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MCCCLXXXVIII

Lettres portant exemption, en faveur des vingt-cinq échevins nobles de Poitiers, de tout service militaire en dehors de ladite ville.

  • B AN JJ. 199, n° 121, fol. 73
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de noz chers et bien amez les vingt cinq eschevins nobles de nostre ville et cité de Poictiers, contenant que nostre maire de ladicte ville, qui est l'un d'eulx, [et] eulx avec luy sont tenuz et obligez de faire le guet et garde chascun jour par toute ladicte ville, et de eulx armer et avoir la garde d'icelle toutes et quantes foiz que besoing en est, en quoy faisant ilz exposent leurs corps et biens comme les autres nobles de nostre royaume, et jasoit ce que à ceste cause ilz soient et doyent estre en ce faisant [p. 433] raisonnablement francs, quictes et exemps el deschargez de aller et suyvir les guerres autre part et de eulx trouver à icelles comme les autres nobles de nostredit royaume, à ce mandez par noz bans et arrière bans, et non obstant ilz doubtent que, à l'occasion de ce que aucuns d'eulx se y sont trouvez le temps passé et s'i sont armez et ont suy les guerres, comme les autres nobles de nostredit royaume, que s ilz n'y aloient doresenavant, armoient et ne se trouvoient à noz bans et arrière bans, que nostre procureur ou autres voulsissent ou temps avenir pretendre contre eulx avoir forfaiz leurs fiefz ou biens, ou qu'ilz ne joissent de leur previllège de noblesse à eulx octroié par noz predecesseurs roys de France et par nous confirmé1 ou autre grant prouflit ou avantaige à l'encontre d'eulx, se nostre grace ne leur estoit sur ce impartie ; en nous humblement requerant que, attendu qu'ilz sont continuellement occuppez à la garde de nostre dicte ville el cité, qui est l'une des principalles villes de nostredit royaume, et que en ce faisant ilz sont tousjours en nostre service, il nous plaise les exempter à tousjours de aler ne envoier en nosdictes guerres et de eulx armer ne trouver à noz bans et arrière bans, et sur ce leur impartir nostredicte grace. Pour quoy nous, ces choses considerées, ausdiz supplians, pour ces causes et consideracions et autres à ce nous mouvans, avons octroié et octroyons, voulons et nous plaist qu'ilz soient et demeurent à tousjours mès, pour eulx et leurs successeurs, exemps, quictes et deschargez de aler et envoyer à noz guerres et armées et de eulx trouver et obeir à noz bans et arrière bans, par nous et nosdiz successeurs roys de France faiz et à faire, pour quelconque cause ou [p. 434] occasion que ce soit, et lesquelz nous en avons à tousjours exemptez et deschargez, exemptons et deschargeons, pour nous et nosdiz successeurs roys de France, de nostre grace especial, plaine puissance et auctorité royal, par ces pré sentes, et de eulx armer hors nostredicte ville et cité de Poictiers, fors pour la garde et seureté de ladicte ville et des habitans en icelle. Et quant à ce imposons scillence perpetuel à nostre procureur et à tous autres, presens et advenir. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans ou commis, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que lesdiz supplians et chascun d'eulx facent, seuffrent et laissent joir et user plainement et paisiblement de noz presens grace, exempcion et octroy, sans pour ce les molester ou travailler ne souffrir estre [molestez] ou travaillez, ores ne pour le temps avenir, en corps ne en biens, en aucune manière ; mais se leurs corps ou biens sont ou estoient pour ce prins ou empeschez, si les mettent ou facent mettre incontinent et sans delay à plaine delivrance. Et afin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Sauf toutesvoyes en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Donné à Eu, ou mois de decembre l'an de grace mil iiiie lxiii, et de nostre règne le tiers2.

Ainsi signé : Par le roy, les sires du Lau et de Bazoges3 et autres presens. Toustain. — Visa. Contentor. J. Duban.

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1 Les lettres conférant la noblesse aux maires et échevins de Poitiers remontent à Charles V et portent la date du 9 décembre 1372 ; elles sont, imprimées dans notre tome IV (XIX des Arch. hist, du Poitou), p. 233-236. Elles ont été confirmées à chaque renouvellement de règne; la ratification de Louis XI est du mois de mai 1463. (Cf. ci-dessus, p. 417.)
2 L'original de ces lettres est conservé aux Archives de la ville de Poitiers, A 26 ; le texte en a été imprimé dans le grand recueil des Ordonnances des Rois de France, in-fol., t. XVI, p. 153.

3 Nous ne savons si Renaud Girard, seigneur de Bazoges-en-Pareds, conseiller, maître d'hôtel et ambassadeur de Charles VII, qui a été l'objet d'une notice développée dans notre précédent volume (p. 218219, note), vivait encore à cette époque, ou s'il s'agit de son successeur à la seigneurie de Bazoges, Jean Girard. Ce dernier est beaucoup moins connu et à défaut de généalogie de cette famille, on ne peut savoir avec certitude s'il était fils de Renaud, ce qui est toutefois vraisemblable. Jean Girard, écuyer, seigneur de Bazoges, réclamait en 1473 la seigneurie de Ciré, les port et passage du Gué-Charraut, les cens et revenus de la Jarrie, qui avaient été adjugés à feu son père, sur Jean de Peyré et ses héritiers. Pendant le procès, Jean de Peyré fut victime d'un meurtre, dont furent reconnus coupables Jean Béchet, sr de Genouillé, Savary Girard, écuyer, et deux autres. Ceux-ci obtinrent des lettres de rémission de Charles duc de Guyenne et les présentèrent au gouverneur de la Rochelle, pour les faire entériner ; puis appel dudit gouverneur fut relevé aux Grands Jours de Guyenne. Le frère du roi étant mort et la Guyenne réunie à la couronne, l'appel fut dévolu au Parlement. Les quatre filles de Jean de Peyré étaient opposantes à l'exécution desdites lettres ; l'ainée Jeanne était mariée à Guillaume Acquelet (aliàs Achlet, Acquet) ; les trois autres, Marguerite, Annette et Catherine étaient célibataires. En attendant qu'il fût statué sur la rémission, le seigneur de Bazoges, qui ne paraît pas avoir trempé dans le meurtre, obtint de la cour un mandement prescrivant à Jean Burdelot, conseiller, de faire reprendre les fruits et revenus de Ciré et autres ci-dessus aux héritiers de Peyré, qui s'en étaient emparés en usant de violence, et de les restituer aux commissaires chargés d'administrer les biens litigieux mis sous la main du roi, le 18 juin 1473. (Arch. nat., X2a 39, aux dates des 8 avril, 25 mai, 3 et 22 juin, 13 juillet 1473; et X2a 40, fol. 65.) Le 16 mai 1481, le seigneur de Bazoges, Moricq, Chevehon, etc., était Joachim Girard; l'on a de lui, à cette date, un aveu rendu au roi pour la terre et seigneurie d'Anguitart, la tour et les moulins de Chasseneuil. (Id., P. 1145, fol. 157 v°.)