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MCCXCIV

Déclaration portant que le don de Parthenay fait à Dunois, le même jour, ne doit point préjudicier aux droits prétendus sur cette terre par les héritiers de Jean Larchevêque, ni modifier l'issue du procès pendant au sujet de cette succession.

  • B AN JJ. 188, n° 86, fol. 40 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France, à tous ceulx qui ces presentes lettres verront, salut. Comme, par noz autres lettres et pour les causes contenues en icelles, ayons aujourd'uy donné, cedé et transporté à nostre très chier et amé cousin Jehan bastard d'Orleans, conte du Dunois, et à ses enfans masles, procréez en loyal mariage, et aux masles descendans d'iceulx enfans masles en loyal mariage, les villes, chastellenies, terres et seigneuries de Partenay, Secondigny, Vouvant, Mervant, le Couldray Salbert, Chastellaillon, Mathefelon et autres terres et seigneuries, que feu Jehan Larcevesque, en son vivant chevalier, seigneur de Partenay, nous avoit vendues, delaissées et transportées, pour en joyr par nostre dit cousin et ses enfans masles, procreés en loyal mariage, et les masles descendans desdiz masles aussi en loyal mariage, perpetuellement et à tousjours, ou cas que nostre très chier et très amé cousin Artur, duc de Bretaigne, connestable de France, auquel avions dès pieça fait don et transport desdictes terres et seigneuries, et à ses hoirs masles, yroit de vie à trespassement sans hoirs masles procreés de son corps en loyal mariage, pour les causes et ainsi qu'il est plus à plain contenu en nosdictes autres lettres ; à cause desquelles terres et seigneuries pend procès en nostre court de Parlement1, entre nostredit cousin de Dunois [p. 81] et nostre chière et amée cousine Marie de Harecourt2 sa femme, à cause d'elle, le conte de Tancarville3 et le seigneur de Husson4 demandeurs en matière petitoire et [p. 82] autrement, d'une part, et nostredit cousin Artur, duc de Bretaingne, et nostre procureur general, adjoinct avec luy, d'autre, non voulans que ledit don ne prejudicie aucunement à nosdiz cousin et cousine ele Dunois ne à leurs enfans, ne aux droiz, parties et porcions qu'ilz pretendent èsdictes terres et seigneuries par les faiz, et moiens declairez oudit procès. Pour ces causes et consideracions, avons declairé et declarons par ces presentes que nostre entencion n'a esté ne n'est que, par ledit don et transport desdictes terres et seigneuries fait à nostre dit cousin de Dunois et à ses enfans masles procreés en loyal mariage et aux masles descendans desdiz enfans masles en loyal mariage, soit fait ou porté aucun prejudice à nosdiz cousin et cousine de Dunois, à leurs hoirs et successeurs quelconques, ne aussi à la poursuicte qu'ilz ont fait ou pourroient faire, en nostre dicte court et ailleurs, pour raison desdictes terres et seigneuries, ne aussi que ceste presente reservacion face ou porte aucun prejudice ne derogue en aucune manière au droit qui luy peut appartenir, à cause du don que luy avons fait et faisons presentement. Mais voulons et nous plaist que nosdiz cousin et cousine et leursdiz hoirs et successeurs quelxconques soient et demeurent entierement en tous leurs droiz, noms, raisons, actions et poursuites qu'ilz ont de present et que leur pevent ou pourroient eschevoir, avenir et appartenir, à cause desdictes terres et seigneuries, leurs appartenances et deppendences, en quelque manière que ce soit, tout ainsi qu'ilz estoient par avant ledit don, cession et transport et non obstant icelluy. [p. 83] En tesmoing de ce, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Donné à Vendosme, le xxiie jour du mois d'octobre l'an de grace mil cccc. cinquante huit, et de nostre règne le xxxviie .

Ainsi signé : Par le roy en son conseil, ouquel Messieurs les ducs d'Orléans5 et de Bourbon6, les contes de Eu7, de Foix8 et de la Marche9, vous10, l'evesque de Constances11, le seigneur de Beaujeu12, Janus de Savoye13, Loys de Sa- [p. 84] luces14, les sires de Torcy15, de Precigny16 et du Monteil, Guillaume Cousinot17, chevalier, maistres Estienne Le Fèvre18 et Jehan Bureau19, sire Jehan Hardoin20, maistres Pierre Doriole21, Pierre et Raoul de Refuge22 et Denis Daucerre23 et autres presens. J. de La Loère.


1 Jean II Larchevêque, sr de Parthenay, avait déjà vendu, par contrats de 1405 et de 1416, comme nous l'avons vu ailleurs (Arch. hist. du Poitou, t. XXVI, p. 295, note), à Jean duc de Berry, comte de Poitou, la baronnie de Parthenay et ses autres possessions. Ses deux sœurs, Marie, qui avait épousé, vers 1379, Louis Ier de Chalon, comte de Tonnerre, et Jeanne, mariée, le 21 janvier 1390, à Guillaume de Melun, comte de Tancarville, vicomte de Melun, seigneurde Montreuil-Bellay, etc., s'y étaient opposées, et les contrats n'avaient jamais reçu d'exécution. Elles et leurs héritiers attaquèrent aussi la vente faite à Charles vu, à Bourges, le 19 novembre 1419, et la donation consentie par le roi au profit de Richemont. Nous pouvons citer les plaidoiries qui eurent lieu à ce sujet, au Parlement de Poitiers, le 3 février 1429, le 3 janvier 1430, le 17 mai 1431. (Arch. nat., X1a 9199, fol. 121, 212, 393 v° à 396.) Le procès dura plus de trente ans et ne fut jamais jugé. Aussi il serait oiseux de rechercher les noms des enfants, petits-enfants et neveux des deux sœurs de Jean Larchevêque, vivant en 1458, et qui ne cessaient de revendiquer contre la couronne leurs droits prétendus à la succession de Parthenay, en dehors de ceux qui sont nommés dans le présent acte et dans l'arrêt d'enregistrement au Parlement, cité cidessus, p. 79, note 1.
2 Marie d'Harcourt était la fille de Jacques d'Harcourt, baron de Montgommery, qui périt massacré dans le château même de Parthenay, dont il avait voulu s'emparer par ruse, en 1423, ainsi que de la personne de Jean II Larchevêque, son oncle (Cf. B. Ledain, La Gâtine hist., p. 204), et de sa seconde femme, Marguerite de Melun, fille unique de Guillaume de Melun, comte de Tancarville, vicomte de Melun, seigneur de Montreuil-Bellay, chambellan et connétable héréditaire de Normandie, tué à Azincourt. Par son mariage avec Dunois (contrat du 6 octobre 1436), dont elle fut la seconde femme, elle avait apporté à celui-ci sa part des droits à la succession de Parthenay, que réclamait la maison d'Harcourt, du chef de Jeanne Larchevêque, sœur de Jean II sr de Parthenay. En acceptant la donation du 22 octobre 1458, elle reconnaissait d'ailleurs implicitement que ces droits appartenaient en réalité au roi, au profit duquel le Parlement les consacrait une fois de plus, par son arrêt d'enregistrement. Marie d'Harcourt mourut à Chouzésur-Loire, près Saumur, le 1er septembre 1464. (Le P. Anselme, Hist. Généal. t., V, p. 137.)
3 Guillaume d'Harcourt, comte de Tancarville, vicomte de Melun, baron de Montgommery, frère de père et de mère de la précédente, né vers 1418, chambellan du roi, connétable et chambellan héréditaire de Normandie, grand maître des eaux et forêts de France, décédé à Montreuil-Bellay, le 27 octobre 1484, et enterré dans la collégiale Notre-Dame de cette ville qu'il avait fondée. (Id. ibid., p. 138.)
4 Louis II de Chalon, comte de Tormerre, fils de Louis Ir et de Marie de Parthenay, eut de son épouse, Marie de La Trémoïlle, dame du Bois-Pouvreau et de Cherveux (vol. précédent, p. 252, note), huit enfants. Ses fils étant décédés avant lui, deux de ses filles se partagèrent le comté de Tonnerre : Jeanne épousa le 10 août 1400 Jean de La Baume, dont postérité ; Marguerite, la plus jeune, fut mariée à Olivier, seigneur de Husson, chambellan de Charles VII, dont elle eut Marie, qui épousa, le 30 novembre 1442, Laurent Ier, sire de Vieuxpont et de Courville, baron de Neufbourg, et Jean de Husson. Ce dernier, ici nommé, était par conséquent l'arrière-petit-fils de Marie de Parthenay. sœur de Jean II Larchevêque. Il fut comte de Tonnerre, seigneur de Saint-Aignan, et avait épousé, vers 4446, une Poitevine, Jeanne Sanglier, dame de Château-Guibert, veuve de Jean de La Rochefoucauld, seigneur de Barhezieux, le sénéchal de Poitou, fille de Guillaume Sanglier, seigneur de Bizay, et de Jeanne de Rougemont. (Voy. notre t. VII, Arch. hist. dit Poitou, XXVI, p. 7, note.) Leur fils Charles de Husson, comte de Tonnerre, épousa, l'an 1473, Antoinette de La Trémoïlle. (Contrat du 8 juillet 1473, dans la coll, dom Fonteneau, t. XXVI, p. 463.)
5 Charles duc d'Orléans et de Milan, comte de Valois, de Beaumontsur-Oise et d'Asti, sire de Coucy, né en l'hôtel de Saint-Paul à Paris, le 26 mai 1391, fils de Louis de France, duc d'Orléans, et de Valentine de Milan, mort le 4 janvier 1466.
6 Jean II duc de Bourbon, fils de Charles Ier et d'Agnès de Bourgogne, duc de Bourbon et d'Auvergne, comte de Clermont et de Forez, nommé grand chambrier de France par lettres données à Saint-Priest en Dauphiné, le 12 mars 1457, gouverneur de Guyenne et de Languedoc en 1483, mort le 1er avril 1488, sans enfants légitimes.
7 Charles d'Artois, comte d'Eu et pair de France par lettres patentes datées de Vendôme, avril 1458 (le P. Anselme, t. III, p. 327), fils de Philippe d'Artois, et de Marie de Berry. Pris à Azincourt, il resta en Angleterre jusqu'en 1438, fut gouverneur de Paris en 1465, et décéda sans postérité, le 25 juillet 1472.
8 Gaston IV, comte de Foix et de Bigorre, vicomte de Béarn, fils de Jean comte de Foix et de Jeanne de Navarre, né vers 1422, se distingua à la bataille de Castillon (1453) et mourut à Roncevaux, le 21 juillet 1472.
9 Bernard d'Armagnac, comte de Pardiac, vicomte de Carlat et de Murat, puis comte de la Marche par son mariage avec Eléonore de Bourbon, fille de Jacques de Bourbon, comte de la Marche, était le second fils de Bernard VII, comte d'Armagnac et connétable de France, et de Bonne de Berry. Il mourut avant l'année 1462.
10 Le chancelier de France était alors Guillaume Juvénal des Ursins, baron de Traynel (1445-1461), né le 15 mars 1400, décédé le 23 juin 1472.
11 Richard Olivier de Longueil, licencié ès lois, président en la Chambre des comptes, chantre de Lisieux, chanoine et archidiacre d'Eu en l'église de Rouen, évêque de Coutances depuis le 28 septembre 1453, l'un des juges au procès de réhabilitation de Jeanne d'Arc. Comme conseiller de Charles VII, il lui rendit de nombreux services diplomatiques. (Gallia christ., t. XI, col. 893 ; de Beaucourt, Hist. de Charles VII, t. V et VI, passim.)
12 Pierre sire de Beaujeu, né en novembre 1439, frère puîné de Jean II duc de Bourbon (ci-dessus), marié par traité passé à Jargeau près Orléans, le 3 novembre 1473, à Anne de France, fille aînée de Louis xi, duc de Bourbon après la mort de son frère (1488), décédé le 8 octobre 1503.
13 Janus de Savoie, comte de Genevois, l'un des quinze enfants (huit fils et sept filles) que Louis comte de Savoie (1451-1465) eut d'Anne de Lusignan, sa femme, fille de Janus ou Jean II, roi de Chypre, mort en 1462.
14 Louis Ier marquis de Saluces, fils de Thomas III, et de Marguerite de Roussy, avait succédé à son père en 1416. Il épousa, en 1433, Isabelle, fille de Jean-Jacques Paléologue, marquis de Montferrat, et mourut le 8 avril 1475.
15 Jean d'Estouteville, seigneur de Blainville, puis de Torcy, après la mort de son père, prévôt de Paris en 1446 et grand maître des arbalétriers en 1449. Il se distingua, l'année suivante, à la conquête de la Normandie, servit fidèlement Charles vu et Louis XI ; on le trouve encore combattant à Guinegatte (1479) ; il mourut fort âgé, le 11 septembre 1494.
16 Bertrand de Beauvau, sr de Precigné ou Pressigny, grand sénéchal de Provence, premier chambellan de René d'Anjou, roi de Sicile, mort en 1462.
17 Pour Guillaume Cousinot, chevalier, seigneur de Montreuil, voy. ci-dessous, au bas d'un acte d'avril 1461.
18 Etienne Le Fèvre (cf. ci-dessus, p. 15, note 2).
19 Jean Bureau, sr de Montglat, trésorier de France et maître de l'artillerie. (Voy. nos t. VIII, p. 172, note, et IX, p. 18, 92, 118, 201, 264.)
20 Jean Hardouin, maître des comptes et trésorier de France. (Cf. ci-dessous, dans au acte de septembre 1460.)
21 Sur Pierre Doriole, sr de Loiré, cf. idem, au bas d'un acte d'avril 1459.
22 Pierre de Refuge, sr de Fougères, fils de Jean de Refuge, général des aides, puis des finances, et de Jeanne de Faucrois, fut général des finances, gouverneur d'Asti, capitaine de cinquante lances, chambellan du duc d'Orléans, assista au procès de Jean duc d'Alençon en 1458 et vivait encore en 1480. — Raoul de Refuge, son frère puîné, d'abord général sur le fait des aides, fut reçu maître des comptes le 20 décembre 1446, à la survivance de Jean Le Vavasseur, confirmé le 12 mars 1452, après la mort dudit Le Vavasseur, et demeura en l'exercice de cette charge jusqu'au 12 septembre 1461.
23 Une note est consacrée au poitevin Denis d'Ausseure, quelques pages plus loin.