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MCCXCI

Rémission donnée en faveur de Pierre Pompart, de Vasles, responsable de la mort d'un nommé Jean Vadier, qu'il avait frappé dans une rixe.

  • B AN JJ. 187, n° 180, fol. 93 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receu l'umble suplicacion de Pierre Pompart, de la parroisse de Vaalles en nostre pays de Poictou, contenant que, depuis certain temps ença, ledit supliant achata d'un nommé Pierre Ferron ung millier de late le pris et somme de treze solz quatre deniers, duquel argent ledit supliant paya et bailla lors audit Ferron la moité ; et certain temps après vint ledit Ferron dire audit supliant qu'il allast querir ladicte late. Lequel y ala et aussi y ala celui à qui [estoit] la maison où devoit estre mise icelle late, et bailla ledit Pompart cincq solz audit Ferron, et ne luy devoit plus que deux solz ung denier à cause du dit millier de late. Et luy monstra ledit Ferron icelle late qui estoit en ung tax, en disant qu'il en y avoit plus d'ung millier, lequel supliant dist qu'il n'en savoit riens ; et ne fut point lors comptée. Et sept ou huit [jours] après, ledit Ferron ala de vie à trespassement bien souldainement. Et après ledit supliant s'en ala à la vefve dudit Ferron, qui savoit bien qu'il avoit payé à son dit feu mary la dicte late, excepté lèsdictz deux solz ung denier, et luy dist qu'elle luy alast compter la dicte late, dont elle fut contente ; et s'en [alèrent] lui et la dicte femme au boys et comptèrent la dicte late et trouvèrent qu'il en failloit dudit millier ung cent et trente lates. [p. 68] Et incontinant icelle femme s'en ala devers Jehan Vadier, qu'elle pensoit qu'il avoit prins ce qu'il failloit dudit millier, pour ce qu'il disoit que son mary luy devoit de l'argent, et en la presence de plusieurs personnes, luy dist : « Vous avez prins ung cent et trente lates d'ung millier que mon mary avoit faictes à Jehan Pompart cy present. Baillez les lui ou nous les irons prendre. » Lequel Vadier dist qu'il n'en bailleroit point. Et adonc ledit suppliant, voyant que ledict Vadier ne lui vouloit bailler la dicte late, il ala luy, ladicte femme et le varlet dudit Pompart supliant, là où estoit icelle late ; et commença icellui supliant à compter les dites cent et trente lates qu'il failloit dudit millier. Et quant ledit Vadier vit que ledit supliant commençoit à compter, il se descendit de dessus ung chevallet à sier bois où il estoit, et print ung levier en sa main, et vint vers ledit supliant. Et incontinant que icelluy Pompart le vit, il luy demanda qu'il vouloit faire dudit levier, et ledit Vadier ne sonna mot et se print à la late que ledit supliant et son varlet comptoient, et dist audit supliant qu'il n'en auroit point. Et adonc ledit Pompart luy dist que sy auroit et qu'il laissast ledit levier. Lequel Vadier le mist à terre et derrechef ledit supliant se print à compter ladicte late, luy et sondit varlet, comme par avant. Et adoncques ledit Vadier s'efforça d'oster audit [supliant] et à son varlet ladicte late, et eurent ensemble plusieurs parolles injurieuses, et commencèrent à desmentir l'un l'autre, tant qu'ilz s'entrefrappèrent l'un l'autre du poing, et en ce conflict ledit Vadier print une late et en frappa le varlet dudit Pompart, supliant, au travers du bras, et ledit supliant print le levier que ledit Vadier avoit apporté, et le cuida frapper sur les espaulles ; maiz il le frappa sur l'oye, dont icelluy Vadier chey sur la dicte late et se relieva tantost, et dist audit Pompart qu'il n'auroit point icelle late, et la deust il garder jour et nuyt. Et incontinant iceluy supliant s'en ala aux autres personnes qui [p. 69] estoient bien près d'illecques, là où il avoit du feu, et ledit Vadier vint incontinant après luy et se coucha au pié d'une souché, sans prendre point de chapperon. Et luy dist ung nommé Simon Liege, qui illecques estoit, qu'il print sa robe et qu'il vensist au feu, dont il ne voult riens faire du premier cop. Toutesvoyes tantost après il s'aproucha du feu et print sa robe; et adoncques la femme dudit Ferron vint à luy et luy demanda de l'argent pour querir de l'autre late, s'il ne lui vouloit bailler celle là. Et adonc ledit Vadier luy demanda à emprunter de l'argent audict Simon Liege qui estoit en la presence, et ledit Simon Liege lui dist qu'il n'en avoit point. Et lors icellui Vadier dist à la dicte femme quelle alast faire compter ledit cent et trente lates et qu'elle les baillast audit supliant. Et incontinant la dicte femme ala faire compter icelle late à ung nommé Pierre Billerot et la bailla audit supliant. Et s'en alla le dit supliant à sa maison, et laissa ledit Vadier et autres illec. Et tantost après ledit Simon Lege et autres envoyèrent querir la femme dudit Vadier et luy distrent que son mary estoit bien malade, et lui enmenèrent en une charrète en son houstel, et ledit jour, environ minuyt, ala icelui Vadier, par faulte de gouvernement ou autrement, de vie à trespassement. Et incontinant furent prins et saisiz tous ses biens par la justice dudit lieu où il estoit demourant. Pour occasion duquel cas, ledit supliant, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du pays, auquel il n'oseroit jamès retourner, converser ni demourer, se nostre grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, ainsi qu'il dit. Et pour, ce nous a humblement fait supplieret requerir que, attendu cequedit est, que ledit supliant n'a pas esté agresseur, maiz ledit feu Vadier, et que en tous autres cas Ie dit supliant a esté et est de bonne fame et renommée, sans avoir jamès esté actaint ou convaincu d'aucun autre villain cas, blasme ou reprouche, il nous plaise sur ce luy [p. 70] impartir nostre dicte grace et misericorde. Pour quoy nous, les choses dessus dictes considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Pierre Pompart, supliant, avons, au cas dessus dict, quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre senneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys d'avril l'an de grace mil cccc. cinquante huit, et de nostre règne le xxxvie après Pasques.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Briconnet. —Visa. Contentor. Du Ban.