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MCCCXI

Rémission accordée à Jean de Puyguyon, écuyer, seigneur du Teil, pour les mêmes faits que les précédents.

  • B AN JJ. 188, n° 93, fol. 46 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et advenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Jehan de Puyguyon1 escuier, seigneur du Teil en Poictou, contenant que, le xiiiie jour de may mil cccc. cinquante huit, Jacques Jousseaume, aussi escuier, seigneur de la Geffardière, se transporta [p. 152] en l'ostel dudit supliant ouquel il ne le trouva pas, et pour ce dist aux gens et serviteurs d'iceluy supliant que, quant il seroit venu, ilz le feissent aler au lieu du Breuil Barret, où iceluy Jousseaume aloit, ainsi qu'il disoit, pour aider à prendre par justice au corps maistre Hector Rousseau et ses aliez et complices, et les mener prisonniers en nostre ville de Poictiers, pour ilec ester à droit et recevoir pugnicion de certains excès, crimes et malefices par luy commis et perpetrez, et que là se devoit rendre Mathurin Marot, substitut à Fontenay le Conte pour nostre procureur en Poictou, et autres noz officiers, qui de ce faire avoient commission de nostre seneschal de Poictou. Et tantost après arriva ledit suppliant en sondit hostel, où il trouva encores ledit Jousseaume, lequel lui dist ce que dessus est dit. Et incontinent icelui Jousseaume se mist à chemin et six ou sept compaignons, ses gens et serviteurs avec lui, pour aler audit lieu du Breuil Barret, ensemble ledit supliant et plusieurs autres. Et si tost qu'ilz furent arrivez devant l'ostel dudit maistre Hector, icelui maistre Hector et sesdiz complices tirèrent à l'encontre d'eulx plusieurs traitz d'arbalestes et de coulevrines, et en blecèrent aucuns. Et tantost après vit venir nostre amé et feal Mathurin d'Appellevoisin, chevalier, et plusieurs autres en sa compaignie, au devant duquel icelui supliant ala, et en y alant, frère Charles Rousseau2, frère dudit maistre Hector, le suivy tant qu'il peut, et quant il fut près de lui, dist à iceluy supliant telles paroles ou semblables : « Ha ! vilain, tu mourras ». Auquel ledit supliant deffendit qu'il ne se aprouchast point de luy, en lui deffendant sa personne, dont icelui Charles ne voult riens faire et print trois ou quatre grosses pierres, [p. 153] desquelles il frappa par plusieurs foiz ledit supliant, dont il le bleça très fort. Et après que ledit d'Appelevoisin fut ilec arrivé, ledit supliant le vit aler parler audit maistre Hector, et ledit Jousseaume et autres avec eulx. Auquel Rousseau ledit d'Appelevoisin dist qu'il avoit ilec esté envoyé pour le prandre et mener par devers nostre seneschal de Poictou ; lequel Rousseau lui respondit qu'il ne lui daigneroit faire obeissance ne aler parler à luy quelque mandement qu'il eust donné. Et lors ledit d'Appelevoisin dit derechief audit maistre Hector de se faire nostre prisonnier. A quoy iceluy Rousseau respondit en tele manière : « Fy du roy et de ton mandement », et disoit à iceluy d'Appelevoisin telz motz : « Ladre, pren tes cliquettes et t'en va à ta ladrerie », et plusieurs autres grans injures. Et aussi appela ledit Jousseaune, qui estoit avec ledit d'Apelevoisin : «  Vilain cordelier », en disant telles parolles : « Tu n'es pas des Jousseaumes, si non de bastardie, tu es filz du cordelier de la Basinette ». Pour lesquelles parolles et rebellions dudit Hector, ledit d'Apelevoisin voult entrer dedens ledit hostel dudit Rousseau, lequel Rousseau, pour à ce obvier, gettoit et fesoit getter grosses pierres et aussi tirer plusieurs traictz d'arbaleste et de coulevrines, dont furent bleciez ung nommé Maturin Herveau, Colas Martin et autres, et convint que lesdiz d'Appellevoisin et Jousseaume et ceulx qui estoient avec eulx se reculassent de ladicte maison. Et puis après, iceluy Hector appela ledit d'Apelevoisin et luy dist qu'il alast parler à luy à seurté, dont ledit d'Apelevoisin fut content et y ala ; et quant il fut près dudit Rousseau, iceluy Rousseau s'efforça de le frapper par la gorge d'une espée qu'il tenoit et l'eust tué, se n'eust esté sa salade qu'il avoit en la teste. Et après ce ledit d'Appelevoisin dist audit Rousseau qu'il se rendist prisonnier, ce qu'il ne voult faire, et atant s'en revint ledit d'Apelevoisin. Et environ souleil couché, vit ledit supliant arriver ilec ledit Mathurin Marot, en sa [p. 154] compaignie quatre compaignons, et si tost qu'il y fut arrivé, vint parler ausdiz d'Appelevoisin, Jousseaume, supliant et autres touchant la prinse dudit maistre Hector. Lesquelz recitèrent audit Marot les rebellions et desobeissances que avoit faictes ledit Rousseau. Et lors iceluy Marot dist aux dessusdiz qu'il convenoit prandre ledit Rousseau et que, pour ce faire, il avoit amené des sergens et autres gens, en les requerant de donner confort et aide ausdiz sergens, et mesmement à Guillaume Guerart, nostre sergent. Après lesquelles parolles, ledit Marot s'en ala et enmena ses chevaulx ou bourg dudit Breuil Barret, en l'ostel d'un nommé Ferret. Et après que ledit Marot s'en fut alé, ledit Guillaume, nostre sergent, se aproucha dudit maistre Hector, auquel en parlant, à lui fist commandement à haulte voix de par nous qu'il fist ouverture de sondit hostel et qu'il se voulsist rendre nostre prisonnier, et qu'il avoit mandement de le prandre. Auquel ledit Hector respondit qu'il ne se rendroit point à lui ne à nous prisonnier, en disant fi du roy, de la royne et de nostredit sergent, et que autresfoiz il avoit bien gouverné le vilain trippier Marot, et qu'il le gouverneroit encores mieulx. Et après, nostredit sergent dist à iceluy Rousseau qu'il le faisoit nostre prisonnier, en lui faisant tousjours commandement de faire obeissance et de se rendre prisonnier, dont il ne voult riens faire, et dist qu'il aimeroit mieulx vivre et mourir en ladicte maison que se rendre prisonnier, feust à nous ou à autre. Et cependant vit ledit supliant par les fenestres dudit hostel le feu tout ynde au dedens d'iceluy hostel, qui yssoit par le dessus des cheminées, lequel feu sentoit à souffre et pouldre de canon, en telle manière que on ne povoit ilec durer. Et tantost après ledit Rousseau, qui estoit sur ledit hostel, fut frappé au travers du corps d'un traict d'arbaleste. Et après ledit cas advenu et par raison d'icelui, informacion precedent, nostredit procureur en Poictou fist adjourner ledit supliant et lesdiz [p. 155] d'Appelvoisin, Marot, Martin et autres à comparoir en personne par devant nostre dit seneschal de Poictou, ou son lieutenant à Poictiers, etc... 3. Donné à Razillé, ou moys de may l'an de grace mil cccc. cinquante neuf, et de nostre règne le xxxviie.

Ainsi signé : Par le roy, en son conseil. Rolant. — Visa. Contentor. Chaligaut.


1 Sur un registre d'aveux rendus à Artur comte de Richemont, seigneur de Parthenay, pour les fiefs mouvant de la châtellenie de Mervent, a été transcrit celui de Germain de Vivonne, sr d'Aubigné, à cause de ses seigneurie, forteresse et dépendances de laChâtaigneraie, en date du 16 novembre 1446. Parmi les noms de ceux qui tenaient des arrière-fiefs sous l'hommage de ladite seigneurie de la Chàtaigneraie, on lit : « Item, Jehan de Puyguyon, seigneur du Puybretonnea (le Puy-Bretonneau, maison noble, commune de Saint-Mesmin, canton de Pouzauges), homme plain pour raison d'une borderie et autres choses assises en la paroisse de Montnoblet (Menomblet). » (Arch. nat., R1* 204, fol. 43 v°.) Dans un autre registre de la même époque, où sont inscrites les redevances dues au s'de Parthenay à cause de sa terre et seigneurie de Secondigny, se trouve cette autre mention : « Jehan de Puiguion, pour une borderie de terre appellée la Golardière, qu'il tient à hommage plein de Saint-Mesmin, xv. sols. » (Id., R1* 190, fol. 241.) Il s'agit très vraisemblablement dans ces deux textes du Jean de Puyguyon, qualifié dans nos lettres « seigneur du Teil en Poictou ». C'est le même encore que l'on trouve dans l'enquête faite, en 1439, par Adam Hodon, secrétaire du roi, commissaire en Poitou sur le fait des exempts et autres dudit pays et comté, parmi les nobles de la châtellenie de Pouzauges qui s'étaient soustraits, sans se faire excuser, au service qu'ils devaient au roi dans ses armées, et qui eut à payer pour sa part des amendes quatre livres dix sols. (Bibl. nat., ms. fr. 24160, fol. 37 v°.) Jean de Puyguyon, écuyer, seigneur du Puy-Bretonneau, était le troisième fils de Guillaume, seigneur de Puyguyon (lequel était, en 1380, sous la tutelle de son oncle, Jean de Puyguyon), et de Jeanne Racodet, fille de Renaud, sr de « la Barbote. » Il rendit aveu de sa borderie du Puy-Herbert au seigneur de Saint-Mesmin, et obtint du juge de Parthenay, le 5 septembre 1446, une sentence qui déboutait de sa requête Jean de Montfaucon, écuyer, seigneur dudit Saint-Mesmin, lequel prétendait que le métayer du Puy-Bretonneau était sujet au guet et à la garde du château de Saint-Mesmin. (Dict. des familles du Poitou, 1er édition, t. II, p. 568.) Jacques de Puyguyon, fils de Jean, obtint à son tour des lettres de rémission, le 20 janvier 1462, pour sa participation au meurtre d'Hector Rousseau ; elles sont publiées dans le présent volume, ci-dessous, n° MCCCLIII.
2 Charles Rousseau, religieux de l'ordre de Saint-Benoit (on ne dit pas à quelle abbaye ou à quel prieuré il appartenait), était aussi plaignant avec sa belle-sœur, Jeanne Rabateau, et son frère Albert, au procès intenté aux meurtriers d'Hector Rousseau. (Acte du 10 septembre 1463. X2a 30, fol. 195 v°.)
3 La suite comme aux lettres précédentes en faveur de Mathurin Marot, p. 149 ci-dessus.