, que ledit Servier s'en aloit mal content de lui, et qu'ilz alassent après lui pour faire sa paix ; et après ce, ledit suppliant et sondit frère cheminèrent tant qu'ilz aconceurent ledit Servier qui s'en aloit devant eulx leur chemin en la forest de Boulay. Et incontinent que ledit suppliant le veit de loing en ladite forest, icellui suppliant sifïla en sa main pour faire arrester ledit Servier. Lequel Servier, incontinent qu'il oy ledit sifïlet, se arresta et regarda après lui et attendi ledit suppliant et sondit frère, et eulx estans tous trois [p. 25] arrivez ensemblement, ilz saluèrent l'un l'autre ; et dist icelluy suppliant audit Servier, après plusieurs parolles, que ledit Servier avoit dit qu'il vouloit vendre ladite boucherie et qu'il mettroit au pain querir ledit suppliant, et que par Dieu s'estoit mal dit à lui. A quoy ledit Servier lui respondi qu'il povoit bien ce faire, en lui disant plusieurs parolles injurieuses et mal sonnantes. Après lesquelles parolles, ledit Jehan Bertineau, frère dudit suppliant, dist à icellui suppliant que, se icellui Servier lui disoit plus riens qu'il lui despleust, qu'il lui donnast ung cop de baston. Et ce fait et dit, pour ce que ledit Servier ne se vouloit tenir ne deporter de parler rigoreusement à rencontre dudit suppliant, ledit Jehan Bertineau, son frère, se tira près dudit Servier et leva ung baston qu'il tenoit en sa main, et lui en donna ung cop ou deux sur la teste, non cuidant le occire ; desquelz cops icellui Servier cheut à terre et ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas ledit suppliant s'est absenté du païs, doubtant rigueur de justice, et n'y oseroit jamais plus demourer ne repairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, requerant humblement [que, consideré1] qu'il et sondit frère n'alèrent après ledit Servier en entencion de le batre, mutiller ne occire, mais seulement pour cuider accorder avecques lui de ladite boucherie qu'il vouloit vendre, afin qu'il ne vendist icelle là où il aloit, et que icellui Servier fut premier invaseur et aggresseur de parolles, etc., et aussi qu'il ne frappa ou fist frapper par sondit frère ledit Servier, et la charge qu'il a de sesdiz femme et enfans, et que satisfacion a par lui esté faicte à partie, il nous plaise lui remettre, quicter et pardonner le dit cas et sur ce lui impartir nosdictes grace el misericorde. Pour quoy nous, ce consideré, voulans misericorde preferer à rigueur de [p. 26] justice, à icellui suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement , par ces dictes presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Feurs en Forestz, ou moys de juing l'an de grace mil cccc. cinquante sept, et de nostre règne le xxxvme.

Ainsi signé : Par le conseil. G. de Thoucy. — Visa. Contentor. Chaligaut.


1 Ces deux mots, nécessaires au sens de la phrase, ne se trouvent pas sur le registre.