[p. 173]

MCCCXVII

Rémission octroyée à Pierre de Lugny, chevalier, Payen et Briand Boutou, écuyers, ses neveux, Pierre Bonneau, écuyer, son gendre, et plusieurs autres, coupables du meurtre de deux hommes faisant partie d'une bande armée par Louis Fumé pour empêcher ledit de Lugny d'exercer le droit de rachat qui lui appartenait sur la seigneurie de Belleville près Sainte-Verge.

  • B AN JJ. 188, n° J 44, fol. 71
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de nostre amé et feal Pierre de Luigné1, [p. 174] chevalier, Paen Boutou2, Pierre Bonneau3, Brient Boutou, [p. 175] escuiers, Jehan Moreau, serviteur dudit Paen Boutou, [p. 176] Guillaume Raguin, Mathurin Viault4 et Guillaume Bonneau, contenant que ledit de Luigné, outre ses autres terres et seigneuries, est seigneur d'un hostel appellé de la Flocelerie, assis en la parroisse de Saincte Vierge près la ville de Thouars, à cause duquel hostel il a plusieurs hommes, vassaulx et subgetz, qu'ilz (sic) tiennent et ont acoustumé tenir, eulx et leurs predecesseurs, de lui plusieurs beaux domaines et heritaiges, les aucuns à foy et hommaige et droit de rachact, selon la Coustume du païs, et les autres à cens, rentes et devoirs ; et entre autres, estoit homme de foy lige feu Jaques de Dercé5, en son vivant seigneur de Saint Lou, à cause de la femme dudit de Luigné, suppliant, pour raison d'un hostel appellé Belleville, assis près ledit lieu de Saincte Vierge et environs, tenu dudit de Luigné, à cause de son dit hostel de la Flocelière, et soubz lequel hommaige dudit de Dercé, part prenant, par mettant ou autrement, estoient et sont tenuz certains autres doumaines et heritaiges assis près ledit lieu de [p. 177] Saincte Vierge ou environ, dont se dit et porte seigneur maistre Lois Fumé6; par le trespas duquel de Dercé, ledit [p. 178] de Luigné suppliant ait droit, par la coustume du païs de Thouarçois, de prendre, par faulte de homme ou droit de rachapt, les fruiz, proufiz, revenues et emolumens de tous et chacuns les dommaines et heritaiges tenuz en foy et hommaige de lui par ledit de Dercé, et de tous autres qui se tenoient soubz ledit hommaige, part prenant, part mettant, en parage ou autrement; et ledit droit par deffault d'omme ou droit de rachat ledit de Luigné, par le trespas dudit feu de Dercé, volt prandre et faire prandre et lever, et à ceste cause envoya de ses gens et serviteurs sur lesdiz dommaines et heritaiges, lesquelz lui firent savoir que ledit Fumée les empeschoit à lever les fruiz ; et pour ce icellui de Luigné, qui est demourant en ung sien hostel appellé Boisbretier, voulant joir de ses droiz et pourveoir à son cas, fist savoir ausdiz Boutouz, qui sont ses nepveuz à cause de sa femme, et audit Pierre Bonneau, qui a espousée sa fille, qu'ilz se rendissent à lui audict lieu de Saincte Virge, pour l'acompaigner et avoir leur adviz et conseil de la forme et manière comment il se conduiroit touchant ledit empeschement ; lesquelz se y rendirent et eurent plusieurs paroles avecques la femme dudit Fumée et autres de ses parens et amis, pour le fait des fruiz et levées des choses tenues dudit chevalier, suppliant, à hommaige, qui pretendoit à lever tant par deffault d'omme que par droit de rachapt ; et poury veoir et en ordonner amiablement, deputèrent entre eulz Jacques Rouault7, elie- [p. 179] valier, et Pareeval d'Appellevoisin8, escuier, qui eurent plusieurs paroles de traictié avec les parties, mesmement ledit d'Appellevoisin, et y eut plusieurs journées et assignacion entreprinses sur ce, mais ilz ne les peurent mettre d'acord, car de la part de la femme dudit Fumée et ses amis ne fut obey ne comparu aux jours et heures entreprinses sur ce, sur la forme dudit traictié, et le firent rompre par ung nommé maistre Jehan Chiché9, qui estoit du conseil dudit Fumé. Et pendant et durant le temps que ledit de Luigné se attendoit que on traictast dudit debat, il fut adverti que la femme dudit Fumée avoit assemblé gens de divers estatz, qu'elle avoit envoiez, armez et habillez de vouges, haches, arbalestres, arcs, trousses, fourches de fer, espées et autres armes invasibles et deffendues, aux dommaines et heritaiges tenuz en et soubz ledit hommaige, pour prandre et emmener reaument et de fait les blez creuz en iceulx, que ledit de Luigné pretendoit à lui appartenir par deffault d'omme ou droit de rachapt, comme dit est, et que jà ilz en avoient emmené grant quantité de gerbes, combien qu'il n'eust jamaiz [p. 180] pensé qu'ilz eussent fait. Laquelle assemblée venue à la notice dudit de Luigné, icellui de Luigné, voulant garder ses droiz et possession, acompaignié des dessus nommez et de leurs varletz et serviteurs, jusques au nombre de dix ou douze personnes, dont il y avoit trois paiges, habillez seulement un chacun d'eulx de leurs espées et dagues, fors l'un qui avoit une faulx à fauclier emmanchée au revers, qu'il print en ung villaige, et ung autre une fourche de fer, et ung autre une arbaleste qu'il print pareillement en ung villaige, garnie d'un ou de deux materaz seulement, sans autre traict, pour ce que on leur dist que les gens dudit Fumée avoient bastons ferrez, se partirent dudit lieu de la Flocelière, pour aler sur les lieux veoir se la femme dudit Fumée avoit prins et fait prandre et emmener lesdiz blez ; et en y alant, yssirent de la maison dudit Fumée, où ilz avoient mis lesdictes gerbes, Guillaume Aubery, filz de la femme dudit Fumée, en son prepoint, ayant en sa main une hache, ung nommé Julien Guyneau10, ayant aussi en sa main une fourche de fer, Jehan Guesdon, prestre, tenant en sa main ung vouge, Pierre Martineau11, dit de la Saulvagière, ayant une fourche de fer, Marquis Mestivier, une arbaleste, le Bonnetier de Thouars, ung arc et une espée à deux mains, et autres jusques au nombre de douze à treze personnes, lesquelz mal esmeuz sortirent au devant des gens et serviteurs desdiz de Luigné et Boutouz, qui venoient de ladicte maison dudit chevalier droit au champ [p. 181] où estoit lors le debat ; et estoint lesdiz de Luigné et Boutouz assez loing de leurs gens, et eurent certaines paroles arrogantes ensemble pour occasion dudit blé. Et veans lesdiz de Luigné et Paen Boutou, supplians, qui sont bien nobles gens, que par le moyen des dictes paroles pourroit sortir debat et que grans inconveniens s'en ensuveroient, leur disrent et crièrent par plusieurs foiz qu'ilz ne feissent point de noise, et se mist ledit de Luigné entre deux pour empescher ledit debat de tout son povoir, mais lesdiz supplians ou aucuns d'eulx et ceulx dudit Fumée se escliauffèrent telement qu'ilz frappèrent les ungs sur les autres, et fut ledit Pierre Bonneau, suppliant, frappé et blecié sur l'ueil ; aussi fut son varlet et autres ; et commancèrent à frapper ceulx de la part dudit Fumée, et reculèrent les gens dudit de Luigné, supplians, [lesquelz] eulx veans ainsi bleciez et qu'ilz s'efforçoient de les villainer et injurier de leur povoir, se misdrent de leur povoir tous ensemble en deffense, et l'un de ceulx dudit Fumée voult frapper ledit de Luigné d'une fourche, mais il recueilli le coupt d'un petit baston qu'il avoit et lui osta sadicte fourche, moyennant sadicte dague qu'il tira, de laquelle fourche il se deffendi et frappa à la chaude comme les autres. Et à ce conflict en eut plusieurs blecez d'une partie et d'autre, et telement que pour les coups qui furent donnez audit Guedon, prestre, qui estoit en prepoint et avoit ung vouge en sa main, il chey à terre, et incontinant fut confessé et emmené hors d'ilec, et tantost après ala de vie à trespassement. Et aussi fut telement batu ung nommé Pierre Martineau, dit de la Sauvagière, qu'il ala incontinent de vie à trespassement ; et en y eut plusieurs autres blecez en diverses parties de leurs corps; aussi furent ilz blecez, de la part dudit de Luigné, jusques au nombre de quatre ou cinq, et les aucuns d'eulx l'avoient esté paravant qu'ilz se meissent en deffense. A l'occasion desquelz cas ainsi advenuz que dit est, qui ont esté faiz en chaude cole, les- [p. 182] diz supplians, doubtans rigueur de justice, se sont absentez du pays et ny oseroient jamais retourner, se nostre grace et misericorde ne leur estoient sur ce imparties, ainsi qu'ilz nous ont fait dire et remonstrer, en nous humblement requerant que, attendu ce que dit est, que ledit cas est advenu en chaulde cole, et furent aggresseurs et assaillans ceulx de la part dudit Fumée, et que ledit de Luigné avoit juste cause de vouloir empescher que on ne emportast les blez qui lui appartenoient, que lesdiz supplians ne furent oncques actaincts d'aucun villain cas, blasme ou reprouche et ont tousjours vescu doulcement entre leurs voisins, il nous plaise nosdictes grace et misericorde leur impartir. Pour quoy nous, etc., ausdiz supplians et à chacun d'eulx ou cas dessusdit avons quictié, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, à nostre seneschal de Poictou et à tous noz autres justiciers, etc.12. Donné à Champigny, ou [p. 183] mois d'aoust l'an de grace mil cccc. cinquante et neuf, et de nostre règne le xxxviie.

Visa : Par le roy en son conseil. A. Daniel, scriptor. — Contentor.

[p. 184]

1 On trouve ce nom écrit tantôt Lugné, Luigné, Leugné, tantôt Lugny, Luigny, Leugny. La localité dont cette famille poitevine a pris le nom paraît être Leugny. Aux XIVe et XVe siècles, on la trouve établie entre Thouars et Niort. Guillaume de Lugny, écuyer, prêta serment de fidélité à Jean Chandos, à Saint-Maixent, le 28 septembre 1361. (Bardonnet, Mém. de la Soc. de statistique des Deux-Sèvres, 2e série, t. VI, 1866, p. 241.) Le même (son nom est écrit Luigné) rendit au prince de Galles, le 30 août 1364, l'aveu de ses hébergement, maison, verger, etc., sis à Faye, mouvant de Saint-Maixent. (Arch. nat., P. 1145, fol. 107 v°.) Le Bois-Berthier (commune d'Echiré) où Pierre de Luigné faisait sa plus habituelle résidence, fut, ce semble, dès la fin du XIVe siècle, le principal fief des Lugny. Beaucoup d'aveux nous en ont été conservés pour le XVe siècle. Le 20 avril 1407, Jean de Luigné, chevalier, rendit aveu à Jean duc de Berry et comte de Poitou de son hébergement de Boisbertier et autres fiefs mouvant de Niort. (Arch. nat., R1* 2172, p. 1024.) Sa veuve Marguerite Chauvereau, le 8 juin 1414, procéda à la même cérémonie, en qualité de tutrice de leurs enfants, Aubert, Pierre et Jeanne (P. 1145, fol. 6 v°) ; le 23 avril 1420, autre aveu à Charles dauphin, comte de Poitou, par Aubert, fils aîné de Jean. (Id., fol. 8.) Celui-ci mourut sans doute sans postérité, et Bois-Berthier passa à son frère cadet Pierre, qui en fit hommage au roi le 23 novembre 1451 (P. 5661, cote 2812); il était d'ailleurs qualifié déjà seigneur de Bois-Berthier, le 12 juillet 1432, lorsqu'il rendit à Artur de Richemont, seigneur de Parthenay, l'aveu de différents petits fiefs sis en la ville et paroisse d'Echiré, parmi lesquels le Champ Ravart, contenant trois sexterées de terre, le Champ de la Barre, d'une contenance de trois minées, trois autres sexterées de terres sises à la Couture-d'Echiré, un hébergement et ses appartenances, appelé les Champs, le fief de la Sablière consistant en terre arable et en vignes. (Acte passé à Benet, Arch. nat., R1* 190, fol. 160 v°.) Comme il est dit ci-dessous que Payen et Briand Boutou étaient ses neveux à cause de sa femme, il est à présumer que Pierre de Lugny avait épousé Marguerite, fille de Jean Boutou et de Sibille Voussard. C'est sans doute son fils, aussi prénommé Pierre, qui donna, le 7 novembre 1483, le dénombrement de la seigneurie du Bois-Berthier, comprenant le « Chaigneau, Pouligné et Pousaus ». (P. 5543, cote 359.)

2 La généalogie de la famille Boutou, imprimée dans la nouv. édit, du Dictionnaire des familles du Poitou, contient de graves erreurs en ce qui concerne les personnages nommés ici et leurs parents. La vérité est que Pierre Boutou, seigneur de la Baugissière, qui servit sous Richemont et fut capitaine de Maillezais, avait épousé Louise de Payré, fille de Hugues, seigneur de Payré-sur-Vendée, qu'il en eut trois fils : Payen, l'ainé (nommé quelquefois Poinsonnet), Pierre et Briand, et qu'il était mort avant le mois de septembre 1467, époque où sa veuve et ses enfants furent victimes de sauvages agressions et de violences sanglantes de la part de leurs voisins, Pierre Rincent (Raincent ou Rainxent), sr de la Vergne, de ses trois fils et d'une bande de vingt des plus mauvais sujets de la région. Après le décès de leur père, Payen s'était fixé a la Baugissière, dont il était devenu seigneur, et suivait la carrière des armes; Pierre et Briand résidaient à Payré, auprès de leur mère, dont ils surveillaient les intérêts. Le dimanche 6 septembre 1467, les Rincent, y compris le bâtard Philippe et leurs complices, armés de pied en cap, se transportèrent de bon matin en l'église de Payré, où Pierre Boutou, écuyer, 2e fils de Louise de Payré, avec un serviteur du sr de la Grève, nommé Pierre Pellisson, se proposaient d'entendre la messe. Ils les firent sortir, les entraînèrent dans le cimetière et commencèrent à les assaillir et à les frapper à coups d'épée. Le bâtard Philippe Rincent en particulier porta à Pierre Boutou un coup de vouge à la tête jusqu'à effusion de sang. Sur ces entrefaites, des gens revenant de la procession séparèrent les combattants et empêchèrent les agresseurs de poursuivre leur mauvais dessein. Le jour même, à quatre heures après midi, la bande des Rincent quitta une seconde fois l'hôtel de la Vergne, distant d'une demi-lieue de Payré, et revint à la charge contre Pierre Boutou, qui jouait à la paume non loin de l'église, criant à travers le village : « A mort, à mort! tuez, tuez! » frappant tous ceux qu'ils trouvaient sur leur passage, et entre autres Briand Boutou et un nommé Moreau. Briand reçut des blessures sur la tête, au cou, à la face, eut une main coupée et resta sur la place plus mort que vif. Deux de ses serviteurs, Jean Robin fut blessé en deux endroits de la tête, et Jean Roy eut une joue enlevée et un œil arraché. Les jours suivants, les forcenés promenèrent leurs ravages dans le voisinage, s'attaquant aux biens de Louise de Payré, détruisant de fond en comble un de ses colombiers.

Le dimanche après la Saint-Michel, 3 octobre, une nouvelle agression se produisit dans les mêmes conditions. Pierre Boutou, accompagné de Pierre Pellisson, entendait la messe à Payré, sans armes. Les Rincent et leurs complices se jettent sur lui et vont l'entraîner hors du cimetière, pour le tuer hors lieu saint. L'arrivée de plusieurs paroissiens les empêche une seconde fois d'exécuter leur criminel projet. Ils revinrent en force dans l'après-midi, trouvèrent Pierre Boutou jouant à la paume et l'assaillirent sur-le-champ. Heureusement pour lui, il eut le temps de se réfugier avec les autres joueurs dans l'hôtel de sa mère. A ce moment, Briand rentrait de voyage, ne se doutant de rien. Ce fut lui encore qui reçut le choc; les misérables l'abattirent sur le soi et le transpercèrent de vingt-sept coups d'épée, de dague, de vouge, etc. Puis ils tentèrent d'envahir l'hôtel de Louise de Payré; mais les gens qui y étaient entrés avec Pierre les repoussèrent. Le lendemain, sur le bruit que le seigneur de Bressuire, cousin des Boutou, s'était mis en route pour s'emparer des coupables, ceux-ci trouvèrent moyen de se mettre en sûreté. Cependant des poursuites furent exercées contre eux par le sénéchal de Poitou. Pierre Rincent, sr de la Vergne, le père, n'avait pas pris une part effective aux lâches agressions; mais il fut convaincu de les avoir favorisées et condamné à de fortes amendes envers les victimes. Il en appela au Parlement, et les procédures devant la cour durèrent plus de quatre ans. Le 9 mai 1468, Pierre Rincent était déchu de sa cause d'appel par défaut de comparoir; mais il trouva moyen de se faire relever de cette déchéance. Ce fut seulement le 16 mars 1471 que Louise de Payré, Briand Boutou et leurs serviteurs obtinrent un arrêt confirmant la sentence du premier juge : Rincent était condamné à payer à Briand Boutou 50 livres de rente perpétuelle, plus 400 livres de dommagesintérêts audit Briand, 200 livres à Louise de Payré, 200 livres à Jean Roy, 100 à Jean Bobin, et 400 livres d'amende envers le roi. Les plus coupables, c'est-à-dire Briand, Pierre et Philippe Rincent (ce dernier bâtard), Jean Laurenceau et Raoul Legendre, avaient réussi à échapper à la juste punition de leurs forfaits. Condamnés par défaut en la cour du sénéchal, ils avaient aussi relevé appel de cette sentence. Un décret de prise de corps avait pu être mis à exécution (8 février 1471), au moins contre Briand et Philippe Rincent; mais, enfermés à la Conciergerie, ils avaient encore trouvé moyen de s'évader. Un nouveau mandat était décerné, le27 février 1472, pour les appréhender, mais sans succès. On ne les revit plus. Le 14 août suivant, la cour déclara les contumaces définitivement déchus de leur appel, et la sentence par défaut du sénéchal de Poitou exécutoire. En attendant, l'arrêt du Parlement contre Pierre Rincent, le père, n'était pas encore exécuté au milieu de l'année 1472; il était mort avant le mois de mai 1471 ; Louise de Payré succomba à son tour dans les derniers mois de cette année. Le 30 janvier et le 24 août 1472, Payen et Briand Boutou, écuyers, se faisaient délivrer par la cour des mandements adressant à Jean Laidet, lieutenant du sénéchal de Poitou à Niort, pour la mise à exécution de l'arrêt du 16 mars 1471, à défaut de Pierre Rincent décédé, contre sa veuve, Guillemette Beschade. (Arch. nat., X2a 36, fol. 26, 107, 239 v°; X2a 37, plaid. aux dates des 10 juillet 1470, 19 février et 4 avril 1471 ; X2a 38, fol. 10, 23, 24 v°, 27 v°, 33 v°, 50 v°, 59, 63, 147 v°, 156 v°, 201.)

3 Pierre Bonneau, écuyer, seigneur de Saint-Michel-le-Clou, sur lequel cf. ci-dessus, p. 28 note. Guillaume Bonneau, nommé deux lignes plus bas, était sans doute son parent; nous n'avons pu déterminer à quel degré.

4 On retrouve plus tard Mathurin Viault exerçant à son tour des poursuites au Parlement contre frère Pierre de Vernou, abbé de Mauléon, André Vignerot, religieux de ladite abbaye, Pierre Herpin, écuyer, et Pierre Galland, sergent royal, pour raison de certains cas criminels. Le 22 août 1485, après interrogatoire par eux subi devant les conseillers commis à l'instruction de leur procès, sur le rapport de ceux-ci et conformément aux conclusions du procureur général, les intimés furent élargis partout, à condition de se représenter à toute réquisition sub pena convicti et sous les autres peines accoutumées. Ils firent élection de domicile à Paris, en l'hôtel de Me Jean Nontron, procureur. (Arch. nat., X2a 48, la date.) Cette affaire se termina sans doute à l'amiable.

5 Jacques de Dercé, chevalier, seigneur de Saint-Loup et de Dercé, fils de Jean de Dercé, tué à la journée des Harengs, et de Marquise Goulard. La nouvelle édition du Dictionnaire des familles dit Poitou cite un très grand nombre d'actes relatifs à ce personnage et à ses sept enfants, trois fils et quatre filles, et dit qu'il avait épousé Catherine Rouault (t. III, p. 74, 75). Or il semble résulter d'un passage du plaidoyer prononcé au Parlement, le 31 janvier 1460 n. s., pour obtenir l'entérinement de la rémission accordée à Pierre de Lugny et à ses complices, que la femme de celui-ci s'appelait aussi Catherine Rouault, et que c est à elle qu'appartenait la terre et seigneurie de Belleville, dont il est question ici. (Arch. nat., X2a 28, à la date.) La phrase n'est du reste pas claire et il se peut que ce soit une erreur commise par le clerc du greffe, et qu'il faille corriger « femme dudit Jacques de Dercé ».

6 Bien que son nom se trouve écrit ailleurs Fumée, il n'appartenait pas à la famille Fumée (des Roches-Saint-Quentin, en Touraine), dont quelques membres s'allièrent à des familles poitevines, mais à une famille d'Anjou, établie au XVe siècle en Poitou, confirmée dans sa noblesse en 1475, et dont plusieurs membres ont figuré dans l'échevinage de Poitiers et dans la magistrature. (Maintenues de noblesse, etc., publ. par M. A. de la Bouralière, Arch. hist. du Poitou, t. XXII, p. 330; Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. III, p. 627.) Louis Fumé, licencié ès lois, avocat au Parlement de Paris, était le second fils de Colin Fumé, seigneur de la Pierrière, et de Jeanne Le Bascle. Il partagea noblement avec son neveu Pierre, fils de Nicolas, son frère aîné, le 13 avril 1463, et rendit aveu en 1469 au sr de Parthenay pour le fief des Bazilières ou Bazières. Sa veuve, Jeanne Bruère, fit le même aveu en 1476. (B. Ledain, La Gâtine historique, p. 368.) Le 25 octobre 1475, Louis obtint une sentence contradictoire des commissaires du roi pour le fait des francsfiefs et nouveaux acquêts en Poitou, par laquelle il fut déclaré qu'il avait justifié suffisamment de sa noblesse. En 1443, on le trouve châtelain de Bressuire, où il avait été nommé par Louis d'Amboise, vicomte de Thouars, pour tenir les plaids de la châtellenie pendant le temps que dura le rachat advenu audit vicomte par la mort de Guy de Beaumont. (Arch. des Deux-Sèvres, chartrier de Saint-Loup,E. 1641.) Après avoir été longtemps au service du vicomte de Thouars, longo temporis spatio, il se brouilla avec son maître et fut obligé de demander protection au Parlement contre lui. Louis d'Amboise lui reprochait de n'avoir pas défendu ses intérêts dans un procès qu'il soutenait contre le duc et la duchesse de Bretagne, et dans une contestation que la vicomtesse de Thouars avait eue avec son frère, le sr de Rieux, au sujet de la succession de leur père; il l'accusait même d'avoir suborné des témoins, qui auraient fait, à son instigation, une déposition mensongère en faveur du duc de Bretagne. Aussi il l'avait pris en haine et à plusieurs reprises l'avait fait menacer par ses officiers. Pour se soustraire aux projets de vengeance de son ancien maître, Louis Fumé était resté trois ans sans oser paraître à Thouars ni aux environs, où se trouvaient sa femme, ses enfants et ses possessions. Faute de surveillance, ses domaines tombaient en ruine. Il obtint, le 4 septembre 1456, des lettres de sauvegarde du roi et un sauf-conduit de la cour, qui furent signifiées par un sergent royal au vicomte et à ses officiers. Celui-ci, de son côté, se fit délivrer une commission, adressée aux sénéchaux de Poitou et de Limousin, et au bailli de Touraine, leur enjoignant d'exercer des poursuites pour subornation de témoins contre son adversaire, de saisir ses biens et de l'incarcérer à Poitiers. Sur une nouvelle requête de Louis Fumé, la cour commit un de ses membres pour faire défenses expresses, sous des peines sévères, au vicomte et à ses gens, de no rien entreprendre au préjudice des procès pendants devant elle et des lettres octroyées à son adversaire, et en même temps pour s'informer secrètement si les accusations du vicomte paraissaient avoir quelque fondement. (Mandement du 23 juillet 1457, Arch. nat., X2a27, fol. 271.) Louis Fumé attribuait à la vengeance du vicomte de Thouars les mauvais traitemements dont il avait été victime de la part de Pierre de Lugny et de ses complices ; du moins il le donne formellement à entendre dans une plaidoirie, dont il sera question quelques pages plus loin, qui fut prononcée en son nom, le 31 janvier 1460, pour s'opposer à l'entérinement des présentes lettres de rémission.

7 Jacques Rouault, chevalier, était le 2e fils de Jean Rouault, seigneur de Boisménart, chambellan du roi, tué à la bataille de Verneuil, et de Jeanne Du Bellay, dame du Colombier, sa femme, et le frère cadet de Joachim, sr de Gamaches, créé maréchal de France au début du règne de Louis XI. Jacques était seigneur de Riou, de Greffier et du Pressoir-Bachelier, bailli de Caux en 1461. Aux dates du 3 et du 26 août 1482, il était poursuivi au Parlement, ainsi que ses deux fils, Louis et Jacques Rouault, Jean Bérault et autres leurs complices, par François d'Aubigné, écuyer, seigneur du lieu, en cas d'excès et attentats. Jean de Canlers, conseiller, fut chargé par la cour d'instruire cette affaire. (Arch. nat., X2a 45, aux dates susdites.) Le 10 septembre 1485, Jacques Rouault fit une fondation de messe et élection de sa sépulture dans l'église des Cordeliers de Thouars, à l'exemple de son épouse, Anne de Châteaubriant, de Tristan vicomte de Thouars, de Joachim son frère, et de Jeanne Du Bellay, leur mère.

8 Perceval d'Appelvoisin, 5° fils de Louis d'Appelvoisin, chevalier, seigneur de Chaligné et de Pugny, et de sa 3e femme Perrette Mignot, veuve de Jean Gendrot. Nous avons parlé dans notre précédent volume, p. 90-91, note, de ses démêlés avec Jean Gendrot, de Thouars, qu'il accusait d'avoir détourné la riche succession de sa sœur utérine, Colette Gendrot, veuve sans enfants de Jean Labbé. Perceval était seigneur de Sceaux, la Roche de Maupertuis, dont il rendit aveu au seigneur d'Airvault, le 23 novembre 1445, de Pugny, de Pierrefitte, de Bournezeaux, de Marnay et du Bouchet, qu'il tenait du vicomte de Thouars, auquel il en rendit hommage le 14 juillet 1470. (Cf. Beauchet-Filleau, Dict. des familles du Poitou, 2e édit., t. Ier, p. 87.)
9 Jean Chiché est mentionné en 1439 comme seigneur de Garsay en Chanteloup, de la Touche-Barré et des Roches-Guiton, arrière-fief relevant de Noireterre. (Bélisaire Ledain, Hist. de la ville et baronnie de Bressuire, in-80, 1866, p. 412.)
10 Sur le registre du Parlement (X2a 28, à la date du 31 janvier 1460 n. s.), ce nom est écrit Guenyau. Dans leur plaidoirie, Lugny et ses complices citent aussi parmi leurs adversaires « Mre Guy Gueniau, aussi armé d'une voulge ». A cette époque, les Guyneau étaient seigneurs de Riparfond. Cf. l'aveu rendu, en 1447, au seigneur de Bressuire par Nicolas Guyneau d'un quarteron de terre desherbergée, appelée les Sourdis, faisant partie des terres de la métairie de la Basse-Givre. (Arch. des Deux-Sèvres, chartrier de Saint-Loup, E. 1566.)
11 En 1446, Jean Martineau et, en 1493, Colas Martineau rendaient aveu du fief de la Salle-Guibert, paroisse de Tessonnières, près Saint-Loup. (Id., E. 1616, 1650.)

12 Louis Fumé et les héritiers des deux victimes, Thomas Martineau et Pierre Guesdon,formèrent opposition à l'entérinement de ces lettres de rémission et s'inscrivirent en faux contre la façon dont les faits y étaient rapportés. D'autre part, Pierre de Lugny et ses complices avaient des intelligences parmi les officiers de la sénéchaussée de Poitou qui devaient examiner les lettres royales et se prononcer au sujet de leur mise à exécution. N'étant pas absolument sûrs que le lieutenant général Hugues de Conzay, qui devait occuper le siège, leur fût favorable, ils avaient réussi à faire commettre à sa place Claveurier, l'un des fils sans doute de Maurice Claveurier, lui-même lieutenant général du sénéchal, décédé à la fin de mai 1455. Le procureur du roi était absent; « n'y avoit que son substitut qui n'en faisoit pas grant compte, et l'avocat du roy, qui est en même temps seneschal de Thouars, et avoit esté en partie cause de faire avoir ladite remission ausdiz Luigny et complices ». Aussi Fumé, qui était avocat en Parlement, usa de son crédit pour se faire délivrer des lettres d'anticipation portant que la cause serait déférée à la cour.

Les plaidoiries eurent lieu les 31 janvier et 7 février 1460 n. s. Fumé, d'après Popaincourt, son avocat, était un homme notable, très occupé comme avocat au Parlement, ayant comme clients plusieurs grands seigneurs de Poitou et d'autres pays, possédant, tant à cause de lui que du chef de sa femme, de quatre à cinq cents livres de rente annuelle et diverses seigneuries, parmi lesquelles Belleville, voisine d'une terre de Pierre de Lugny. Des contestations s'étaient élevées autrefois déjà entre eux, à cause de ces terres, et, à l'occasion d'excès commis par Lugny et ses gens contre Louis Fumé, ses serviteurs et biens, celui-ci avait obtenu des lettres royaux ordonnant une enquête, puis la comparution personnelle de Lugny devant le lieutenant du bailli de Touraine à Chinon. De son côté, sous prétexte que le fief occupé par Fumé à Belleville lui appartenait, ou du moins était tenu de lui, Lugny intenta des poursuites contre celui-ci. Quant aux faits qui nécessitèrent les lettres de rémission, voici comment Popaincourt les rapporte. Une première fois, Pierre de Lugny, accompagné de quelques hommes, se rendit sur une pièce de terre dépendant du fief litigieux et voulut en emporter la récolte. Guillaume Aubry, fils d'un premier lit de la femme de Fumé, avec quelques autres personnes, s'y opposa et, esquivant un coup de dague que lui portait l'agresseur, il parvint à l'empêcher de mettre son dessein à exécution. Lugny s'éloigna en jurant qu'il reviendrait une autre fois mieux accompagné. En effet, quelques jours plus tard, la femme de Fumé, qui se trouvait à Thouars, fut avertie que Lugny avait rassemblé environ dix-huit hommes armés et qu'il venait l'attaquer. Elle se rendit immédiatement à Belleville et envoya Pierre Martineau, son neveu, pour parlementer. Celui-ci ne parvint qu'avec beaucoup de peine à échapper à la fureur des compagnons de Lugny et s'en revint en grande hâte. La femme de Fumé alors sortit de son hôtel et se porta au-devant des agresseurs, accompagnée de son fils, de Jean Guesdon, prêtre, son cousin, et de quelques autres. Le bordier de Pierre de Lugny faisait le guet sur la route et alla prévenir son maître, qui se mit en route avec sa troupe, marchant à couvert, si bien qu'il arriva tout près de la femme de Fumé, sans en avoir été aperçu. Celle-ci, aussitôt qu'elle les vit, se jeta à genoux devant Lugny, disant : « Monseigneur, souviengne vous de vostre honneur ! » Alors l'un des agresseurs tira son épée et allait la frapper au ventre, quand ledit Guesdon détourna heureusement le coup. Au cri qu'elle poussa, plusieurs gens de labour sortirent de l'hôtel de Fumé et parmi eux un sergent de Thouars, qui venait d'y arriver par hasard. « De par Monseigneur de Thouars, je défends la voie de fait », s'écria le nouvel arrivant. Pierre Martineau et Jean Guesdon déposèrent aussitôt leurs bâtons. Mais Pierre de Lugny, furieux, frappa le sergent jusqu'à effusion de sang, puis toute sa bande, dont faisaient partie un anglais prisonnier qui devait sa rançon, un écossais et des inconnus, se rua sur les parents de Fumé et les cerna. Martineau, désarmé, fut frappé mortellement par Pierre Bonneau, malgré les efforts de sa tante, qui cherchait à le protéger; Jean Guesdon fut pareillement tué sur la place, et plusieurs autres furent navrés et mutilés. Pierre de Lugny et ses complices, par la bouche de Poignant, leur avocat, se défendirent en reproduisant la version contenue dans leurs lettres de rémission et accusant les amis et parents de Louis Fumé d'avoir été les premiers agresseurs. Ils prétendaient en outre avoir combattu à force égale, douze contre douze, et demandaient simplement leur renvoi devant le sénéchal de Poitou, conformément au texte des lettres, qui le commettaient à en assurer l'exécution. Popaincourt ayant fait cette objection que le sénéchal de Poitou était parent des intimés, ceux-ci demandèrent alors que le lieutenant du bailli de Touraine à Chinon fût saisi de l'affaire. Mais la cour en retint la connaissance. Aux 6 et 8 mai 1460, il est question d'un incident soulevé par Lugny, que le Prévôt de Paris fut appelé à juger, et dont la sentence fut portée en appel devant la cour. Le registre des arrêts criminels du Parlement n'existe pas pour cette époque, de sorte que l'on ne peut connaître l'issue exacte du procès.

Les réparations réclamées de la partie adverse par Fumé et les parents des victimes sont curieuses, et en admettant même qu'elles ne leur furent pas accordées intégralement, elles méritent de n'être pas passées sous silence. Elles consistaient à amender lesdits attentats et, en attendant, à aller tenir prison en la Conciergerie ; à faire amende honorable aux demandeurs, à composer une représentation ou épitaphe, où serait reproduite la forme dudit cas ; à baiser par figure en la bouche lesdits trépassés, à prendre habit de deuil et à offrir chacun une torche de cire ardente du poids de deux livres au lieu de la sépulture, et par chacun d'eux aussi à offrir aux pauvres, de leurs propres mains, six chevaux chargés de blé, pour le salut des âmes des défunts ; à fonder deux chapelles, chacune de 100 livres de rente amortie, garnies d'ornements d'église convenables ; à ériger une croix sur le lieu du meurtre, avec une inscription relatant le crime et énumérant les coupables ; à payer des amendes profitables, montant à 4000 livres pour chacun des intimés, et à tenir prison jusqu'au parfait payement; à assigner au père de Pierre Martineau et à ses hoirs 100 livres de rente perpétuelle, et autant à Pierre Guesdon, neveu de Jean Guesdon, prêtre. En ce qui touche ledit feu Guesdon, comme il était chargé de l'administration des biens de Louis Fumé et de sa femme, ceux-ci demandaient aussi que les inculpés fussent condamnés à payer tout ce dont il leur pouvait être redevable au moment de sa mort ; de plus, s'il était trouvé que Fumé et sa femme tiennent aucun fief de Pierre de Lugny ou que celui-ci tienne aucune chose dudit Fumé, qu'il soit déclaré l'avoir forfait et que ledit fief soit confisqué au profit de Fumé. (Voir Arch. nat., X2a 28, aux dates des 31 janvier, 7 février, 6 et 8 mai 1460.)