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MCCCXXXI

Rémission accordée à Mathurin Béguin, franc-archer de la paroisse de Vançais, détenu dans les prisons de Germain pour le meurtre d'Etienne Biron, auquel il avait acheté et payé un pourpoint, et qui refusait de le lui livrer.

  • B AN JJ. 190, n° 26, vol. 15
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion des parens et amys charnelz de Mathelin Béguin, aagié de quarante ans ou environ, nostre franc archier de la parroisse de Vançay en Poictou, prisonnier à present detenu ès prisons de Germain1 près Saincte Soline [p. 239] en Poictou, contenant que, le jeudi sixiesme de ce present mois, ledit Mathelin Beguin se partit après disner de son hostel et s'en ala en la taverne d'un nommé Chaigne, et ilec trouva feu Estienne Birori, Simon Bellault et Jehan Pannetier, dit Chetif, et après ce burent ensemble jusques qui fust nuyt, et en buvant firent le marchié d'un pourpoint que ledit feu Biron vendit audit Mathelin Beguin pour certain pris convenu entre eulx, que ledit Beguin paya content audit feu Biron. Et après qu'ilz eurent ainsi beu que dit est, partirent de ladicte taverne et se misdrent à chemin les diz feuz Simon Biron et Jehan Pannetier, pour eulx en aler à leurs hostelz audit lieu de Saincte Soline, avecques lesquelz s'en ala ledit Beguin, du consentement dudit feu Biron, pour avoir de lui le pourpoint qu'il avoit achapté et payé. Et quant ilz furent là arrivez, qui fut environ l'eure de mynuit, ledit Beguin dist audit feu Biron qu'il luy alast querir son pourpoint et qu'ilz yroient boire à l'ostel de la Chappelle estant audit lieu de Saincte Soline, car il s'en vouloit aler au matin pour besongner avec le prieur de Lezay, à qui il l'avoit promis. Lequel feu Biron luy respondy qu'il ne lui bailleroit mes huy ledit pourpoint. Et lors ledit Beguin jura le sang Dieu que si feroit et qu'ilz yroient boire audit hostel de la Chap- [p. 240] peile, et pour y vouloir aler se avença au devant d'eulx, et ledit Birori dist ausdiz Billault et Pannetier ces parolles ou semblables : « Ne alons point avec luy, par le sang Dieu ! il est excommenié ». A quoy respondit ledit Beguin que par la mort Dieu il n'en estoit riens et qu'il avoit menti, et dist : « Tu es bien paillart, tu m'asfait venir ycy, et ne me veult bailler mon pourpoint, et si me dis villenie. Je te tenoys mon amy et te aymoie bien, et tu es celluy qui plustost me dis oultraige. Par le sang Dieu, tu me bailleras mon pourpoint ou mon argent que je t'en ay baillé, ou nous nous entrebatrons ». A quoy ledit Billault respondit audit Beguin : « Par le sang Dieu ! se tu luy touches, nous te batrons bien », et se alièrent lesdiz Biron et Billault ensemble contre ledit Beguin. Lequel, se voyant ainsi seul contre eulx deux et injurié, se avença contre ledit Biron, et après plusieurs parolles leva le bras et d'un pal qu'il avoit prins ou chemin pour passer les rivières, et qu'il estoit nuyt, en donna ung coup audit Biron sur la teste en descendant sur la temple et en donna ung coup audit Biron autre sur les cuisses, dont ledit Biron cheut à terre et mourut incontinent. A l'occasion duquel cas, il a estéconstitué prisonnier èsclictes prisons, où il est miserablement detenu, en voye de finer ses jours, se noz grace et misericorde ne luy estoient sur ce imparties, si comme dient lesdiz supplians, requerans humblement que, [comme] ledit feu Biron fut premier agresseur de parolle en tant qu'il le appelloit et disoit qu'il estoit excommenié, et que ledit Beguin n'avoit entencion de le tuer, mesmement qu'il ne voult oncques tirer sa dague qu'il avoit, ce qu'il eust peu faire, aussi que lesdiz Biron et Billault se estoient aliez contre luy, et qu'il n'estoit alé audit lieu se non en entencion d'avoir ledit pourpoint qu'il avoit achapté et payé, que en tous autres cas il est bien fame et renommé, et ne fist oncques aucun villain cas, blasme oureprouche, il nous plaise luy impartir nosdictes grace et misericorde. Pour [p. 241] quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Matherin Beguin avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, etc. Donné à Chinon, ou mois de mars l'an dé grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne Ie xxxviiie.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Oquet. — Visa, Contentor. J. Du Ban.


1 André de La Roche était alors seigneur de Germain à cause de sa femme, Jeanne de Vezançay, qui l'avait eu de la succession de son père ou de celle de son frère..Guillaume de Vezançay, chevalier, le père, était mort avant le 9 novembre 1426, laissant deux enfants en bas âge, Pierre et Jeanne, sous la tutelle de leur mère, Marguerite Feydeau ou de Fesdeau (cf. notre t. VII, p 299, note). Celle-ci ayant épousé en secondes noces Guillaume de La Roche, chevalier, veuf lui aussi, maria sa fille au fils du premier lit de son mari, André de La Roche.

Sur l'état des personnes taxées et condamnées à l'amende par Pierre de Tuillières, conseiller au Parlement, commis par lettres patentes de Charles vu, en date du 14 janvier 1438, pour rechercher et punir les abus commis en Poitou, on lit : « Jehan Cadiou, mestoyer de André de La Roche, seigneur de Germain,audit lieu de Germain, en la parroisse de Saint Coustans, a esté tauxé et imposé par manière de prest fait au roy nostre sire, à la somme de XLVI. solz VIII. deniers ». (Bibl. nat., ms. fr. 24160, fol. 11 v°.) Nous citerons encore une transaction du 9 juillet 1463, par laquelle André de LaRoche, chevalier, seigneur de la Roche et de Germain, et Jeanne de Vezançay, sa femme, furent admis par Jean de Lezay, chevalier, seigneur des Marais à lui faire foi, et hommage de l'hôtel du Vignault, dont par suite ils étaient reconnus légitimes possesseurs. (Arch. nat., T. 110.) Le même André de La Roche poursuivait, en 1469, au Parlement de Paris, Jean de Melun, seigneur de Lezay, le fils de celui-ci et leurs complices, en réparation des injures et excès dont ils s'étaient rendus coupables envers lui et ses sujets de la seigneurie de Germain. (Mandement d'enquête du 17 juillet 1469, X2a 36, fo1. 242.)