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MCCCL

Lettres octroyant la noblesse au maire, aux douze échevins et aux douze conseillers jurés de la ville de Niort.

  • B AN JJ. 198, n° 58, fol. 48
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de noz chiers et bien amez les maire et eschevins, conseillers et pers de nostre ville de Nyort, contenant comme de tout temps et d'ancienneté ilz aient acoustumé avoir corps, collège et communaulté en ladicte ville, du nombre de cent personnes, c'est assavoir de maire, douze eschevins et douze conseillers jurez et soixante quinze pers, ainsi que ont acoustumé d'avoir et ont eu par cy devant noz chiers et bien amez les habitans de noz villes de Poictiers et de la Rochelle, en noz pays de Poictou et de [p. 300] Xanctonge, du nombre desquelz eschevins soient à present noz chiers et bien amez Huguet Fouchier1 à present maire, Jehan Bastier, seigneur de Mormartin2, maistres Guillaume Laydet3, Pierre Laidet4 Jehan Yver5, Jehan [p. 301] Jau6, Jehan Laydet [..] jeune7, Pierre Taveau8, Jehan Laidet, Jehan Martin, Jehan Galemit9 lesquelz aient esté par cy devant maires de ladicte ville, en quoy ilz se soient [p. 302] employéz bien et grandement et tellement que ladicte ville et habitans en icelle ont tousjours depuis esté gouvernez et entretenuz par cy devant en bonne police et gouvernement, au bien de nous et de la chose publicque de ladicte ville ; savoir faisons que nous, les choses dessus dictes considerées et la très grant loyaulté et vraye obeissance, vouloir et affection que ont euz continuellement les dessus diz Huguet Fouchier, à present maire, Jehan Bastier, maistres Guillaume Laidet, Pierre Laidet, Jehan Yver, Jehan Jau, Jehan Laidet le jeune, Pierre Taveau, Jehan Laidet, Jehan Martin et Jehan Galemit, qui ont esté maires de ladicte ville, comme dit est, et sont de present du nombre desdiz douze eschevins, à nous et à la couronne de France, et pour les bons et grans services qu'ilz ont faiz par cy devant à noz predecesseurs et à nous ou temps passé, et que esperons que plus facent ou temps avenir, et pour consideracion du bon et grant gouvernement qui a acoustumé estre d'ancienneté en ladicte ville, et que esperons qui y sera ou temps avenir, pour avoir acoustumé de eslire à excercer lesdiz offices desdiz maire, eschevins et conseillers jurez des plus notables et bonnes personnes, dignes de grans vertuz et merites, afin que ce soit exemples aux autres habitans de ladicte ville, quant ilz verront les dessus diz estre essauciez, eslevez et perferez en honneur, preheminence et dignité, yceulx maire, eschevins et conseillers jurez de ladicte ville de Nyort et lesdiz Huguet Fouchier, à presant maire, Jehan Bastier, maistres Guillaume Laydet, Pierre Laidet, Jehan Yver, Jehan Jau, Jehan Laidet le jeune, Pierre Taveau, Jehan Laidet, Jehan Martin et Jehan Galemit, qui ont esté maires de ladicte ville et qui sont à present du nombre desdiz douze eschevins et douze conseillers, et tous ceulx qui ou temps à venir et perpetuelment en seront, avec toute leur lignée descendue, née et à naistre de loyal mariage, nonobstant que ilz ne soient ou n'ayent esté nez, extraictz et procréez de noble sang et lignage, de nostre certaine science, plaine[p. 303] puissance, auctorité royal et de nostre grace especial, avons anobliz et anoblissons par ces presentes ; et leur avons octroyé et octroyons, voulons et nous plaist que ilz soient tenuz et reputez dès maintenant et à tousjours maiz pour nobles, en jugement, en fait d'armes et ailleurs, en quelque lieu que ce soit, et que eulx et leurs enffans masles et leurdicte lignée masculine, procréez et à procréer ; puissent, toutes foiz qu'il leur plaira, estre aornez de l'ordre et estat de chevalerie, par quelque chevalier dudit ordre que bon leur semblera, et avec ce, que eulx et toute leur lignée, née et à naistre, et chacun d'eulx puissent acquerir et conquester par tout nostre royaume, et ceulx qu'ilz ont deja acquestez tenir, avoir et posseder à tousjours maiz, soient fiefz, arrière fiefz, terres, possessions, heritages, justices, seigneuries et quelconques autres choses nobles et de noble condicion, sans ce que pour ce ilz ne aucun d'eulx dudit nombre desdiz douze eschevins, maire et douze conseillers, soient jamaiz tenuz de paier aucune finance à nous ne à noz successeurs roys de France ; et laquelle finance, quelle et combien grande que elle soit et pourroit monter, nous, de nostre auctorité et puissance dessusdicte, l'avons quictée, remise et donnée, quictons, donnons et remettons, de nostre dicte grace, par la teneur de ces dictes presentes. Et avec ce, leur octroyons et voulons qu'ilz joyssent de tous privilèges, droiz, immunitez, franchises, coustumes, libertez, usaiges et de toutes autres choses, comme font et ont acoustumé et doivent faire chevaliers et escuiers et autres nobles dudit pays et de nostre dit royaume, et tout ainsi et par la forme et manière qu'il a esté autresfoiz octroyé par feu nostre très chier seigneur et ayeul, que Dieu absoille, ausdiz maire, eschevins et conseillers de nosdictes villes de Poictiers et de la Rochelle10. Si donnons [p. 304] en mandement, par ces dictes presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, officiers et commissaires, par nous commis et à commettre, ou à leurs lieuxtenans et commis, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartiendra et qui requis en sera, que lesdiz maire, douze eschevins et douze conseillers jurez et les dessus nommez quia present sont, et tous leurs successeurs èsdiz offices, qui ou temps avenir seront, et leurdicte lignée, et chascun d'eulx, facent et laissent joir et user de nostre grace et octroy, sans leur faire ne souffrir estre fait au contraire aucun destourbier ou empeschement; lequel, se pour ce fait, mis ou donné leur avoit esté ou estoit, si le rappellent, ostent et remettent, ou facent rappeller, oster et mettre sans delay au premier estat et deu. Et pour ce que lesdiz maire, eschevins et conseillers jurez et les dessus nommez et leurs successeurs ne se pourroient bonnement aider de ces dictes presentes ne icelles monstrer, quant ilz voudroient ou mestier leur seroit, pour ce que elles touchent et pourroient toucher plusieurs personnes et leurs successeurs ou temps avenir, nous voulons et leur avons octroyé et octroyons que aux transcriptz ou vidimus d'icelles, faiz soubz seel royal, soit adjoustée plaine foy, et que ilz leur vaillent et prouffitent et leur soient de tel effect et valeur, comme ce present original. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autre chose nostre droit et l'autruy en toutes. Donné à Amboise, ou moys de novembre l'an de grace mil cccc. soixante et ung, et de nostre règne le premier11. [p. 305] Ainsi signé : Par le roy, les sires du Lau et de Baugy et autres presens. Le Prevost. —Visa. Contentor. Chaligaut.


1 Huguet Fouchier, écuyer, fils de Michel, mineur en 1406, était en procès le 12 juin 1434, au Parlement de Poitiers, où il est qualifié marchand de Niort. (Arch. nat., X2a 21, à la date.) Echevin en 1453 et maire depuis le 25 mars 1461, il laissa deux fils, Huguet, écuyer, sr de Tesson en Saintonge, et Guillaume.
2 Jean Bastier, sr de Mormartin (de la Mort-Martin, dit le Dict. des familles du Poitou, nouv, édit., 1.1, p. 325), fut maire de Niort en 1440, procureur syndic, échevin et candidat à la mairie, maire une seconde fois en 1443; il fut encore présenté au choix du sénéchal (le maire était choisi sur trois candidats présentés par le conseil de ville) en 1454, 1455 etl456.Il mourut en 1487, léguant une rente à la Charité de la Blée ou Aumônerie de Saint-Georges. Un Jean Bastier, dit bourgeois et échevin de Niort, que MM. Beauchet-Filleau paraissent distinguer du maire (lui ayant consacré un article spécial), était possesseur de la terre et seigneurie de la Motte-d'Aiffre, mouvant du château de Niort, dont il fit hommage au roi, le 3 novembre 1465, et rendit aveu le 29 novembre suivant. (Arch. nat., P. 5661, cotes 2943, 2945 ; P. 1145, fol. 7.) Dans un acte du 2 mai 1458, il se qualifiait élu en Poitou.
3 Guillaume Laidet ou Laydet, maire de Niort en 1430, eut à soutenir contre le duc d'Alençon, auquel Charles VII avait engagé la ville et seigneurie de Niort, un procès au Parlement de Poitiers touchant la nomination et les droits du maire, la garde des clefs de la ville, etc. (Curieuses plaidoiries des 2 et 28 mars 1430 n. s., Arch. nat., X1a 9199, fol. 242 v°, 257 v°.) Guillaume Laidet fut élu de nouveau à la mairie à dater du 25 mars 1434 n. s. (Xla 9194, fol. 63 v°), et était en instance devant la Cour, les 3 et 4 juin 1435, au sujet de la tutelle d'André Coquet, de Niort, dont il était chargé. (Id., fol. 102 v°.)
4 Pierre Laidet était lieutenant du sénéchal de Poitou à Niort dès le 21 mai 1448 (Arch. nat., X2a 23, fol. 384 v°), et il en portait encore le titre le 13 mai 1477. Il était poursuivi en cette qualité, à cette date, ainsi que Jean Rousseau, procureur du roi audit siège, par Mathieu Poqueron, prêtre, et Pierre Rivolet, qui les accusaient d'excès et abus de pouvoir (X2a 41, à la date). Pierre Laidet était en même temps conservateur des privilèges de l'Université de Poitiers; les archives de la ville renferment des actes de lui en cette qualité, entre le 16 novembre 1467 et le 16 août 1468. (Voy. l'Inventaire de L. Rédet, publié par MM. Richard et Barbier, 1883, in-8º, p. 152-154.) Le 4 déc. 1475, il était ajourné en cette même qualité de conservateur des privilèges de l'Université, à la requête de Guillaume de Roquemaure, écuyer, et se faisait excuser par Jacques Girouard, son clerc. (X2a 41, à la date.) On trouve aussi un Pierre Laidet, seigneur de la Cigogne (il pourrait fort bien être le même que le maire de Niort), qui de 1468 à 1470 était en procès, ainsi que sa femme, contre Elie de Coudun,seigneur de Saint-Etienne-de-la-Cigogne, conseiller au Parlement de Paris. (Voir X2a 35, aux dates des 28 et 30 juin, 12 décembre 1468, et 27 mars 1470 n. s. ; X2a 36, fol. 77 v°, date du 20 février 1468 n. s.)

5 Jean Yver poursuivait au criminel, pour excès commis à son préjudice, Jacques Charlet, Pierre Thibaut et Jean Jaubert (acte du Parlement du 31 décembre 1454, X2a 27, fol. 17). En 1460, on le trouve qualifié de licencié ès lois, enquêteur ordinaire au pays et comté de Poitou; il était alors avec Macé Gauvigneau, clerc, notaire etsecrétaire du roi, l'un des commissaires ordonnés audit pays et comté de Poitou sur le fait des francs-fiefs et nouveaux acquêts. (D'Hozier, Armorial général, in-fol., t. II, p. 459.) L'an 1462, Pierre Arnault, secrétaire du roi, lui était adjoint au lieu de Macé Gauvigneau, et tous deux, en qualité de commissaires des francs-fiefs, composèrent avec le chapitre de Sainte-Radegonde de Poitiers à la somme de 23 livres 7 sols 6 deniers pour l'amortissement des acquisitions faites par les chanoines depuis soixante ans. (Arch. de la Vienne, G. 1345.) Arnaud Buignon, curé de Marigny, intenta en 1465 un procès criminel à Jean et Jacques Yver, père et fils, pour avoir réparation d'excès et violences qu'ils avaient exercés contre lui. (Mandements des 5 et 6 août 1465, 28 avril et 14 août 1466 ; X2a 34, fol. 117 v°, 118 v°, 196, 227.)

6 Un Jean Jau possédait en 1410, comme mari de la fille de Jean Coutanceau, l'hébergement du Soulier en la paroisse d'Allonne, mouvant de la seigneurie de la Lionnière. (Aveu au sire de Parthenay du 9 janvier 1410 n. s., Arch. nat., R1* 190, fol. 12.) Quatre-vingts ans plus tard, vivait un autre Jean Jau, qui s'intitulait seigneur de la Barre. Son témoignage fut invoqué dans une enquête faite au presbytère de Vautebis par François Mignot, enquêteur en Poitou, commissaire désigné par le sénéchal avec Antoine Ghasserand, notaire, touchant le droit de sépulture en l'église dudit lieu, que revendiquaient Louis Cathus et Louise de Gousdun, sa femme, à rencontre de Jean et Jacques Légier, du 16 au 20 novembre 1493. (Invent. des Arch. du château de la Barre, par A. Richard, t. I, p. 138.)
7 Jean Laidet, de Niort, figure sur le registre des hommages et aveux rendus à Artus de Richemont, seigneur de Parthenay, de 1427 à 1450, comme possesseur «de la Grange de Champdeniers soubz l'omage lige que le seigneur de Champdeniers fait à monseigneur de Parthenay, et doit courre en rachapt comme Champdeniers ». (Arch. nat., R1* 190, fol. 259 v°.) On le trouve qualifié lieutenant du sénéchal de Poitou à Niort, le 30 janvier 1472 n. s. (X2a 38, fol. 147), et encore le 28 novembre 1477, date a laquelle fut plaidé au Parlement l'appel d'une sentence par lui rendue entre Jean Gautier du Querroy, d'une part, Antoine Bagier, Pierre Charpentier, Louis Mesmin, etc., d'autre, dans lequel Laidet fut pris à partie par le procureur général. (X2a 42 et 43, à la date.) C'est sans doute le même qui s'intitulait seigneur de Rambault et lieutenant du sénéchal à Niort, et obtint, en janvier 1483 n. s., de Louis XI une déclaration confirmant, en ce qui le concernait particulièrement, l'anoblissement octroyé, au mois de novembre 1461, aux maire, échevins et conseillers de la ville de Niort, et à leur postérité. (JJ. 209, n° 248, fol. 138.) Cet acte sera publié à sa date.
8 Pierre Taveau, licencié en lois, et Jean Barbe, avocat du roi en Poitou, furent institués, en date du 5 novembre 1456, exécuteurs testamentaires de Simon Birochon, prêtre, naguère curé de Notre-Dame d'Echiré. (A. Richard, Arch. du château de la Barre, t. II, p. 253.)
9 Pour l'identification des noms et la chronologie de ces maires, on peut consulter le travail de M. A. Bonneau, Liste et armoiries des maires de Niort, dans les Mémoires de la Société de statistique des Deux-Sèvres, année 1865, p. 141.

10 Les lettres patentes de Charles V en date de décembre 1372, conférant la noblesse aux maire et échevins de Poitiers, ont été publiées dans l'un de nos précédents volumes. (Arch. hist. du Poitou, t. XIX, p. 233-236). Celles que le même roi donna en faveur des officiers municipaux de la Rochelle sont datées du Louvre, le 8 janvier 1373 n. s. Le texte en est imprimé dans le recueil des Ordonnances des rois de France, in-fol., t. V, p. 575.

11 Une copie de ces lettres, faite sur l'original conservé à l'Hôtel-de-Ville de Niort, se trouve avec, l'arrêt d'enregistrement, à la Chambre des

Comptes, du 5 février 1463, dans la collection de dom Fonteneau (t. XX, p. 261 et 267). Elles ont été publiées par Augier de la Terraudière, Thrésor des titres de la ville de Niort, 1675, d'après cet original, et par les éditeurs des Ordonnances des rois de France, t. XV, p. 219, d'après le registre du Trésor des chartes. M. L. Favre en a reproduit la partie essentielle dans son Hist. de la ville de Niort, in-8°, 1880, p. 99-101. A. Giry les a commentées dans le chapitre consacré aux institutions municipales de Niort de sa remarquable étude intitulée : Les Etablissements de Rouen, t. I, p. 138-169.

La Chambre des comptes n'enregistra les lettres conférant la noblesse aux maire et échevins de Niort, qu'après avoir fait des remontrances au roi et sur lettres de jussion, le 5 février 1463 n. s., avec d'autres lettres de Louis XI du 11 février 1462, recueillies aussi par dom Fonteneau, faisant remise aux maires, échevins et conseillers de la finance qu'ils devaient au roi pour avoir joui des fiefs et héritages nobles avant d'avoir été anoblis. Enfin des lettres patentes du 14 mars 1466 déclarèrent que l'intention du roi avait été et était que seuls ceux qui vivaient noblement, parmi lesdits maires, échevins et conseillers de la ville de Niort, devaient être déchargés, exempts et affranchis des tailles et des aides. (Dom Fonteneau, t. XX, p. 265, 267, et Ordonnances, t. XV, p. 323.)