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MCCCLXXIV

Rémission octroyée à Guillaume Rouil, dit Chabot, demeurant à Ménigoute, coupable du meurtre de Guillaume Barbier, qui avait séduit sa femme.

  • B AN JJ. 198, n° 401, fol. 366 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Guillaume Rouil, dit Chabot, pouvre homme de labour, demourant en la parroisse de Menigouste, chargé de femme et troys petiz enfans, contenant que, huit ans a ou environ, ledit suppliant fut conjoinct par mariage avecques Fransoise Dernaude. Tantost après [p. 387] lequel mariaige consommé, feu Guillaume Barbier, en son vivant cousturier, trouva façon de ceduire ladicte Françoise tellement qu'il la congneut charnellement par plusieurs foiz. Et depuis ce, c'est assavoir deux ans a ou environ, ledit feu Barbier fortrahy ladicte Françoise dudit suppliant son mary et la mena où bon lui sembla, et la tint avecques lui l'espace de deux moys ou environ ; et ce fait, ledit feu Barbier, voiant qu'il ne povoit plus entretenir ladicte Françoise, par ce qu'il n'avoit riens et aussi qu'elle s'en vouloit retourner à son mesnaige, icelle Françoise ramena audit lieu de Menigouste et la bailla audit suppliant, son mary, lequel la receut et lui pardonna, et aussi audit feu Barbier, l'injure qu'ilz lui avoient faicte, en leur suppliant que d'illec en avant ilz se gouvernassent honnestement, ce qu'ilz ne firent. Car ledit feu Barbier est tousjours depuis ledit temps alé et venu en l'ostel dudit suppliant et alentour d'icellui, pour avoir la compaignie de ladicte Françoise et l'a congneue charnellement par plusieurs foiz. Et avec ce ledit Barbier, voulant tousjours perseverer de mal en pis, le lundi douziesme jour du moys de juillet derrenier passé, se transporta en la maison dudit suppliant, lequel n'y estoit pas, mais estoit lui, sadicte femme, une nommée Marion Motelle et ung homme qui estoit à ses journées en ung champ, cuillant seigle, et ne trouva ledit Barbier oudit hostel que la chamberière dudit suppliant et ses troys petiz enfans. Et icellui jour, environ midi, ledit suppliant dist à sadicte femme qu'elle alast en son hostel querir à disner pour lui et les autres dessus nommez, ce qu'elle fist, et ala avecques elle ladicte Marion Motelle ; et quant elles furent ou grant chemin de Saint Maixent, elles se arrestèrent à Tendroit d'un quarrefour estant entre le chemin par où l'en va de Sanxay à Saint Maixent et le chemin par où l'en va de la Millefière à Malespine. Et alors ledit suppliant, voyant ce que dit est et pensant en [p. 388] lui mesmes que ledit feu Barbier estoit par plusieurs foiz jacté et vanté qu'il tueroit ledit suppliant et qu'il emmeneroit sadicte femme, doubtant que ledit feu Barbier et sadicte femme feussent ensemble et qu'ilz feissent leur entreprise pour eulx en aler, pour ce que lesdictes femmes s'estoient arrestées oudit quarrefour, et qu'ilz le voulsissent desrober, laissa de cueillir ledit seigle et s'en vint en chemise à travers les champs, pour aler en sa maison, sans ce qu'il eust avecques lui aucun baston de deffense ne autre. Et ainsi que ledit suppliant fut près du quarrefour de la Croix de la Barrye, en traversant ung champ pour abreger son chemin, il raencontra ledit feu Barbier qui avoit des pierres en sa main, lequel en gecta l'une contre ledit suppliant, en disant telles parolles ou semblables : « Villain, tu me viens espier ! Je regnie Dieu, se je ne te tué ». Et alors ledit suppliant se retourna et d'une palice qui estoit près de ladicte place print ung baston, duquel il voult frapper ledit feu Barbier, mais pour doubte des pierres que avoit ledit Barbier, il ne se osa aprocher dudit Barbier. Et lors ledit feu Barbier se approucha dudit suppliant et se prindrent au corps l'un l'autre, tellement que ledit suppliant mist icellui feu Barbier soubz lui ; et quant ledit feu Barbier fut dessoubz icellui suppliant, il tira de son sain ung petit poinson appartenant à cousturiers pour faire pertuiz, et dudit poinsson voult frapper par troys ou quatre foiz icellui suppliant en la poictrine ; mais ledit suppliant pour l'empescher mist la main au devant, tellement que ledit feu Barbier lui persa la main en troys ou quatre lieux et pareillement le corps. Et alors ledit suppliant, doubtant que ledit feu Barbier le navrast enormeement dudit poinson, osta audit feu Barbier ledit poinson ; et ce voiant, ledit feu Barbier print ledit suppliant aux génitoires et tellement qu'il compressa qu'il convint audit suppliant frapper ledit feu Barbier dudit poinson sur le col et le prendre à la gorge, [p. 389] lequel ledit suppliant lui estraignit tellement qu'il le laissa aler, et adonc se levèrent bras à bras, et laissa ledit suppliant ledit feu Barbier et print sondit baston, doubtant que ledit feu Barbier lui voulsist faire desplaisir de sa personne, et dudit baston frappa ung cop par my le front tellement qu'il rompit ledit baston en troys pièces, pour ce qu'il estoit poury ; duquel cop ledit feu Barbier cheut à terre, et depuis mort s'en ensuit. Après lequel cop ainsi baillé par ledit suppliant audit feu Barbier, doubtant que ledit feu Barbier se relevast et qu'il alast après lui, s'en retourna à son dit champ de seigle, sans aucunement regarder se ledit Barbier estoit blecié à mort ou non. Et pour ce que ledit jour au soir, les bergiers disoient avoir veu ung homme mort aux champs, ledit suppliant se retourna, le lendemain au matin, au lieu où il avoit frappé ledit feu Barbier, lequel il trouva mort, et lors l'osta du lieu où il estoit et le mist en ung buisson distant dudit lieu de deux lieues près ou environ. A l'occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s'est abscenté du païs et n'y oseroit jamais retourner ne y converser, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant, etc. Pourquoy nous, etc., à icelluy suppliant avonsquicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par cesdictes presentes, au seneschal de Poictou, etc. Donné à Saumur, ou moys de septembre l'an de grace mil cccc. soixante et deux, et de nostre règne le deuxiesme.

Ainsi signé : Par Ie roy, à la relacion du conseil. J. Dorchère. — Visa. Contentor. J. Du Ban.