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MCCCVII

Rémission en faveur de Mathurin d'Appelvoisin, chevalier, compromis dans les événements qui amenèrent le meurtre d'Hector Rousseau et l'incendie de son hôtel1.

  • B AN JJ. 188, n° 87, fol. 41
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble [p. 126] suplicacion de nostre amé et feal Mathurin d'Appellevoisin, chevalier, seigneur dudit lieu d'Appellevoisin2 contenant que puis certain temps ença, nostre seneschal de Poictou ou son lieutenant, deument informé de plusieurs crimes, rançonnemens, excès, voyes de fait et autres deliz et malefices, commis par maistre Hector Rousseau3 et autres [p. 127] ses complices, et pour ce que ledit maistre Hector Rousseau estoit continuelment acompaigné de gens de guerre et avoit tousjours procedé et procedoit par force, violence et voye de fait plus que de raison, et resisté par plusieurs foiz de tout son povoir à rencontre de noz officiers et justice, batu et envillenny nosdiz officiers en faisant et exerçant leursdiz offices, et lequel, à l'ocasion des voyes de fait dont il usoit nosdiz officiers ne le povoient prandre et aprehender, Mathurin Marot, substitut de nostre procureur au lieu de Fontenay le Conte, et Guillaume Guerart, [p. 128] nostre sergent, lesquelz avoient charge de mettre à execucion certaines lettres de commission de nostredit seneschal, pour prandre au corps ledit Rousseau et le mener en noz prisons à Poitiers, firent savoir audit suppliant qu'il voulsist secourir et aider avecques autres à prendre au corps ledit Rousseau et le mener à justice ; lequel supliant en obeissant à justice, ainsi comme faire le devoit, se transporta, le xiiiie jour de may mil cccc. cinquante huit, au lieu du Brueil Barret, acompaigné d'un varlet et garny seulement d'un harnois de brigandines, d'une salade sur la teste, pour ce que ledit Rousseau estoit nottoirement renommé de grever et envillenner nosdiz officiers et de leur desobeir de tout son povoir, comme dit est, et aussi qu'il estoit tousjours garny de coulevrines et d'abillemens de guerre ; et lui arrivé audit lieu du Breuil Barret, où il trouva nostre bien amé Jacques Jousseaume, escuier, seigneur de la Gefardère, avec autres, ausquelz avoit esté fait commandement de eulx rendre audit lieu, et cuidant y trouver ledit Mathurin, substitut, et Guerart et autres dessus nommez, qui encores n'estoient arrivez, s'en ala devant l'ostel dudit Rousseau, sans entencion d'aucun mal ou dommage faire à icelui Rousseau. Et lui dist ledit suppliant qu'il s'en rendist prisonnier à nous et à nosdiz officiers, et que nostre seneschal de Poitou lui avoit donné commandement de le prandre prisonnier et l'avoit illec envoyé pour ce faire, et que il n'auroit de par lui mal ne villennye. Lequel Rousseau incontinant renya Dieu qu'il ne feroit riens pour roy ne pour royne, et appela ledit supliant et aussi ledit Jousseaume, qui sont gens nobles, de grant honneur et estat : « Vilains, traitres, ribaulx, ladres», en regnyant tousjours Dieu qu'il le seigneroit de la vaine du col et mengeroit de leurs foies roustiz sur le gril, et dist plusieurs autres grans injures et vilennies ; et de fait injuria aussi fort, en sa presence, ledit Jousseaume. Et après plusieurs paroles et injures par lui dictes, ledit maistre Hector Rousseau apela ledit supliant à parler à lui, à seurté et fiance, par une fenestre de la maison, et que il lui pardonnast les injures qu'il lui avoit dictes et proferées. Lequel supliant, usant de bonne foy et qui ne tendoità aucun mal lui faire, ala parler à lui, et lui dist ledit Rousseau telles paroles : «  Faictes cesser ce traictre, ribault, meseau Jousseaume, filz de putain, engendré d'un ribault cordelier à la basinette ». À quoy ledit suppliant respondy audit Rousseau que il disoit mal et que ledit Jousseaume estoit prouche parent de plusieurs gens nobles du païs et de grant maison, et mesmes de la femme de nostredit seneschal de Poitou4. Mais ledit Rousseau en continuant5 tousjours ses grosses parolles, lui dist que il ne donnoit de la truande seneschalle ne du truant Jousseaume ung bouton, et encores plus deshonnestement. Et après dist ledit Rousseau de rechief audit supliant qu'il se aprouchast de lui et qu'il vouloit parler à lui de secret, et ne vouloit point que ce vilain Jousseaume le oyst. Lequel supliant, qui ne pensoit en aucun mal engin, s'aproucha à la seurté dudit Rousseau, près de ladicte fenestre où il estoit, cuidant que icelui Rousseau lui voulsist dire aucunes paroles de secret, et ainsi que ledit supliant cuida haulser et lever la teste à parler à lui, ledit Rousseau voult frapper par la gorge ledit suppliant d'une grande espée qu'il avoit, et se n'eust esté le bort de sa salade qui arrèsta le coup, il eust couppé la gorge audit supliant, et l'eust illec tué et occis de la dicte espée. Et incontinant ledit supliant, se voyant ainsi injurié, blasmé et trahy par ledit Rousseau, ala au premier huys de la dicte maison et le ouvry ou[p. 130] rompy et entra dedans ; et ainsi qu'il entroit, ledit Rousseau et ses complices qui avoient chargé deux coulevrines au second huys de l'alée de ladicte maison, tirèren lesdictes coulevrines, dont l'une ne fist que bruyre, et tantost que ledit supliant la sentit et oyt bruire se tira ung acousté, et l'aultre tira tout oultre et passa par l'uys où estoit entré ledit supliant et l'eust tué, se il ne se feust contregardé. Et sans autre chose faire, s'en ala ledit supliant et se tira dehors de ladicte maison, où il trouva la femme dudit Rousseau, laquelle lui dist qu'il ne prist point à desplaisance ce que lui faisoit son mary. Et lors ledit supliant lui respondi que il feroit tant que il seroit prins par justice. Après lesquelles injures et vilenies ainsi dictes et faictes audit supliant, et lui parlant à la femme dudit Rousseau, icelui Rousseau requist derechief ledit supliant à mains jointes qu'il alast parler à lui à seurté oudit hostel où il estoit, en disant audit supliant : « Je vous requier pardon de ce que vous ay fait ». Lequel supliant lui respondi qu'il n'estoit pas homme à qui il deust parler et en qui il deust avoir fiance, attendu qu'il l'avoit cuidé et voulu tuer de ladicte espée en trahison et coupper la gorge, et aussi desdictes coulevrines. Auquel supliant ledit Rousseau dist ces motz : « Monseigneur, je sçay bien que je suis faulx et traictre de vous avoir fait ce que je vous ay fait. Je vous prye qu'il plaise le me pardonner, et que je parle à vous». Auquel Rousseau et à sa requeste ala ledit supliant parler ; lequel supliant dist audit Rousseau que il lui tint à ceste foiz meilleure foy et seureté que il n'avoit faicte à l'autre foiz, et que il lui conseilloit obeir à justice, et se autrement il le faisoit, il seroit mal conseillé, et que ledit Mathurin Marot, substitut de nostre dit procureur en Poictou, avoit la charge et mandement de le prendre, et si tost qu'il seroit venu, que il seroit prins et mené à justice, et se il le vouloit croire, il le meneroit seurement par devers nostre dit seneschal de Poictou, et lui feroit tout le mieulx [p. 131] qu'il pourroit. Lequel Rousseau respondi audit supliant, en renyant Dieu par plusieurs foiz, que il aimeroit mieulx mourir cent mil foiz que de soy rendre aux vilains trippiers de Poictiers et de Fontenay, et que s'il estoit en la ville de Poictiers, il donneroit ung coup de dague ou de cousteau au vilain lieutenant trippier et bougeron6, et après s'en yroit hors de ladicte ville, et n'en feroit autres nouvelles. Lequel suppliant, voyant la volenté et obstinacion dudit Rousseau, lui dist que c'estoit mal dit. Et lors ledit Rousseau lui dist qu'il estoit bien content dont ledit vilain Marot et les autres vilains trippiers de Fontenay venoient, et qu'il vouldroit que le villain trippier Chevredens7 et autres y feussent, en regnyant tousjours Dieu et sa loy, que il feroit icelui jour le plus grant meurtre que il vit oncques et que il mengeroit de leurs foies roustiz ; en disant oultre audit suppliant que il ne s'en alast point et que il verroit ung beau jeu, en regnyant tousjours Dieu, que il seroit vangé ledit jour de tous ses ennemis. Auquel Rousseau ledit suppliant dist encores que c'estoit mal fait et mal dit et que il lui conseilloit de soy rendre et faire obeissance à justice. Et atant se departy ledit supliant dudit Rousseau et s'en ala hors dudit hostel. Et quant la femme dudit Rousseau vit les rebellions, desobeissances et parolles dessus dictes, que sondit mary faisoit et disoit, vint à l'entrée de l'uis de ladicte maison, pria et requist sondit mary que par Dieu il se rendist en l'obeissance de nous et de noz officiers et que il n'auroit aucun mal. Lequel Rousseau respondy à sadicte femme telz motz : « Truande, paillarde, oste toi d'ilec et que je ne te voye plus », en renyant tousjours Dieu que autrement il la tueroit ; car[p. 132] aujourd'uy il feroit mourir tous ses ribaulx, meseaulx, ladres, « et me cheviray bien d'eulx comme je me suis chevy d'autres». Laquelle femme dudit Rousseau, voyant l'obstination de sondit mary et qu'il ne vouloit faire aucune obeissance à justice, s'en ala d'illec avec ledit supliant ou bourg dudit lieu du Breuil Barret, en l'ostel d'un nommé de La Coussaie8, et parlèrent après ledit suppliant et elle longuement ensemble, et mangèrent et beurent, et tout pour le bien et prouffit dudit Rousseau et d'elle. Et ce pendant survint oudit hostel ung des serviteurs dudit Jousseaume, fort blecié d'un raillon au travers du braz, auquel ledit supliant et la femme dudit Rousseau, après que ledit raillon fut osté, misdrent en la playe ung lardon et le pensèrent au mieulx qu'ilz peurent. Et ce fait, ladicte femme dudit Rousseau pria ledit suppliant que il alast à la maison dudit Rousseau, devant laquelle estoit ledit Jacques Jousseaume avecques plusieurs autres, pour garder que plus grant inconvenient n'en advint ; lequel supliant y ala avant vespres, desarmé de sesdictes brigandines et salade, et vestu d'une robe blanche qui estoit au compaignon du prieur dudit lieu du Breuil Barret, de l'ordre de Saint Augustin, de l'abbaye de Saint Ru9, et parla de rechief audit Rousseau, auquel il dist que c'estoit mal fait d'avoir ainsi blecié ledit homme. Lequel lui respondi, en renyant encores Dieu, qu'il vouldroit en avoir autant fait à tous les autres illec estans, et atant s'en retourna[p. 133] ledit suppliant à son logeis, cuidant trouver ladicte femme dudit Rousseau, laquelle s'en estoit alée, et à la requeste de la femme de Herbert Rousseau10, frère dudit Hector, ala ledit supliant, ainsi desarmé, par plusieurs foiz parler audit maistre Hector Rousseau, pour le cuider faire rendre à justice. Lequel maistre Hector dist en renyant Dieu qu'il aimoit mieux mourir que se rendre à aucuns de noz officiers. Et tantost après, sans autre chose faire, s'en ala ledit suppliant soupper avecques ledit Jacques Jousseaume. Et après ledit soupper vindrent et arrivèrent lesdiz Marot et Guerart, nosdiz officiers, audit lieu du Breuil Barret devant ladicte maison dudit Rousseau, après ou environ souleil couchant, et firent commandement audit suppliant qu'il aidast à prendre ledit Rousseau ; lequel suppliant, après lesdiz commandemens faiz, en nous voulant obeir et à nosdiz officiers, s'en ala à sondit logeis et se arma de sesdictes brigandines et salade, et revint devant ledit hostel dudit Rousseau. Auquel Rousseau il dist que nosdictes gens et officiers estoient ilec presens et que il se rendist à eulx. Lequel supliant ledit Rousseau appela traictre chevalier, meseau, et lui dist plusieurs autres injures et vilennies, et tira et fist tirer plusieurs coulevrines et arbalestes. Et lors se tira à part ledit supliant avec ledit Jousseaume, bien loing d'environ d'un gect de pierre de ladicte maison, en tirant vers sondit logeis, et aussi s'en ala ledit Marot tout malade ; et depuis ne se [p. 134] aproucha ledit supliant dudit hostel, mais vit tantost après le feu sortir hault par la cheminée qui estoit en ladicte maison dudit Rousseau, et par aucun temps après oyt dire qu'il estoit mort. Dont il fut dolent, et ne fut aucunement consentent desdiz feu et meurtre. Et après prindrent nostre dit sergent et autres qui l'acompaignèrent aucuns des malfaicteurs et complices dudit Rousseau, et les menèrent là où bon leur sembla. Depuis lequel cas ainsi advenu et qu'il vint à la notice et congnoissance de nostredit procureur en Poitou, il a fait faire informacion sur ce, et, ladicte informacion faicte et veue, a fait adjourner ledit supliant et autres à comparoir en personne par devant nostre dit seneschal de Poictou ou son lieutenant à son siège de Poictiers, à certain jour après ensuivant. Auquel jour il s'est comparu avecques les autres adjournez, et fut arresté prisonnier et mis ès prisons de la conciergerie de nostre palais de Poictiers. Et lui estant ilec prisonnier, maistre Guillaume Artault, premier huissier en nostre court de Parlement, par vertu de certaines lettres obtenues ou nom de Loyse Rabatelle11 veuve, et autres parens [p. 135] dudit Rousseau, adjourna ledit supliant et lesdiz Jousseaume, Marot, Martin et autres à comparoir en personne en nostredicte court de Parlement12, à certain jour ensuivant, sur paine de bannissement et de confiscacion de corps et de biens, pour raison dudit cas, pour lequel ilz avoient par avant esté adjournez et estoient arrestez, constituez et detenuz prisonniers à Poitiers, comme dit est. [Pour quoy ne s'est ledit suppliant comparu audit jour] et aussi pour doubte que rigueur de justice leur feust faicte, avant qu'ilz peussent monstrer de leurs justificacions et deffences, et a esté mis en trois deffaulx en nostredicte court, ainsi que on dit, et adjourné sur le prouffit d'iceulx. Et doubte ledit suppliant, jasçoit ce que par lui ne par son commandement ledit cas n'ait esté fait, et qu'il ne feust alé audit lieu du Breuil Barret en entencion ne volonté aucune de meffaire ne faire meffaire, en corps ne en biens, audit Rousseau, en aucune manière, mais seulement pour secourir, aider et donner secours, confort et aide à noz officiers et à justice, ainsi que mandé lui avoit esté, que l'on voulsist contre lui proceder à rigueur de justice, mesmement, pour ce qu'il est chevalier et de bonne maison, se tint avec grant assemblée de peuple et de gens armez et embastonnez, avant que le commissaire et exécuteurs des lettres dessusdictes feussent arrivez, et aussi qu'il estoit en la compaignie, quoy que soit près d'ilec, quant ledit cas advint, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties. En nous humblement requerant[p. 136] que nous, eu regard à ce que dit est, que ledit suppliant, qui est nobles homs et de grant maison, nous a servy ou fait de noz guerres et sert de jour en jour, quant mestier en est, aussi ont fait ses predecesseurs, et s'est toujours bien et notablement gouverné, sans avoir fait, commis et perpetré aucun villain cas, blasme ou reprouche, etc., nous lui vueillons nosdictes grace et misericorde impartir. Pour quoy nous, les choses dessusdictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant le fait et le cas dessus touché avons quicté, remis el pardonné, etc. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans et qui tendront nostre Parlement à Paris et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Razillé près Chinon, ou mois de may l'an de grace mil cccc. cinquante et neuf, et de nostre règne le xxxviie.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. A. Rolant. — Contentor. Chaligault.


1 Ces lettres de rémission et les sept qui suivent immédiatement ont trait à la même affaire : l'assassinat d'Hector Rousseau et l'incendie de l'hôtel où il demeurait au Breuil-Barret, non loin de Fontenayle-Comte. Si l'on s'en tenait à ces lettres, on en pourrait conclure que, la victime étant entrée en rébellion armée contre l'autorité judiciaire et ayant attaqué furieusement, et sans rien vouloir entendre, ceux qui étaient venus, munis d'une commission régulière, pour l'arrêter et lui demander compte de crimes énormes, sa mort était très excusable, puisque le substitut du procureur du roi de Fontenay et les gentilshommes qui lui prêtaient main-forte auraient été en état de légitime défense. Même en lisant certaines de ces lettres, notamment celles qui furent octroyées à Mathurin d'Appelvoisin, on se demanderait quel blâme il pouvait bien avoir encouru, son rôle s'étant borné, d'après son récit, à intervenir dans un but de conciliation et à essayer de faire entendre à Hector Rousseau la voix de la raison. On peut donc supposer, d'autre part, que Mathurin d'Appelvoisin et ses compagnons, pour obtenir plus facilement leur rémission, avaient grandement atténué leur responsabilité, comme le cas se présentait fréquemment. Avant même qu'ils n'aient eu le temps de se soustraire aux poursuites en se couvrant de la grâce royale, ils avaient été ajournés devant le sénéchal de Poitou, puis au Parlement, et quand ils purent produire devant la cour leurs lettres de rémission, la veuve et les parents d'Hector Rousseau s'opposèrent à leur entérinement. Toutes les pièces du long procès qui en résulta nous sont fournies par les registres criminels du Parlement. On peut en conséquence contrôler les affirmations contenues dans les lettres que nous publions ici. Cette affaire dut avoir à l'époque un grand retentissement eu Poitou, tant à cause du drame en lui-même que par le rang des personnages qui y jouèrent un rôle, et, à ce titre, elle mérite d'être soumise aux règles de la critique et examinée contradictoirement. Comme cette étude exige un certain développement et qu'elle dépasserait de beaucoup les bornes d'une simple note, nous nous réservons de la présenter avec quelque détail dans l'introduction qui sera placée en tête du présent volume.

2 Mathurin d'Appelvoisin, chevalier, seigneur dudit lieu et du Bois-Chapeleau, chef de la branche aînée de cette famille d'antique origine du pays de Gâtine, était fils de Huguet et de Jeanne Payen. Il était doublement allié aux Jousseaume, sa grand'mère maternelle était Marquise Jousseaume, et l'une de ses filles, Jeanne, épousa François Jousseaume, écuyer, sr de Soulandreau. Mathurin fut un des exécuteurs testamentaires de Jacques de Surgères, sr de la Flocellière, et servit, en qualité d'homme d'armes du seigneur de Bressuire, au ban des nobles du Poitou, en 1467. (Dict. des familles du Poitou, nouv, édit., t. I, p. 84.) Il tenait comme héritier de son grandpère, Guillaume d'Appelvoisin, à hommage de Jean du Fouilloux, écuyer, seigneur du Buignon-Pothereau : 1° Les Charantonnières, sises en la paroisse de Saint-Paul-en-Gâtine ; 2° une borderie de terre désherbergée en la paroisse du Breuil-Barret. (Arch, nat., R1a 204, fol. 40 v°.) On verra par le procès que son inimitié avec Hector Rousseau provenait de contestations au sujet de proprietés limitrophes. Sa femme, Catherine de La Noué, alors veuve, rendit, l'an 1487, un aveu à Nicole de Bretagne, comtesse de Penthièvre, comme dame de Poiroux. (Coll. Dugast-Matifeux, à la Bibl, de la ville de Nantes, liasse 122.)

3 Hector Rousseau qui, est qualifié, dans un acte judiciaire de l'an 1452, maître ès arts et bachelier en lois, avait été pourvu de l'office de procureur du roi en la sénéchaussée de Guyenne à Bordeaux, après la seconde conquête du duché. Nous ne savons à quelle famille il doit être rattaché et s'il appartenait à une branche des Rousseau, seigneurs de la Boissière, dont la noblesse fut confirmée par les commissaires royaux en 1398 et 1408. (Cf. notre t. VII, Arch. hist., t. XXVI, p. 135.) Hector Rousseau avait été marié une première fois avec Mathurine de

Liniers ou de Linières (on trouve les deux versions), dont il lui restait une fille, Marguerite, encore mineure, et de sa seconde femme, Louise Rabateau, il avait aussi une fille, qui était toute jeune lors de la mort tragique de son père. Six années auparavant, déjà, Hector avait bien failli succomber sous les coups d'autres ennemis également acharnés à sa perte, dont les principaux d'ailleurs étaient parents ou alliés de ceux qui obtinrent les rémissions de mai 1459. Jean de Beaumanoir, seigneur de la Héardière, et son fils Jean, François de Sarmonnières, François Bourdin, Mathurin Cailleteau et plusieurs autres firent un jour irruption en armes dans cette même maison du Breuil-Barret où habitait Hector Rousseau ; ils se saisirent de sa personne, le frappèrent, lui percèrent le bras d'une dague, l'entraînèrent dans un petit bois à deux lieues de là, où ils le laissèrent pour mort avec trente-deux blessures pénétrantes, après lui avoir volé sa bourse pleine d'argent, emmené deux de ses chevaux, pillé ses meubles et joyaux. Poursuivis d'abord devant le sénéchal de Poitou, ils se gardèrent bien de comparaître. Le 19 septembre 1452, Hector obtint contre eux des lettres d'ajournement au Parlement de Paris pour lé 12 décembre suivant, sous peine de bannissement. Le sr de la Héardière et ses complices firent encore défaut. Le procureur du roi joint à Hector Rousseau demanda une condamnation sévère : le bannissement et la confiscation, la restitution des biens volés, le payement des frais de médecin et autres, l'amende honorable dans la cour de Parlement et devant la porte de l'église du Breuil-Barret, tête et pieds nus, en chemise, une torche de cire ardente de deux livres à la main, des dommages-intérêts de 2.000 livres parisis au profit de la victime, etc. Dans l'intervalle, les coupables parvinrent à se faire délivrer des lettres de rémission et en requirent l'entérinement. Le Parlement rendit son arrêt définitif, le 28 avril 1453 ; pour réparation civile, Beaumanoir et ses complices furent condamnés à restituer ce qu'ils avaient pris, à dédommager Hector Rousseau de tous les frais, qu'il avait faits à lui payer chacun 400 livres parisis et 100 livres d'amende envers le roi, à tenir prison fermée jusqu'au parfait règlement de ces sommes, et à tous les dépens des différents procès. La cour déclarait en outre que Rousseau serait désormais placé sous la sauvegarde royale. (Arch, nat., X'2a 26, fol. 270.) Cette mesure ne réussit pas à le soustraire à sa destinée tragique : Mathurin d'Appelvoisin, Jacques Jousseaume, Jean de Puyguyon et les autres nommés ci-dessous achevèrent l'œuvre commencée par leurs parents et amis.

4 Jeanne Jousseaume, fille de Jean, seigneur de la Forêt-sur-Sèvre et de Commequiers, et de Jeanne de l'Isle-Bouchard, héritière de la Forêt-sur-Sèvre à la mort de son frère Louis, avait épousé, l'an 1440, Louis de Beaumont, chevalier, sr de Vallans, qui fut sénéchal de Poitou du 3 avril 1451 n. s. à la fin de 1460. (Cf. notre précédent volume, p. 378, note.)
5 Le texte du registre porte fautivement « incontinent », au lieu de « en continuant ».
6 Mot ayant la même signification que bougre: homme de mœurs contre nature.
7 Jean Chevredent, qui était alors procureur du roi en la sénéchaussée de Poitou. Il a été question de ce personnage dans nos deux précédents volumes et son nom reparaîtra encore plusieurs fois dans celui-ci.
8 Dans la rémission en faveur de Maurice Herpin (ci-dessous, n° MCCCXIII), il est nommé Guillaume de La Coussaye. Une généalogie de la famille de La Coussaye, originaire de la Gâtine, se trouve dans la nouv. édit, du Dict. des familles du Poitou, t. Il, p. 702 et suiv., mais elle ne permet pas de déterminer sûrement lequel de ses membres possédait à cette époque un hôtel au Breuil-Barret. Cette généalogie débute par un Guillaume, sr de la Coudre et Chicheville (paroisse du Beugnon, canton de Coulonges-sur-l'Autize) décédé avant 1461.
9 Ce prieuré de chanoines réguliers de Saint-Augustin, de la congrégation de Saint-Ruf, paraît différent du prieuré-cure du Breuil-Barret, sur lequel le Pouillé des diocèses de Luçon et de Maillezais publ. par l'abbé Aillery (Fontenay, 1860, in-4°, p. 174) fournit quelques renseignements sommaires.
10 Ce frère d'Hector Rousseau est plus souvent nommé Albert, particulièrement sur les registres du Parlement. C'est lui qui eut l'administration de la personne et des biens de Marguerite, la fille aînée de son frère, et fit les frais des poursuites contre les meurtriers. Il eut à ce sujet un procès contre sa belle-sœur qui se jugeait lésée, ainsi que sa fille Jeanne, dont elle avait la tutelle, dans la réparation des dommages-intérêts. (Voir un acte d'opposition de celle-ci au Parlement, du mardi 22 septembre 1472, Arch. nat., X2a 39, à la date.) Le même Albert Rousseau obtint de la cour, le 19 janvier 1475 n. s., un mandement d'information, adressé aux enquêteurs et au clerc de la sénéchaussée de Poitou, contre les frères Guillaume et Jacques Le Maçon, prisonniers à sa requête, qu'il accusait d avoir commis à son préjudice divers excès non précisés (X2a 40, fol. 220 v°).

11 La généalogie de la famille Rabateau qui se trouve dans la 1er édit, du Dict. des familles du Poitou est trop incomplète (M. Daniel Lacombe n'y a rien ajouté, dans son étude sur le président Jean Rabateau, L'hôte de Jeanne d'Arc à Poitiers, Paris, Niort, 1895, in-8°), pour que l'on puisse y reconnaître la filiation de Louise Rabateau. Elle paraît être la nièce de Jean, président au Parlement, dont il a été question, à plusieurs reprises, dans nos deux derniers volumes. Il avait un frère qui laissa certainement plusieurs enfants, dont au moins une fille, car dans un acte du Parlement du 31 mai 1462 (Arch. nat., X2a 32, à la date), il est parlé d'une nièce du président. Jean Rabateau, sr de la Rabatelière, lieutenant général au siège de Fontenay-le-Comte, marié à Marie Thibault, devait être le petit-fils et non le fils, comme le dit M. Beauchet-Filleau, de ce frère du président, car Marie Thibault, alors sa veuve depuis peu de temps, réclamait, le 7 novembre 1533, la riche succession de Jean Rideau, sr de Bernay à Iteuil. (Arrêt du Parlement de cette date, Xla 1536, fol. 465 v°, 481.) Quoi qu'il en soit, Louise Rabateau, avant de devenir la femme d'Hector Rousseau, avait épousé en premières noces Jean Mouraut, oncle sans doute ou cousin de Jean Mouraut, sr de la Mothe-sur-Croutelle (sur lequel voyez notre vol. précédent, p. 328, note). Après la mort de son second mari, dont elle avait une fille, nommée Jeanne, elle contracta un troisième mariage avec Antoine Augier, écuyer, comme on le voit par le passage suivant d'un registre de la cour : « Me Jacques Olivier, procureur de Anthoine Augier, escuier, et demoiselle Loyse Rabatelle, sa femme, comme ayant le gouvernement de sa fille, s'oppose à ce que aucun exécutoire de despens ne soit baillé ou delivré à Albert Rousseau, pour certaines causes, etc., 22 septembre 1472. (X2a 39.)

12 Mathurin d'Appelvoisin et ses co-accusés avaient été ajournés au Parlement pour le 21 novembre 1458 (X2a 28, à la date). C'est la première mention d'un procès dont il sera question dans l'introduction du présent volume et dont on retrouve encore la trace sur les registres de la cour, le 6 juillet 1474. (X2a 40, fol. 159 v°.)