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MCCCLI

Lettres permettant à Jean Mourraut, conseiller du roi, de fortifier son hôtel et lieu de la Motte-sur-Croutelle, et lui octroyant tous droits de haute et moyenne justice en ladite seigneurie.

  • B AN JJ. 198, n° 323, fol. 283 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de nostre bien amé maistre Jehan Mourraut1,[p. 306] nostre conseiller, contenant que il a plusieurs beaulx et anciens dommaines et heritaiges, tant à cause de la succes- [p. 307] sion de ses predecesseurs que autrement, situez et assis à cinq et à six lieues autour et à l'environ de nostre ville et cité de Poictiers, et mesmement en la chastellenie de Lezignen, enlaquelle il a plusieurs hommes et subgietz avec ung bel hostel assis en ladicte chastellenie, appellé la Mote et plusieurs hommes et subgiectz, rentes et revenues estans des appartenances et deppendances d'icelluy, et qu'il tient par hommaige et noblement de nous, à cause de nostre chastel de Lezeignen, et auquel lieu de la Mote il a une belle place et avantageuse, se elle estoit fortiffié, distant ele nostre dit chastel de Lezignen de quatre lieues ou environ et de nostredicte ville de Poictiers d'une lieue et demye ou environ ; laquelle place, pour la seurté de luy, sa femme et mesnaige, où il a entencion de user partie de ses jours, et pour obvier aux roberies et pilleries qui lui pourroient estre faictes, quant il y resideroit, pour ce que ladicte place est près du grant chemin, icellui suppliant a entencion de clourre et fortiffier ladicte place appellée la Mote, mais il ne l'oseroit faire, sans avoir noz congié et licence, si comme il dit, humblement requerant iceulx. Pour ce est il que nous, ces choses considerées et que lesdiz hommes et subgectz dudit suppliant n'ont lieu où ilz se puissent retraire en temps d'ostilité et de guerre, si propice et convenable que ledit lieu de la Mothe, à icellui suppliant, pour ces causes et pour consideracion de plusieurs bons, grans et agreables services que lui et autres ses parens et amis nous ont fait, font chascun jour enmaintes manières, et esperons que plus facent ou temps avenir, avons donné et octroyé, donnons et octroyons de grace especial, par ces presentes, congié et licence de fermer, clourre et fortiffier ledit lieu et place de la Mote, de fossez, paliz, tours, tournelles, portailz, garritez, barbecanes, pons leveiz, eschiffes et autres fortifficacions à ce necessaires et convenables, telles et ainsi que bon lui semblera ; et de nostre plus ample grace lui avons donné et octroyé, donnons et octroyons [p. 308] audit lieu de la Mote et sur toutes ses appartenances et appendances, hommes et subgietz dudit lieu, toute justice et juridicion, haulte et moyenne, forches patibulaires et tout ce qui de haulte et moyenne justice se deppend, peut et doit deppendre, reservé toutesvoyes à nous les ressort et souveraineté en cas d'appel seullement, et que il tiendra ladicte justice de nous par et soubz l'ommaige qu'il nous fait et est tenu de faire, à cause de sondit hostel de la Mote. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, à noz amez et feaulx gens de noz comptes et tresoriers à Paris, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers et officiers, ou à leurs lieuxtenans ou commis, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartiendra, que de noz presens grace, congié et licence et octroy facent, seuffrent et laissent nostredit conseiller, ses hoirs et successeurs joyr et user plainement et paisiblement, sans pour ce les molester, travailler ne empescher, ores ne pour le temps avenir, en corps ne en biens, en aucune manière; mais s'aucun empeschement leur avoit esté ou estoit fait, mis ou donné, si l'ostent et mettent ou facent oster et mettre sans delay à plaine delivrance et au premier estat et deu ; car ainsi nous plaist il estre fait. Et affin que ce soit chose ferme et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à cesdictes presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autruy en toutes. Donné à Amboise, ou moys de novembre l'an de grace mil cccc. soixante et ung, et de nostre règne le premier2.

Ainsi signé : Par le roy, les sires du Lau3, de Crussol4, [p. 309] messires Jehan Bureau5 Pierre Berart6, chevaliers et plusieurs autres presens. Le Prevost. — Visa. Contentor. Dorchère.


1 Jean Mouraut ou Mourraut, seigneur de la Mothe-sur-Croutelle, conseiller du roi, conservateur des privilèges royaux de l'Université de Poitiers, a été l'objet d'une notice biographique dans notre précédent volume, p. 328, note. Nous avons vu aussi (en cet endroit et cidessus, p. 134, note) que Louise Rabateau, femme d'Hector Rousseau, assassiné au mois de mai 1458, avait été mariée en premières noces à un Jean Mouraut, dont elle avait alors une fille, ce qui reporte le décès de son premier mari à l'année 1455 au plus tard. Or, comme l'on rencontre dans les textes, de 1433 à 1468, le nom de Jean Mouraut, conseiller du roi, seigneur de la Mothe-sur-Croutelle, etc., nous avions tout d'abord supposé qu'il avait pu y avoir durant cette période deux personnages de même nom, revêtus des mêmes charges et titres, le père et le fils, et que Louise Rabateau avait dû être la seconde femme du père. Mais, d'autre part, les textes où il est question de cette union ne disant pas qu'il s'agissait d'un sr de la Mothe, d'un conseiller du roi ou d'un conservateur des privilèges de l'Université, le premier mari de Louise Rabateau pouvait être aussi bien un oncle ou un cousin du côté paternel de notre personnage, portant le même prénom si commun de Jean. Aussi nous pensons maintenant que, malgré ce mariage, il est plus vraisemblable d'admettre que les documents rapportés dans notre précédent volume et ceux dont il est question ici se réfèrent à un seul et même Jean Mouraut, sr de la Mothe-sur-Croutelle, fils de Simon, seigneur du même lieu, qui vivait encore en 1437.

Ce Jean Mouraut avait épousé, avant le 26 août 1434, Jeanne Larcher, d'une famille bien connue de Poitiers. A cette date, il rendit à cause d'elle au seigneur de la Barre-P ouvré au un aveu de Hebergement de la Roche et ses appartenances, du moulin de Pouvreau avec le pré de la Rivière, et du ténement appelé les Ors-Piart, assis à la Pagerie, qu'il tenait à hommage plein à 60 sous de devoir à muance d'homme, aveu qu'il renouvela le 8 août 1443. Un autre aveu qu'il rendit vers 1450, toujours à cause de Jeanne Larcher, sa femme, de l'hébergement de la Boucherie, à Jean Tudert, maître des requêtes de l'hôtel, et à la femme de celui-ci, Catherine de Champdenier, dame de la Barre-Pouvreau, fut renouvelé le 10 juin 1456, à Guillaume Grany, seigneur dudit lieu, et à cette même date il rendit encore à ce personnage un aveu de deux borderies de terre appelées l'hébergement de la Boutinière, autre possession de Jeanne Larcher. Dans ce dernier acte, Jean Mouraut est qualifié licencié en lois, élu pour le roi en Poitou. (A. Richard, Archives du château de la Barre, t. II, p. 64, 65, 85, 223, 224.) Dans un contrat d'arrentement d'un hébergement à Seuilly qu'il conclut, en 1459, avec Jean Payen, bourgeois de Mirebeau, il prend le titre de conservateur des privilèges royaux de l'Université de Poitiers. (Arch. de la Vienne, G. 1213.) Une sentence arbitrale rendue par Denis d'Ausseure et Nicolas Acton, le 23 juin 1462, pour régler la possession du grand hôtel des Claveuriers et le partage d'autres biens entre les enfants de Maurice Claveurier, lieutenant général du sénéchal de Poitou, rappelle qu'un premier arbitrage, avait été demandé à Jean Mouraut, maire, et à Thomas Boylesve, bourgeois de Poitiers, qui avaient estimé à 3.000 livres la valeur dudit hôtel. (Arch. de la Barre, t. II, p. 403.) M. Ch. Babinet dit que notre Jean Mouraut faisait partie, avant 1437, de l'échevinage en qualité de conseiller non pair, qu'il passa, cette année-là, dans le collège des treize conseillers maîtres, qu'il fut cinq fois maire de 1438 à 1461, et mourut le 5 septembre 1468. (Les Echevins de Poitiers de 1372 à 1675. Extrait des Mém. de la Société des Antiquaires de l'Ouest, t. XIX, 1896, p. 13 du tirage à part.) Jean Mouraut et Jeanne Larcher eurent une fille unique, Anne, mariée à Yvon du Fou, chevalier, qui fut chambellan du roi, grand veneur de France, capitaine de Lusignan, gouverneur d'Angoumois, bailli de Touraine, sénéchal de Poitou, etc., mort en 1488. Nous le retrouverons dans notre prochain volume. Après la mort de son beau-père, il fit au nom de sa femme les hommages et aveux des fiefs de la Roche, de la Boutinière, de la Boucherie, etc., au seigneur de la Barre-Pouvreau, les 6 novembre 1469, 5 janvier 1470 et 2 mars 1474, puis, Anne Mouraut étant décédée, il les renouvela au nom de leurs deux fils mineurs, Jacques et François du Fou, dont il avait l'administration, le 20 septembre 1479. (Arch. du château de la Barre, t. II, p. 65, 66, 85, 86, 224.)

2 Ces lettres furent aussi enregistrées au Parlement de Paris, par arrêt de la cour en date du 13 mars 1464 n. s. (Arch. nat., reg. X1a 8606, fol. 41 v°.)
3 Antoine de Châteauneuf, sr du Lau. (Cf. ci-dessus, p. 299, note 2.)
4 Louis de Crussol, sénéchal de Poitou, auquel nous consacrons une notice ci-dessous, n° MCCCXCII.
5 Jean Bureau, sr de Montglat. (Voy. notre vol. précédent, p. 92, note, et ci-dessus, p. 84, note.)
6 Pierre Bérard, sr de Chissay, trésorier de France, anobli par Charles VII, membre du Conseil royal dès l'an 1445 (vol. précédent, p. 334, note 5).