[p. 162]

MCCCXIV

Rémission octroyée à Jean Beufmont, écuyer, poursuivi comme complice du meurtre d'Hector Rousseau.

  • B AN JJ. 188, n° 119, fol. 57 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons nous avoir receue l'umble supplicacion de nostre amé Jehan Beufmont1 escuier, demourant à la Geffardière, aagé de xxx. ans ou environ, contenant que, ou mois de may mil cccc. cinquante huit et un jour de samedi devers le soir, nostre amé Jaques Jousseaume, escuier, seigneur dudit lieu de la Geffardière, son maistre, lui dist que Mathurin Marot, substitut à Fontenay le Conte de nostre procureur de Poictou, lui avoit fait savoir qu'il se rendist le lendemain, jour de dimenche, avecques ses gens au Brueil Barret, pour aider à prandre maistre Hector Rousseau et que de ce il l'avoit prié et requis ; et dist audit suppliant qu'il se mist à point pour aler avecques lui. Et devers le soir, lesdiz seigneur de la Geffardière et suppliant [p. 163] montèrent à cheval et s'en alèrent à l'ostel de Colas Martin, lequel s'en ala avecques eulx. Et après s'en alèrent tous ensemble à coucher au Tail, en l'ostel de Jehan de Puyguyon, seigneur dudit lieu, ouquel ilz demourèrent jusques au dimenche ensuivant, qui fut le dimenche devant la feste de la Penthecouste oudit an mil cccc.lviii. Et après ledit de la Geffardière, Jehan Lermener et Jehan de Puyguion et ledit suppliant montèrent à cheval et s'en alèrent à Brueil Barret, cuidans y trouver ledit Marot, lequel avoit escript audit seigneur de la Geffardière qu'il se y rendist avecques ses gens en habillement de guerre, pour mettre à execucion certaines lettres de commission de nostre seneschal de Poictou à l'encontre de maistre Hector Rousseau, le prandre au corps et ses complices et les mener en prison en nostre conciergerie de nostre palais de Poictiers, pour ilec ester à droit et recevoir pugnicion des cas, crimes et malefices, commis et perpetrez par ledit Rousseau et sesdiz complices. Après lesquelz s'en alèrent à pié Jaques de Puyguion, Colas Martin, Maturin Ayreau, Jehan Derveau, dit Chauvin, et plusieurs autres. Et quant ilz furent arrivez audit lieu du Brueil Barret, ledit maistre Hector et deux autres compaignons tenans arbalestes bandées alèrent à l'encontre de ceulx qui estoient venuz à cheval et tirèrent deux ou trois trectz contre eulx ; et quant il vit ceulx de pié, il se retira avecques sesdiz complices en sondit hostel. Et après que lesdiz compaignons qui estoient là venuz furent tous armez, ledit de la Geffardière dist audit Rousseau qu'il n'estoit nul mestier de soy deffendre de lui, car il n'estoit ilec venu sinon pour secourir ledit Maturin Marot, quant il seroit venu pour mettre ung mandement de justice à execucion, qu'il avoit à executer contre ledit Rousseau, et qu'il feroit bien de faire obeissance à justice. Lequel Rousseau respondit qu'il ne feroit pour roy ne pour royne riens, en appellant ledit de la Geffardière villain ladre et en renyant Dieu qu'il le feroit [p. 164] morir de male mort, lui et tousles autres qui estoient ilec venuz avecques lui. Et lors ledit de la Geffardière, voyant la grant fureur dudit Rousseau, qui tousjours faisoit guerre, en tirant traictz d'arbalestes et gectant pierres, envoya loger ses chevaulx au bourg dudit Brueil Barret, et demoura devant ladicte maison dudit Rousseau, lui et les autres, en attendant ledit Maturin Marot. Et ce pendant survint ilec nostre amé et feal Mathelin d'AppelIevoisin, chevalier, avec ung varlet, lequel d'AppelIevoisin dist audit Rousseau qu'il estoit ilec venu, de par nostre seneschal de Poictou, pour le faire nostre prisonnier. Auquel ledit Rousseau respondit, en lui disant : « A ! es tu venu, villain traistre, chevalier ladre », en renyant Dieu qu'il le feroit mourir. Et aussi dist audit seigneur de la Geffardière en rappellant filz du cordelier de la Basinete, et disant fy du roy, de la royne, du seneschal et de sa femme ; et dist plusieurs autres injures. Et ilec lesdiz d'AppelIevoisin et de la Geffardière attendirent jusques environ souleil couchant que ledit Mathurin Marot arriva, en sa compaignie Guillaume Guerart, nostre sergent, et trois autres hommes armez. Lequel Guerart, incontinent qu'il fut arrivé, monstra ung mandement, et par vertu d'icellui fist commandement audit Rousseau de se rendre nostre prisonnier. Lequel Rousseau, en perseverant tousjours en sa malice, menasses, rebellions et desobeissances, dist à nostre dit sergent telles parolles : « Fi de toi et de ton mandement, du roy et de la royne», en renyant Dieu qu'il le tueroit et tous les autres villains trippiers de Fontenay. Et aussi dist audit Marot, en jurant la char Dieu, qu'il le feroit mourir, ensemble tousles villains qui ilec estoient devant lui, et dist plusieurs autres injures. Et lors nostredit sergent lui dist qu'il le faisoit nostre prisonnier, et fist commandement à tous ceulx qui ilec estoient de le secourir et aider à prandre ledit Rousseau. Et pour ce qu'il n'osa entrer en ladicte maison par les [p. 165] portes, il monta par dessus la maison d'un bon homme, qui estoit près et joignant d'icelle dudit Rousseau, et ceulx qui là estoient se misdrent à l'entour de ladicte maison dudit Rousseau. Lequel Rousseau et ses complices qui estoient dedans ladicte maison, jusques au nombre de neuf ou dix personnes, tiroient traictz d'arbalestes, de coulevrines et gectoient grosses pierres à rencontre de ceulx qui estoient devant eulx. Et quant ilz eurent tiré le derrenier coup de leur coulevrine, ledit suppliant vit tantost après sortir par l'une des cheminées de ladicte maison une flembe de feu toute ynde, qui sailloit bien hault, puant très fort à souffre et gresse ; et incontinent vit le feu en ladicte maison, maiz neantmoins ledit Rousseau et sesdiz complices qui estoient dedans se deffendant tousjours, et après ledit Rousseau dessus ladicte maison, au droit d'une cheminée, tenant une grant espée et renyant Dieu qu'il en tueroit. Et tantost après le vit cheoir sur ladicte maison, au moien d'un traict d'arbaleste dont il fut feru à la poictrine, dont il ala tantost après de vie à trespas. Après lequel cas advenu et pour raison d'icellui, nostre procureur en Poictou, informacion precedant, fist adjourner, etc....2 Donné à Razillé, ou mois de juing l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le xxxviime.

Ainsi signé : Par le roy en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.


1 Le Dict. des familles du Poitou a recueilli les noms de quatre membres seulement de cette famille noble de la Gâtine, deux du XIVe siècle et deux du XVe : Miles Beufmont, écuyer, sr de la Courvaisière, et sa fille Louise, mariée le 16 janvier 1430, à Pouzauges, avec Nicolas Tortreau, sr de la Tortrelière. (Nouv, édit., t. I, p. 516.) Nous n'avons nous-même qu'une mention à y ajouter, celle de Guillaume Beufmont, qui, assigné à la Cour des Aides (ou, pour mieux dire, devant les généraux surie fait des aides), en compagnie des héritiers de feu Ameil Franchaut, collecteur des aides en la paroisse de Verruye, par Henri Blandin, notaire et secrétaire du roi, depuis élu en Poitou, agissant en qualité d'ancien receveur de l'aide de 108.000 livres imposée par le roi, l'an 1425, en Poitou, se laissa condamner par défaut, le 14 décembre 1442. (Arch. nat., Z1a 13, fol. 119.)
2 La fin de ces lettres est de même teneur que celles dont bénéficia Jacques Jousseaume (ci-dessus, n° MCCCVIII, p. 143).