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MCCXCIII

Don à Jean bâtard d'Orléans, comte de Dunois, des villes, terres etchâtellenies de Parthenay, Secondigny, Vouvant, Mervent, le Coudray-Salbart, Châtelaillon, Matheflon et autres, pour en jouir après le décès d'Artur de Richemont, duc de Bretagne.

  • B AN JJ. 188, n° 98, fol. 50 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir [p. 74] faisons à tous, presens et avenir, comme par noz lettres patentes données en nostre ville de Poictiers, le xxiiiie jour d'octobre mil cccc. xxv1, veriffiées et expediées par nostre Chambre des comptes et enregistrées en icelle, le xiie jour d'aoust l'an mil cccc. xxvi, et autres noz lettres données à Tours, le ixe jour d'avril mil cccc. xxxiv. avant Pasques2, et [par] nostre commandement leues et publiées en nostre court de Parlement, le cinquiesme jour de mars l'an mil cccc. xxxv, declaratoires de nostre entencion et confirmatoires desdictes premières lettres, et pour les causes contenues en icelles eussions donné, cedé, delaissé et transporté à nostre très chier et amé cousin, Artur de Bretaigne, connestable de France, pour luy et ses hoirs masles, descendans de son corps en loyal mariage, la propriété des villes, chasteaulx, chastellenies, terres et seigneuries de Partenay, de Secondigny, de Vouvant, de Mervant, du Couldray Salbart, de Chasteaulaillon et de Mathefelon, et généralement toutes autres terres et seigneuries, que feu Jehan Larcevesque, en son vivant chevalier, seigneur de Partenay3, nous avoit vendues, delaissées et transportées pour certaine grant somme de deniers, et tout le droit, nom, action et poursuicte que avoir povions en icelles, à cause de ladicte vendicion et au moien d'icelle, pour en joir et user par luy et ses hoirs masles, procréez et descendans de sa char en loyal mariage ; et [p. 75] s'aucuns n'en avoit, eussions en ce cas, après le trespas de nostre dit cousin, données icelles terres et seigneuries et leurs appartenances à feu nostre nepveu, Pierre de Bretaigne4, pour en joyr après le trespas de nostre dit cousin par nostredit nepveu et ses hoirs masles, procréez de son corps en loyal mariage, nonobstant les reservacions et condicions apposées oudict contract de vendicion, faisant mention de l'union ou adjunction desdictes terres au demaine de nostre conté de Poictou ; lesquelles reservacions ou condicions ne voulions aucunement nuire ou prejudicier ausdiz dons, cessions et transpors par nous faiz à nosdiz cousin et nepveu, voulans tous empeschemens et procès faiz et encommencez au contraire par noz procureur, advocatz et autres noz officiers et justiciers, estre ostez, adnullez et mis du tout au neant, en imposant sur ce scilence perpetuelle à nostredit procureur et autres officiers, et en mandànt à nosdiz procureur et advocaz, et à chascun d'eulx, eulx desister et deppartir du tout du procès par eulx encommencié contre nostredit cousin, sans plus y proceder ne tenir nostre dit cousin en procès. Depuis lesquelz dons, transpors et longtemps après nostredit nepveu, Pierre de Bretaingne, est alé de vie à [p. 76] trespas, sans hoirs masles procreez de son corps en loyal mariage, en deffault desquelz hoirs masles et après le trespas de nostredit cousin, lesdictes terres et seigneuries nous doivent retourner, competler et appartenir ; et nous loisoit et appartiengne audit cas en disposer et ordonner à nostre bon plaisir. Et soit ainsi que, depuis le temps de nostre jeune aage, nostre très chier et amé cousin Jehan bastard d'Orleans, conte de Dunois5, nous ait continuellement servy et employé le temps de sa jeunesse, tant en nostre hostel et près de nous et noz conseilz, comme en noz guerres, tant en resistant aux grandes entreprinses faictes par noz anciens ennemis les Anglois, que à la repulsion d'iceulx, comme nostre lieutenant general, et autrement en plusieurs manières, ainsi qu'il est assez congneu et tout notoire ; et aussi que par nostredit cousin Artur de Bretaingne, connestable de France, auquel de nouvel est venue et escheue la duché de Bretaingne, nous ait esté dit et remonstré de bouche comment, de nostre grace et octroy, luy eussions donné, cedé, quicté et trans- [p. 77] porté lesdictes terres et seigneuries dessus declairees, à luy et à ses hoirs masles, par luy procreez en loyal mariage, et qu'il n'avoit aucuns hoirs de luy procreez en loyal mariage, et pour ce, saichant et considerant lesdiz services faiz par nostredit cousin de Dunois à nous et à la chose publicque de nostre royaume, nous ait conseillé, requis et supplié que dès maintenant voulsissions ceder et transporter à icelluy nostre cousin de Dunois lesdictes terres et seigneuries, pour en joyr et user après le décès de nostredit cousin de Bretaingne, ou cas que, ou temps de sondit décès, il ne laisseroit aucuns hoirs masles descendans de son corps en loyal mariage.

Pour ce est il que nous, ayans consideracion aux choses dessus dictes et mesmement ausdiz services faiz par nostredit cousin de Dunois à nous et à la chose publicque de nostredit royaume, qui sont dignes de memoire et de grande remuneracion, voulans iceulx services recongnoistre envers nostredit cousin et les siens, et que bien raisonnable et convenable chose est que recongnoissons les services à nous faiz, et mesmement en grans et vertueux faiz, en quoy pour nous s'est employé nostre dit cousin de Dunois, dont s'est ensuy grant honneur, prouffit et utilité à nous et à la chose publicque ; pour lesquelles causes et aussi pour la proximité de lignaige en quoy nostredit cousin nous attient, et autres causes et consideracions à ce raisonnablement nous mouvans, avons, de nostre certaine science et mouvement, et par l'advis et deliberacion de plusieurs de nostre sang et lignaige et des gens de nostre Grant-conseil, ou cas que nostredit cousin de Bretaingne yroit de vie à trespas, sans hoirs masles, procréez de son corps en loyal mariage, dès à present comme pour lors et dès lors comme de present, donné, cedé, delaissé et transporté, donnons, cedons, delaissons et transportons, par cesdictes presentes, à nostredit cousin de Dunois et à ses enfans masles, procréez en loyal mariage, [p. 78] et aux masles descendans d'iceulx enfans masles en loyal mariage, perpetuellement et à tousjours, toutes lesdictes terres, seigneuries et baronnies de Partenay, de Secondigny, de Vouvant, de Mervant, du Couldray Salbert, de Chasteaulaillon et de Mathefelon, et généralement toutes les autres terres et seigneuries que ledit feu Jehan Larcevesque, en son vivant chevalier, seigneur de Partenay, nous avoit vendues, delaissées et transportées, comme dit est, par nous données et transportées à nostredit cousin Artur, à present duc de Bretaingne, avecques tous les droiz, noms, raisons, actions et poursuictes, qui, à cause desdictes vendicions et transpors à nous faiz par ledit feu Jehan Larcevesque, nous povoient, pourroient ou pevent competter et appartenir, ou autrement, par quelconques autres titres ou moiens que ce soit. Pour lesdictes terres et seigneuries avoir, tenir, posseder et exploicter par nostredit cousin de Dunois et ses enfans masles, procréez en loyal mariage, et les masles descendans desdiz masles aussi en loyal mariage, perpetuellement et paisiblement, sans aucune chose y reserver ne retenir à nous, fors seulement les foy et hommaige et la souveraineté et ressort en nostre comté de Poictou et ailleurs, et tant par la fourme et manière que lesdictes terres et seigneuries ressortissoient anciennement et qu'elles ressortissoient et ont ressorti depuis lesdiz dons par nous faiz à nostredit cousin de Bretaingne, en payant les charges et faisant les devoirs deuz à cause desdictes terres et seigneuries, où et ainsi qu'il appartendra. Si donnons en mandement à noz amez et feaulx conseillers les gens tenans nostre Parlement et qui tendront ceulx avenir, les gens de noz comptes et tresoriers, et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans et à chacun d'eulx, si comme à luy appartendra, que de nosdiz don et transport ilz facent, seuffrent et laissent nostredit cousin de Dunois et ses enfans masles, procréez en loyal mariage, et les masles descendans desdiz masles aussi en [p. 79] loyal mariage, perpetuelment et à tousjours joyr et user plainement et paisiblement, sans leur faire ne souffrir, ores ne pour le temps avenir, estre fait ne donné aucun destourbier ou empeschement, en quelque manière ne soubz quelque couleur ou occasion que ce soit, nonobstant quelzconques ordonnances par nous faictes, ou par noz predecesseurs, de non aliener aucune chose de nostre dommaine, et le contenu èsdictes lettres de vendicion et transport, que nous et noz successeurs contes de Poictou, par quelque cause, condicion ou moien que ce fust, ne pourrions aliener ne transportez separer ne departir les terres, baronnies et seigneuries devant dictes de nostredit conté de Poictou, et autres choses à ce contraires. Et afin, etc. Sauf, etc. Donné à Vendosme, le xxiie jour du mois d'octobre l'an de grace mil cccc. cinquante huit, et de nostre règne le xxxviie6.

Ainsi signé : Charles. — Par Ie roy, en son conseil, ouquel Messeigneurs les ducs d'Orleans, de Bourbon, les contes d'Eu, de Foiz et de là Marche, vous, l'evesque de Constances, le sire de Beaujeu, Janus de Savoye, Loys de Saluces, les sires de Torcy, de Precigny et du Monteil, messire Guillaume Cousinot, chevalier, maistres Estienne Le Fèvre et Jehan Bureau, sire Jehan Hardoin, maistres Pierre Doriole, Pierre et Raoul de Refuge, Denis Daucerre7 et autres presens. J. de La Loère. — Visa.


1 Ces lettres confirmaient en faveur du comte de Richemont la donation des domaines de Jean II Larchevêque, sire de Parthenay, à condition de parfaire les payements annuels de la somme stipulée dans le contrat de vente, que celui-ci avait faite au dauphin Charles, à Bourges, le 19 novembre 1419, sauf l'usufruit qu'il se réservait, sa vie durant. Le texte ne paraît pas en avoir été conservé. M. B. Ledain, outre ces lettres, en mentionne d'autres de teneur semblable, datées du 9 août 1424. (La Gâtine historique, in-4°, p. 203.)
2 Les lettres du 9 avril 1435 sont imprimées dans notre huitième volume (t. XXIX des Archives historiques, p. 90 à 99), avec des éclaircissements sur la succession de Jean II Larchevêque et sa prise de possession par Richemont.
3 Voir la notice biographique, consacrée à ce personnage, p. 294 et 295 de notre septième volume (t. XXVI des Arch. hist.).
4 Pierre était le second fils de Jean V, duc de Bretagne, et de Jeanne de France, fille de Charles VI. Né le 7 juillet 1418, il devint duc de Bretagne, sous le nom de Pierre II, à la mort de son frère aîné, François Ier, le 18 juillet 1450, et décéda lui-même, sans enfants, le 22 septembre 1457. Son oncle Artur comte de Richemont, par acte spécial daté de Redon, le 11 janvier 1442 n. s., avait ratifié cette clause des lettres patentes du 9 avril 1435, dans les termes suivants : « Nous avons voulu, consenti et accordé que, ou cas que n'aurons enffans legitimes qui nous succèdent, nostre très cher et très amé filz et nepveu, Pierre de Bretaigne, soit nostre vray heritier et succédé à noz terres et seigneuries, que aurons et tendrons en Poitou et ailleurs, à cause de la seigneurie de Partenay, au jour et heure de nostre trespassement de ceste vie mortelle, et que, après lui, ses enffans legitimes, descendans de sa char, nez et procreez en loyal mariage, viengnent à ladicte succession... » Et à défaut de Pierre et de ses héritiers directs, il déclarait leur substituer son autre neveu François et les enfants légitimes de celui-ci. (E. Cosneau, Le connétable de Richemont, p. 584, 585.) Pierre de Bretagne avait épousé, par contrat du 21 juillet 1431, Françoise d'Amboise, fille aînée de Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, et de Marie deRieux ; elle vécut jusqu'en 1485. (Id., p. 183.)

5 Jean bâtard d'Orléans, comte de Dunois et de Longueville, fils naturel de Louis de France, duc d'Orléans, et de Mariette d'Enghien, dame de Cany, né vers 1403, mort à Saint-Germain-en-Laye, le 28 novembre 1468. Il ne tarda pas à entrer en jouissance de cette donation, Arthur comte de Richemont, qui avait succédé comme duc de Bretagne à son neveu Pierre n, le 22 septembre 1457, étant décédé le 26 débre 1458 ; mais il ne fit jamais que des séjours courts et espacés à Parthenay, La formalité de l'évaluation des revenus des terres poitevines du connétable de Richemont et de la visité de ses châteaux et bâtiments ne fut accomplie qu'au milieu de l'année 1460. Charles vu chargea de cette opération, par lettres du 14 juin de cette année, Guillaume Ripaut, clerc de la Chambre des comptes de Paris. « Le commissaire royal vint à Parthenay. Les officiers de la baronnie, Jacques Esteau, procureur, Jacques Rataut, bailli de Gâtine, capitaine de la ville, Guillaume Sicart, châtelain, Nicolas Giraut, avocat, se mirent à sa disposition. Ils lui montrèrent les titres, chartes, comptes, terriers et registres déposés de toute ancienneté dans la chapelle du château de Parthenay. Ripaut en fit faire des copies ou extraits et prit des informations auprès des notables, gens d'église, bourgeois, seigneurs et laboureurs... » (B. Ledain, La Gâtine historique, p. 227.) La visité se continua par les châteaux de Secondigny, de Béceleuf et du Coudray-Salbart. Le procèsverbal, avec l'information sur la valeur et le revenu de ces seigneuries, est conservé aux Arch. nat., R1* 207. L'analyse de ce curieux document nous entrainerait trop loin ; nous devons nous contenter de le signaler ici.

6 Ces lettres furent enregistrées au Parlement de Paris, par arrêt du 19 janvier 1460 n. s., dont voici la teneur : « Lecta, publicata et registrata Parisius in Parlamento, sine prejudicio jurium partium, videlicet domine Katherine de Luxembourg, defuncti domini Arturi, dum vivebat ducis Britannie, relicte, comitumque de l'ancarvilla et de Monterevello, domini Johannis domini de Ussono, militis, et Arturi de Capella et ejus uxoris, et Procuratoris regis generatis, tam in petitorio possessorioque quam aliàs, atque processuum incuria Parlamenti pendentiunl, et sine ipsorum judicationis retardamento. Actuin in dicto Parlamento, die xixª januarii anno Domini m°cccc°lix°. Sic signatum: Chesneteau. » (Arch. nat., X1a 8605, fol. 204 v°.)
7 Cette liste des membres du Grand conseil est reproduite textuellement au bas des lettres de même date qui suivent immédiatement ; c'est là qu'on trouvera leur identification.