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MCCCLVIII

Rémission octroyée à Louis Chesneau, de Mauléon, prisonnier à Aunay, pour le meurtre d'un compagnon qui, avec deux autres, avait pénétré dans sa maison et refusait d'en sortir.

  • B AN JJ. 198, n° 313, fol. 275 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receu l'umble supplicacion de la femme, enfans, parens et amys charnelz de Loys Chesneau, à present detenu prisonnier ès prisons d'Aunay en Poictou, contenant que, le samedi des jeunes des Quatre temps deux ans aura en caresme prochain venant, ledit Loys Chesneau, qui est natif de Mauléon et de l'aage de xxxvii. ans ou environ, se loua avecques ung sien cheval pour le jour avecques ung nommé Estienne Rochefort, queulx du seigneur de Paintièvre1, demourant audit lieu de Maleon, et devers le soir, environ heure de complie, ledit Loys, qui lors demouroit audit lieu de [p. 328] Mauleon, s'en vint en son hostel, ouquel il trouva sa femme et avecques elle deux compaignons, l'un nommé Colin Porret et l'autre Symon Bodin, lesquelz jouèrent et farsèrent avecques sa dicte femme, dont il ne fut pas content, et mesmement dudit Bodin, pour ce qu'ilz avoient eu autresfoiz debat ensemble. Et dist icellui Loys audit Bodin telles parolles ou semblables en effect : « Qu'es tu venu faire icy en ma maison et m'as amené telles manières de gens ? Je n'en suis point content et te commandé que tu t'en aille de ma maison, comment qu'il soit. Et tu scez bien que je te l'ay deffendue ». Et ledit Bodin dist audit Loys qu'il n'en ystroit point pour lui et qu'il bevroit et mengeroit avant que yssir dudit hostel, malgré lui. Lequel Loys lui dist que vraiement si feroit, et eurent illec ensemble grant debat, et tellement que ledit Loys print une espée qui estoit près d'ilec et la tira hors du forreau et dist audit Bodin qui s'en ystroit de son hostel, bon gré ou mal gré qu'il en eust. Lors ledit Bodin se print audit Chesneau et le gecta à terre et pareillement la table sur lui. Et tantost ledit Loys se leva, et quant il fut levé, se prindrent de rechief ledit Loys et Bodin et s'entrebatirent et frappèrent l'un l'autre tant que ledit Bodin blessa ledit Chesneau très enormeement. Ouquel debat estoit ledit Colin Porret qui incontinant tira sa dague ; et aussi y survint ung compaignon, dont ledit Loys ne scet le nom ne n'a congnoissance de luy, mais dit qu'il estoit vestu court et estoit assis devant la dicte maison, et se mist oudit debat ; se entrebatoient et frapoient l'un l'autre d'espées, de dagues, et frappa ledit Loys par plusieurs foiz sur eulx et eulx sur luy, et ce faisoit pour les mettre hors de son hostel, et fist tant qu'il les mist tous troys hors. Et oudit debat ledit Loys oyt que l'un des troys compaignons cria : « Haa ! je suis blecé ! » Et atant s'en alèrent tous troys, c'est assavoir lesdiz Porret, Bodin et ledit vestu court qui estoit survenu oudit debat, et ledit Loys Chesneau demoura en son [p. 329] hostel. Et tantost après on lui vint dire que ledit compaignon vestu court estoit mort. A l'occasion duquel cas ledit Chesneau, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du pays, jaçoit ce qu'il ne sache lequel d'entr'eulx donna ledit coup, et depuis certain temps ença a esté prins par justice dudit lieu d'Aunay, où il est detenu encores prisonnier en grand povreté et misère....2 se nostre grace et misericorde ne lui estoit sur ce impartie, comme les femme, enfans, parens et amys dudit Chesneau nous ont fait remonstrer, humblement requerant que, attendu ce que dit est et que ledit Loys Chesneau ne demandoit riens ausdiz Colin Porret et Simon Bodin, lesquelz estoient venuz avecques sa femme, qui estoit seule avecques ses enfans en son hostel, el ne s'en voult ledit Porret yssir dudit hostel, ains lui respondit que malgré lui il bevroit et mengeroit en sondit hostel, avant que yssir, etc., que ne donna point le cop audit vestu court, au moins qu'il sache certainement, et que en tous autres affaires ledit Loys a esté et est homme de bonne renommée, etc., il nous plaise nostre dite grace lui impartir. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Loys Chesneau avons oudit cas quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux bailly de Touraine, des ressors et Exempcions d'Anjou et du Maine, seneschaulx de Poictou et de Xantonge et gouverneur de la Rochelle, et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Saint Jehan d'Angely, ou moys de fevrier l'an de grace mil cccc. soixante et ung, et de nostre règne le premier.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Gauvigneau. — Visa. Contentor. Chaligaut.

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1 Jean II de Brosse, seigneur de Sainte-Sévère et de Boussac, devenu comte de Penthièvre par son mariage avec Nicole de Blois, dite de Bretagne. (Cf. ci-dessus, p. 38, note.)
2 Sic. Le copiste a omis ici tout un membre de phrase, que l'on peut facilement suppléer par les formulaires habituels des lettres de rémission, comme par exemple : « ès quelles il est en avanture de finer miserablement ses jours; se nostre grace... »