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MCCCXXXII

Rémission en faveur de Louis et Jean Michau, le premier en fuite, le second prisonnier à Niort, pour le meurtre d'Hélie Raoul, curé de Fontaines-sur-Boutonne.

  • B AN JJ. 190, n° 54, fol. 28
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir,nous avoir receu l'umble supplicacion de Loys et Jehan Michaux, jeunes homs, natifs du païs de Poictou, contenant que, deux ans a ou environ, ledit Jehan s'en entra en l'eglise de Fontaines sur Boutonne oudit païs de Poictou, avec plusieurs autres pour doubte de tonnoirre et fort temps, et après qu'il fut passé s'en ala en ung jardrin pour faire son aisement, et estoit devers le soir assez tart, et lui estant en icelui jardrin, feu Helies Raoul, en son vivant prebstre et curé dudit [lieu] de Fontaines, qui estoit ribleux, putenier et homme de très mauvaise vie, tenant une espée en sa main, donna de ladicte espée audit Jehan ung grant tail au travers du visaige tant qu'il le tumba à terre, avec plusieurs autres cops tant de tail que d'estoc sur l'un des bras, lui persa de part en part, tellement qu'il en est mautroux1 ou presque impo- [p. 242] tent de l'une des mains. Et depuis ce, ledit Jehan pardonna audit feu Helies, moyennant qu'il lui bailla certain argent pour lui et pour paier le barbier qui le habilla. Lequel feu Helyes depuis, pour plus vouloir injurier ledit Jehan, suppliant, qui avoit esté nouvellement marié, poursuivit sa femme qui estoit jeune femme, en la priant de deshonneur et lui reprouchant ledit Jehan, son mari et l'appellant mautroux, et lui dist, entre autres choses, à une foiz ou plusieurs, qu'il auroit sa compaignie, voulsist ou non, et qu'il ne demourroit pour lui ne autres. Lesquelles choses elle dist audit Jehan son mary, qui le dist audit Loys son frère. Et à ceste cause, lesdiz supplians, voyans la mauvaise voulenté dudit feu Helyes, congnoissans que c'estoit ung putenier et de ce fort famé, et aussi estoit plein de toute mauvaitié, doubtans qu'il prensist ladicte jeune femme dudit Jehan et la deshonnorast, se misdrent de nuyt par deux foiz en aguet de le trouver, et à la dernière foiz, qui fut le premier jour de karesme derrenierement passé, le trouvèrent, environ jour couchant, ainsi qu'il vouloit entrer en sa maison, et lui donnèrent plusieurs cops d'espées tant sur la teste que ailleurs, tellement qu'il demoura mort en la place. A l'occasion duquel cas ledit Jehan a esté pris et est de present prisonnier en noz prisons de Nyort, et ledit Loys s'est absenté, et n'oseroient jamais seurement converser ne demourer au païs, se noz grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu que en tous autres cas ilz ont esté et sont bien famez, etc., il nous plaise nosdictes grace et misericorde sur ce leur impartir. Pour quoy nous, les choses dessus dites considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, ausdiz supplians et chacun d'eulx le fait et cas dessus declairé avons, pour honneur et reverence de la Passion Nostre Sauveur Jhesu Crist, qui à ce jour souffrit mort et passion pour nostre redemption, quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, [p. 243] par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et â tous noz autres justiciers, etc. Donné aux Roches Trenchelion, oumoys d'avril avant Pasques l'an de grace mil cccc.lix, et de nostre règne le xxxviiime.

Ainsi signé : Par le roy tenant ses requestes, èsquelles maistre Jehan Tudert2, Henry de Marie3 Jehan de la Reauté4 et plusieurs autres estoient. Rolant. — Visa. Contentor.


1 Mautroux, estropié, dit Godefroy, qui ne cite qu'un seul exemple, emprunté précisément au présent texte. (Dict. de l'anc. langue française.)
2 Jean Tudert, conseiller au Parlement de Paris et maître des requêtes. (Voy. ci-dessus, p. 59, note.)
3 Henri de Marie, chevalier, seigneur de Versigny, fils aîné d'Arnoul, seigneur dudit lieu, président au Parlement de Paris, et de Marie de Runay, sa première femme. Le 18 mai 1422, il fut reçu conseiller au Parlement, charge qu'il exerça jusqu'en 1455; il fut alors pourvu de la charge de maître des requêtes de l'hôtel, et il en prit le titre par les lettres qu'il obtint en chancellerie, le 3 août 1456. En cette qualité, Henri de Marie fut l'un des commissaires députés par Charles VII, en 1460, pour terminer certains débats et différends entre les maire et échevins de la Rochelle et le procureur général du roi. Puis, sous Louis I, l'office de premier président au Parlement de Toulouse lui fut donné, pour le récompenser de ses services ; il en remplit les fonctions jusqu'à sa mort arrivée a Paris, l'an 1495 ; il fut enterré dans l'église des Filles-Pénitentes de cette ville. Henri de Marie avait épousé Jeanne, fille d'Adam de Cambray, premier président du Parlement de Paris. (Blanchard, Généalogies des maistrès des Requestes, in-fol., 1670, p. 180.)
4 Jean de La Réauté est nommé deux fois en qualité de membre du conseil royal sous Charles vu, en 1460 et 1461, dans l'histoire de ce roi, par M. de Beaucourt (t. VI, p. 312 n., 354) ; on ne le trouve pas auparavant.