[p. 41]

MCCLXXXII

Rémission en faveur de Perrin Benoist, d'Avanton, réfugié en franchise à la suite d'un homicide qu'il avait commis, en aidant son neveu à s'emparer d'un homme coupable de vol.

  • B AN JJ. 189, n° 210, fol. 102 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de Perrin Benoist, aagé de xl. ans ou environ, demourant en la parroisse d'Aventon, contenant comme, le lundit devant Noël derrenier passé, ung nommé Jehan Mary, son nepveu, le rencontra et lui demanda s'il avoit point veu ung homme qui avoit robé son maistre, nommé Perrot Legros, d'un cuèvre chief et de neuf deniers qu'il devoit de son escot, lequel lui respondi que non, et alors ledit Jehan Mary lui pria qu'il alast avecques lui après le larron et qu'il avoit ung grant cousteau, lequel ilz lui osteroient pour récompense de son escot. Et ainsi qu'ilz faisoient leur entreprise, seurvint ung nommé Simon Rat, qui appella ledit Jehan Mary et lui demanda quel homme c'estoit et quelz habillemens il avoit; lequel lui respondi qu'il avoit une robe de gris noir et ung petit chien rouge. Lequel Simon Rat lui dist que celui qu'il demandoit estoit venu le dimenche precedent au soir devers Sissé jusques au droit de la justice du seigneur d'Aventon1 et [p. 43] que ledit larron qui estoit texier lui avoit demandé s'il seroit bien de jour à Bram et qu'il vouloit tirer droit à Chasteleraud ; lequel Simon Rat lui dist que ouy. Et incontinent après ces paroles, ledit Jehan Mary s'en retourna à l'ostelde son dit maistre et lui dist que ledit larron texier vouloit tirer vers Chasteleraud et qu'il lui baillast la fourche de fer, et qu'il avoit ung grant cousteau de quoy il lui pourroit faire desplaisir. Et après se mirent à che min [les diz] Jehan Mary et suppliant, son oncle, et alèrent l'un droit à Aventon et l'autre à Jaunay. Et depuis se rencontrèrent lesdiz Jehan Mary et suppliant, et dist icelui Jehan Mary audit suppliant qu'il s'en alast droit à Bram et il s'en yroit droit à Jaunay, et s'il le rencontroit le premier, qu'il le hueroit. Et ainsi que ledit Jehan Mary tiroit son chemin, avisa ledit larron et commença à crier et huer « au larron, au larron ! » Et quant il oyt le bruit, se tira à part du chemin, et quant il vit icelui Jehan Mary près de lui, il se retourna contre lui. Et en ce bruit seurvint ung homme dudit Jaunay qui avoit une deschaussouère2 au col, qui demanda que c'estoit qu'ilz avoient, et ledit Jehan Mary lui dist que ledit texier avoit desrobé ledit Legros, son maistre, d'un cuèvrechief et de son escot. Lequel homme de Jaunay dist audit texier qu'il rendist ledit cuèvrechief et qu'il payast son escot. Et en disant ces paroles, seurvint ledit suppliant qui dist audit texier qu'il seroit bien froté s'il ne rendoit ledit cuèvrechief. Et alors ledit Jehan Mary dist audit suppliant qu'il ne le frappast point et qu'il le rendroit. Et [p. 44] adoncques ledit texier print ledit cuèvrechief où il l'avoit mis et le bailla audit Jehan Mary, [lequel] après lui demanda lesdiz neuf deniers qu'il devoit pour son escot, mais il lui dist qu'il n'avoit point d'argent. Et lors Jehan Mary et ledit suppliant, son oncle, le mirent devant eulx pour aler conter audit Legros; et ledit texier demanda audit Jehan Mary qui le payeroit de sa journée, lequel lui respondi qu'il seroit bien payé. Et en alant par le chemin, icelui texier print une pierre et dist à icelui Jehan Mary qu'il le feroit bien reculer arrière ; et adoncques ledit suppliant dist audit Jehan Mary qu'il descendist de dessus une jument où il estoit monté et qu'il Patachast, ce qu'il fist. Et après ce, icelui suppliant dist audit texier qu'il ostast la main du cousteau, qui lui respondi que non feroit. Et quant icelui Jehan Mary vit que icelui texier avoit une pierre en sa main et l'autre main sur le cousteau, il lui donna de la dicte fourche sur les espaules ; lequel, quant il se sentit frappé, laissa la main sur son cousteau et faisoit semblant de frapper ledit Jehan Mary arrière main ; et quant ledit suppliant l'apperceut, lui donna sur la teste d'un paufour3, et derechief icelui Jehan Mary, après aucunes paroles, frappa ledit texier de ladicte fourche sur la temple, tellement que le sang en saillit ; et alors ledit suppliant lui dist qu'il ne le frappast pas sur la teste, mais il l'avoit jà frappé. Et combien que ledit suppliant eust dit audit Jehan Mary qu'il ne le frappast sur la teste, neantmoins lui mesmes lui donna dudit paufour sur le coing du front, tellement que du coup il cheut à terre, et que le sang en sailloit en grant habundance. Et quant ledit Jehan Mary vit que ledit texier estoit couchié, lui osta son cous- [p. 45] teau. Et certain temps après ledit texier, par mauvais gouvernement ou autrement, est alé de vie à trespas. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant s'est traict en franchise, de laquelle il n'oseroit saillir, pour doubte d'estre prins et que justice ne voulsist proceder rigoreusement à rencontre de lui par pugnicion corporelle, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Perrin Benoist suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Paris, ou moys d'octobre l'an de grace mil cccc. cinquante sept, et de nostre règne le xxxve 4

Ainsi signé : Par le conseil. G. d'Asnières. — Visa. Contentos. Valengelier.


1 La châtellenie d'Avanton était dans la mouvance de la Tour de Beaumont qui relevait elle-même de la vicomté de Châtellerault. Jean Labbé, fils a autre Jean et de Jeanne Ogier, en était seigneur en 1432, date de sa mort. Son frère Guy Labbé, prêtre, en hérita, mais on ne dit point combien de temps il la garda et quand il mourut. Après celui-ci, Avanton devint la propriété de N. de la Viaudière, qui avait épousé Marie Viaud et était décédé avant 1474. A cette date, Jacques Hervet, écuyer, en devint seigneur à cause de son mariage avec Louise de la Viaudière. M. l'abbé Lalanne, auquel sont empruntés ces noms de possesseurs, donne aussi une courte description du château d'Avanton, qui existe encore en parfait état de conservation. (Histoire de Châtetleraud, 2 vol. in-8°, t. 1, 1859, p. 350.)
2 La déchaussoire était une sorte de houe. Godefroy cite deux exemples de ce mot, empruntés aux registres du Trésor des chartes. (Dict. de l'anc. langue française, verbo Deschaussoire.)
3 Cet instrument est ainsi décrit dans un autre acte de l'année 1475, enregistré au Trésor des chartes : « Ung gros baston forchu de plain poing et long d'une brasse et plus vulgairement appellé paufour ou fourche». (Arch. nat., JJ. 204, n° 67.) On trouve aussi pauforc et pauforche.
4 Avant le 22, la trente-cinquième année du règne de Charles VII finissant le 21 octobre 1457.