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MCCCLXXXIV

Rémission donnée en faveur de Micheau Charles, de la paroisse de Dangé près Châtellerault, coupable du meurtre de Raymond Gaudin qui lui avait cherché querelle.

  • B AN JJ. 199, n° 160, fol. 97 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Loys, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Micheau Charles, pouvre laboureur, naguères demourant avec son père en la parroisse de Dangé près Chastellerault, aagé de xxv. ans ou environ, contenant que, le xxiiiie jour de septembre l'an mil cccc. soixante et ung, ung nommé Raymond Gaudin, en venant de Bussières, se transporta devant l'ostel d'un nommé Macé Pageart près ledit lieu de Bussières, en ladicte parroisse de Dangé, et illec ledit Gaudin demanda qui estoit audit hostel. A quoy la femme dudit Pageart respondy que ledit suppliant y estoit. Et lors ledit Gaudin, qui entra dedens ledit hostel, demanda audit suppliant s'il s'en vouloit aler, lequel res- [p. 420] pondy que non. Adonc icellui Gaudin ala jusques à partie du chemin de sa maison et retourna en ladicte maison dudit Pageart, où estoit ledit suppliant, par deux foiz, en lui disant qu'il s'en allast et qu'il l'atendroit. Et ce voyant, ledit suppliant fut content de s'en aler, et alèrent ensemble jusques au carroy de feu Roux ; et illec ledit suppliant print congié dudit Gaudin, en lui disant qu'il s'en aloit chez sondit père. Mais icellui Raymond lui dist telles parolles ou semblables : « Demeure, tu t'en viendras soupper avecques moy ». Et quant ilz furent à la maison dudit Gaudin, ledit suppliant demanda qui y estoit. A quoi ledit Gaudin dist qu'il n'y avoit que André et Lucas Gaudins, ses enfans, et leurs femmes qui dormoient. Adonc ledit suppliant lui dist qu'il aloit veoir s'ilz dormoient, dont icellui Gaudin fut content, disant qu'il aloit mettre la nappe pour soupper. Et incontinent après, retourna ledit Gaudin ung baston en son poing et commança à frapper sur ses diz enffans, ledit suppliant non saichant pourquoy ; lequel, à ceste cause, dist audit Gaudin qu'il faisoit mal et qu'il sembloit que ce fust pour despit de lui. Lequel Gaudin jura Dieu que aussi frapperoit il sur lui et de fait le frappa sur la teste dudit baston. Lequel suppliant ce voyant, lui osta ledit baston. Et lors ledit Gaudin se print audit suppliant et regnia Dieu par plusieurs foiz, en disant telles parolles ou semblables : « Tu me tueras ou je te tueray », et appella ung sien filz et lui dist : « Viens à moy, et apporté le cousteau, et le tuerons ». Et lors ledit suppliant, qui estoit bien esbahy, dist audit Gaudin par plusieurs foiz qu'il le laissast aler, ce qu'il ne voult faire. Et ce voyant ledit suppliant et que sondit filz lui apportoit ledit cousteau, dist audit Gaudin qu'il le laissast ou qu'il le frapperoit, ce que ledit Gaudin ne voult faire, ains meu de mauvaise voulenté et perseverant en son mauvais et dampnable propos, lui couroit tousjours [sus] pour le oultrager et villenner, en attendant le cousteau que son- [p. 421] dit filz lui apportoit. Et pour obvier à ce et à la fureur dudit Gaudin, icellui suppliant lui bailla d'un sien cousteau, qu'il tira alors, sur le bras par deux foiz en lui disant : « Laisse moy » ; de quoy ledit Gaudin ne voult riens faire, perseverant tousjours en sa dampnable [voulenté] de le tuer. A quoy ledit suppliant, pressé dudit Gaudin, lui bailla soubz l'oreille de son cousteau dessus dit, dont icellui Gaudin cheut à terre ; et tantost après, par faulte de bon gouvernement ou autrement, ala de vie à trespassement. Pour occasion duquel cas, ledit suppliant, doubtant rigueur de justice, s'est absenté du païs et n'y oseroit jamais retourner, converser ne reppairer, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, si comme il dit, humblement requerant icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans, etc., audit suppliant avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement au seneschal de Poictou ou à son lieutenant et à tous noz autres justiciers, etc. Donné à Tours, ou moys de juillet l'an de grace mil cccc. soixante et troys, et de nostre règne le deuxiesme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil. Gauvigneau. — Visa. Gontentor. J. Duban.