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MCCCLXIX

Rémission donnée en faveur de Gillet Savaton, marchand, demeurant à Germigny-Iès-Faye, qui, conduisant du sel à Thouars, avait frappé mortellement un nommé Pierre David ; celui-ci, se prétendant receveur du quart du sel, avait voulu le rançonner, sous prétexte qu'il n'avait pas d'acquit de cette taxe.

  • B AN JJ. 198, n° 357, fol. 313 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, parla grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Gilet Savaton, marchant, demourant en la ville de Germigny lez Faye, contenant que, ou moys de octobre mil cccc. soixante et ung derrenier passé, ledit suppliant avecques ung sien compaignon sur le fait d'aucunes marchandises d'uyles s'estoient transportez à Thouars, pour illec vendre leursdictes marchandises à certain jour de marchié, lesquelles pour lors ilz ne peurent totalement vendre ; pour quoy, pour mieulx avoir argent, se transportèrent en la ville de Mallevrier, pour illeques vendre leursdictes marchandises. Après la vendicion desquelles, ledit suppliant et son dit compaignon se transportèrent à Clisson, pour illecques acheter du sel pour le porter vendre audit lieu de Thouars, à la foyre qui y escheoit le jour saint Luc derrenier passé. Auquel lieu de Clisson ilz achetèrent la charge de quatre bestes de sel, et en eulx alant audit lieu de Thouars, sur le chemin ilz s'enquirent où ilz pourroient trouver des bresvetz pour l'acquict du quart dudit sel qu'ilz vouloient faire, ainsi qu'il estoit acoustumé de faire oudit païs. Et pour ceste cause se transportèrent à la Capinnière où est hostellerie publicque, à une lieue près dudit lieu de Thouars, pour ce qu'ilz n'avoient point trouvez lesdiz bresvetz au Sercuz, par où ilz [p. 371] avoient passez, qui peut estre environ six lieues près dudit Thouars. Et ainsi que ledit suppliant et son compaignon furent arrivez à ladicte Capinière, environ l'eure de six à sept heures après midi, le samedi prochain devant ladicte feste de saint Luc, qui est le xviiie jour dudit moys d'octobre, eulxestans en l'ostellerie dudit Capinière, en l'ostel de Jehan Dehut, après soupper, environ neuf heures de nuyt, survint ung nommé Pierre David, lequel se disoit commis pour lever l'argent du quart dudit sel, lequel demanda audit suppliant et à sondit compaignon où estoit le bresvet de l'acquit du quart dudit sel. Lesquelz respondirent que ilz n'en avoient point, mais qu'ilz estoient venuz à ladicte Capinière pour l'avoir, pour ce qu'ilz n'en avoient point trouvé audit Sercuz. Après lesquelles parolles, ledit David dist à l'oste dessus dit qu'il lui bailloit en garde les bestes dudit suppliant et de son compaignon et qu'il lui en rendroit compte. Sur quoy icellui suppliant et son compaignon lui respondirent qu'il se desistast de bailler lesdictes bestes en garde, car ilz estoient contens et vouloient bien paier l'acquit dudit quart de sel, en baillant par ledit David ledit brevet ; dont ledit David ne voult riens faire, et s'en ala ledit David en son hostellerie où il estoit logié, et ledit suppliant et son compaignon s'en allèrent coucher, parce que leurdit hoste leur dist que se ledit David survenoit, que il appoincteroit avecques lui pour eulx. Et ung peu après ledit suppliant estant en son lit avec son compaignon, vint à eulx leurdit hoste, environ heure de menuyt, lequel leur dist que depuis n'avoit peu appoincter avec ledit David et que pour ce, se ilz le creoient, ilz s'en yroient. Et lors ledit suppliant et sondit compaignon se levèrent de leur lit et s'apprestèrent pour eulx en aler. Et ainsi qu'ilz eurent mis leurs bestes hors de ladicte hostellerie, pour eulx en aler, ilz virent ledit David, acompaigné de troys ou quatre compaignons, lesquelz ledit suppliant et sondit compaignon ne congnoissent, qui avoient desjà chargé et emmenoient le [p. 372] sel d'icellui suppliant et sondit compaignon. Lequel sel n'avoit pas par icelluy suppliant et son compaignon esté deschargé en leurdicte hostellerie, mais l'avoient deschargé et mis en ung pré près d'illec, pour ce que on leur avoit dit que ledit David faisoit desplaisir à tous les compaignons qu'il ne congnoissoit et qu'il les rançonnoit. Et ainsi que ledit suppliant et son compaignon virent ledit David mener ledit sel et tenir en sa main une grande espée, si prindrent chascun d'eulx deux ou troys pierres et baston, comme une fourche par laquelle on bouté le boys au four, pour ce qu'ilz ne savoient quelles gens estoient lesdiz compaignons estans avecques ledit David, et aussi pour eulx deffendre, se ilz ne leur vouloient restituer ledit sel. Si s'en allèrent à eulx et dirent par telle manière : « Qui est là? » Sur quoy ledit David s'efforça de frapper de sadicte espée ledit suppliant et dist que, s'il y avoit homme qui s'aprochast, qu'il le tueroit, et commença à crier : « A l'aide au roy ! » Et quant iceulx suppliant et son compaignon virent que ledit David les avoit voulu et vouloit frapper de sadicte espée, si lui baillèrent ung cop de l'un de leurs bastons ou d'une pierre tant qu'il cheut ; et incontinant se departit icellui suppliant, pour s'en aler à leurs bestes, lesquelles il avoit laissées pour fouyr après ledit David. Pour laquelle bateure ledit David, assez tost après, ala de vie à trespassement. A l'occasion duquel cas ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s'est abscenté du païs et n'y oseroit jamais retourner, converser ne demourer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerant que, attendu ce que dit est, que ledit suppliant fist diligence au long du chemin de paier l'acquit pour ledit quart et de trouver aucune personne pour en avoir bresvet, ce qu'il ne trouva pas, et que à ceste cause il fut [allé] audit [lieu] de Clisson pour paier ledit acquit, et qu'il offry audit David, quant il vint à lui, de lui paier ledit acquit en luibaillant ledit bresvet, ce que ne voult pas faire ledit David, et que ce qui fist lever ledit suppliant et sondit compaignon pour « eulx en aler, affin que ledit David ne les trouvast pas, fut parce que leurdit hosteleur dist qu'il avoit acoustumé de faire desplaisir aux compaignons passans, quant il ne les congnoissoit, pour les rançonner, et que ledit suppliant ne frappast ledit David que doubtant que ledit David le voulsist tuer, parce qu'il avoit son espée toute nue, il nous plaise luy octroyer nosdictes grace et misericorde. Pour quoy nous, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, au seneschal de Poictou et à tous nos autres justiciers, etc. Donné à Champigny, ou moys de jung l'an de grace mil cccc. soixante deux, et de nostre règne le premier.

Ainsi signé: Par le roy, le sire du Lau present. Le

Prevost. — Visa. Contentor. J. Duban.