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MCCCXIX

Rémission en faveur de Pierre Daindre, maréchal, demeurant à Talmont, coupable du meurtre de Nicolas Maynart, autre maréchal du même lieu, qui l'avait gravement offensé dans son honneur.

  • B AN JJ. 188, n° 157, fol. 78
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Pierre Daindre, povre jeune homme, chargé de femme et d'enfans, demourant et natif de la ville de Thalemont en nostre pays de Poictou, contenant que, quatre ans a ou environ, ledit suppliant qui est mareschal, bon ouvrier de son mestier, fut marié avecques une jeune fille de l'aage de xviii. ans ou environ, et après ledit mariage, s'en ala demourer près la maison d'un nommé Nicolas Maynnart, aussi mareschal. Lequel Maynnart, qui estoit fort sedicieux et plain de mauvais lengaige, s'estoit vanté par plusieurs foiz et vantoit publiquement et notoirement en ladicte ville de Thalemont qu'il avoit habité et congneu charnelement la femme dudit suppliant et en faisoit à son plaisir toutes et quantes foiz que bon lui sembloit. Desquelles choses ledit suppliant fut adverti et en fut très desplaisant, doulant et courroucié à rencontre dudit Maynnart ; lequel, ung certain jour du mois d'aoust derrenier passé, environ l'eure de mydi, ledit suppliant trouva hors ladicte ville de Thalemont, près ung russeau d'eaue appellé Guy Robert, ainsi que icellui suppliant aloit querir du fer pour son mestier à l'ostel de Espinaye près d'ilec ; et demanda ledit suppliant audit Maynnart s'il vouloit maintenir les dictes parolles diffamatoires qu'il avoit ainsi dictes de sadicte femme, en les lui recitant comme il les avoit dictes. Lequel Maynnart lui respondit de felon couraige qu'il avoit eu compaignie charnelle de sadicte femme tout à son apetit, et que en ce faisant elle lui avoit [p. 188] prins et osté l'argent de sa bourse. Et ce veant, ledit suppliant tout esmeu et eschauffé de ce que dit est, se print audit Maynnart et ilec s'entredesmentirent et dirent plusieurs parolles injurieuses, et enfin ledit suppliant geta ledit Maynnart par terre, et incontinent d'un baston de houx qu'il avoit le frappa sur la teste tellement que, ainsi comme il se cuidoit relever, pour l'estourdissement dudit coup il rechey à terre, mais ce non obstant en soy cuidant relever, continuoit tousjours et disoit en reprouchant audit suppliant les parolles dessus escriptes de sadicte femme. Et adonc ledit suppliant qui ne povoit plus endurer ce que lui disoit ledit Maynnart, et aussi pour doubte qu'il ne se relevast pour le grever et endommaiger de sa personne, le frappa plusieurs coups dudit baston de houx par la teste, bras, jambes et autres parties du corps, tellement que icellui Maynnart demoura illec tombé à terre par aucune espace de temps, et après se releva et s'en ala en ladicte ville de Thalemont, jusques près de la maison d'un nommé Janin Bourdet, et illec chey de rechief à terre, et fut pris et emmené par sa femme et autres en sa maison, où il fut confessé et receut tous ses sacremens, et tantost après, ce jour mesmes, ala de vie à trespas. A l'occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, se mist en franchise à l'abbaye dudit lieu de Thalemont1 où il s'est tenu par aucun temps, et après s'est absenté et n'oseroit converser seurement au pays, se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie ; humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit suppliant a esté meu de juste douleur par les parolles que ledit Maynnart lui disoit de sadicte femme, et que ce qu'il a fait ce a esté par chaude colle et esmeu desdictes parolles et reprouclies à lui faictes par icellui Maynnart, et que en [p. 189] toutes autres choses ledit suppliant a tousjours esté bien famé et renommé, etc., il nous plaise lui impartir icelles. Pour ce est il que nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit suppliant avons remis, quicté et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, aux senescliaulx de Poictou et de Xantonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Chinon, ou moys d'aoust l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le xxxviime.

Ainsi signé: Par le roy, à la relacion du conseil. De Puigirault. — Visa. Contentor. J. Du Ban.


1 L'abbé de Sainte-Croix de Talmont était alors François du Puydu-Fou, que la Gallia christiana cite aux années 1455 et 1407 (t. II, col. 1424).