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CCCCLXXV

Don à Louis de Maillé et à Guillaume de Martreuil de tout ce qu'ils pourront enlever aux Anglais, par exploits de guerre, dans le duché de Guyenne, sauf les villes fermées1.

  • B AN JJ. 100, n° 443, fol. 134 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 1-4
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., que, comme noz amez et feaux Loys de Mailly2, chevalier, et Guillaume de [p. 2] Martueyl3 nous aient servi le temps passé, en noz presentes guerres, et servent encores chascun jour, au grant profit de nous et de nostre royaume, et de present nous vueillent servir à leurs coux, perilx, fraiz et despenz, pour faire conquez pour nous ou duché de Guienne, nous qui avons eue consideracion aus choses dessuz dictes et qui voulons bien remunerer les dis Loys et Guillaume des bonz services dessuz diz, comme raison le vuelt et donne, à yceulx Loys et Guillaume avons donné et octroié, donons et octroions par ces presentez, de nostre certaine science, grace especial et auctorité royal, à tous jours mais, pour eulx, leurs hoirs et qui d'eulx auront cause, tout ce que eulx, ensemble ou chascun par soy, pourront conquester et acquerir, par maniere de fait de guerre, ou duché de Guienne, excepté bonnes villes fermeez, tant chasteaux fors, maisons et meubles quelxconques, pour joir, user [p. 3] et exploictier d'iceulx et faire leur volenté, comme de leur propre chose, et en doner et departir à quelque personne ou persones qu'il leur plaira, et que ceulx ou cellui aus quieux il en feront don en puissent joir paisiblement et faire leur profit et volenté, comme de leur propre chose et comme se nous leurs donnions. Si donnons en mandement, par ces presentes, au seneschal de Tourainne, d'Anjou et du Maine, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, comme à lui appartendra, que de tout ce que les dis Loys et Guillaume pourront conquester en ladicte duché de Guienne, dont il seront souffisamment certeffié par eulx ou l'un d'eulx, exceptées les bonnes villes fermées, comme dit est, les lessent et sueffrent joir et user paisiblement, comme de leur propre heritage et chose, et mie eulx ou l'un d'eulx ne lessent ou sueffrent estre empeschez par aucun de noz subgez, pour le temps ne [ou temps] avenir, comment que soit au contraire. Et [p. 4] que ce soit ferme et estable à tous jours mais, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes. Sauf en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Donné a Paris, en nostre hostel lez Saint-Poul, le xie jour d'avril l'an de grace mccclxix et de nostre regne le vie.

Par le roy. J. de Vernon.


1 Cet acte aurait dû figurer dans le précédent volume. Nous l'avions classé tout d'abord au 11 avril 1370, mais il est bien de 1369 ; la mention à la date de la sixième année du règne de Charles V, laquelle s'étend du 9 avril 1369 au 8 avril 1370, ne peut laisser aucun doute à cet égard.
2 En ce qui touche Louis de Maillé, il existe d'autres lettres du 26 avril suivant qui renouvellent, en son nom seul, la promesse de lui abandonner, pour lui et sa postérité, tout ce qu'il pourra conquérir sur les Anglais, par fait de guerre, au duché de Guyenne (JJ. 100, n° 376, fol. 119). Cette nouvelle donation éventuelle est conçue, presque mot pour mot, dans les mêmes termes que celle que nous publions ici. On ne saurait en conclure que Guillaume de Martreuil renonça à ce bénéfice ou qu'il en fut privé, les secondes lettres n'annulant en aucune façon les premières. Entre autres exploits, Louis de Maillé s'empara de la forteresse du Puymilleroux (commune de Dangé), dont Charles V lui reconnut la possession, bien que ce fût un lieu fermé, par lettres du 30 avril 1371. Ces lettres sont publiées à leur date dans ce volume, avec quelques autres renseignements que nous avons réunis sur Louis de Maillé.
3 Ce personnage appartenait certainement à une famille poitevine (cf. Martreuil, vill. dépendant de la commune de la Trimouille, Vienne), sur laquelle on ne possède que fort peu de renseignements. Le P. Anselme cite un Guillaume de Martreuil, seigneur d'Aysie, dont la fille, Jeanne, avait épousé Antoine de Vivonne, co-seigneur de Bougouin et d'Iteuil, qui fut décapité, par arrêt du conseil du roi, le 8 mai 1431, pour crime de lèse-majesté. Il avait entrepris de se saisir de Charles VII, en arrêtant son favori Georges de La Trémoille. Sa veuve se remaria à Aymar de La Rochefoucauld, seigneur de Sainte-Maure (Hist. généal., t. VIII, p. 770. Voy. aussi Beauchet-Filleau, Dict. des familles de l'anc. Poitou, t. II, p. 818.)
Le Guillaume dont il est question ici, était peut-être le grand-père de cette Jeanne de Martreuil. et, sans aucun doute, le parent d'Itier de Martreuil qui fut évêque de Poitiers de 1395 à 1405 (année de sa mort), et chancelier du duc de Berry, après avoir été d'abord chantre de l'église de Poitiers, puis évêque du Puy, vers 1390. (Gall. christ., t. II, col. 730, 1297.) Par arrêt du Parlement du 23 juillet 1379, Itier de Martreuil et plusieurs chanoines de Langres furent condamnés à des amendes variant de 100 à 300 livres, pour des mauvais traitements qu'ils avaient fait subir, au mépris de la sauvegarde royale, à un nommé maître Simon Durand, faits antérieurs de quelques années à l'arrêt. Il y est dit que Martreuil, pro tunc officialis Lingonensis, avait enfermé comme un voleur led. Durand dans la tour de l'officialité de Langres, sans motif sérieux. (Archives nat., X1a 28, fol. 306). On trouve encore un Olivier de Martreuil, à qui le roi Charles V avait donné, en 1369, la charge de trésorier de Saint-Hilaire-le-Grand, au lieu de Roger Felton, « anglais et ennemi du royaume ». D'autre part, le duc de Berry, comte de Poitou, avait fait don du même office à Etienne de Loypeau, son chapelain. Jean de Villiers, chanoine de Chartres, et Girard de Magnac y prétendaient aussi, on ne sait en vertu de quels titres. Il y eut à ce sujet un long procès au Parlement. Jean de Villiers, enfermé dans les prisons de l'évêque de Paris, in vinculis ferreis, déclara, le 29 mai 1378, qu'il renonçait à sa prétention (X1a 25, fol. 220). Olivier de Martreuil protesta au contraire, le 16 juin suivant, qu'il n'entendait point que le résultat du litige entre Loypeau et Magnac portât aucun préjudice à ses propres droits à lui (id. fol. 221 v°). Puis, dans un accord intervenu, le 27 avril 1378, il déclara à son tour qu'il se désistait de toute poursuite (X1c 36). Olivier de Martreuil était alors doyen d'Autun.
Nous avons enfin à mentionner un autre curieux document touchant Me Flamand de Martreuil, professeur à la Sorbonne, dont les leçons furent frappées d'interdit par l'Université. Le procès soulevé à cette occasion au Châtelet de Paris fut porté en appel au Parlement. Le pape, le roi, la reine et les cardinaux s'entremirent pour apaiser la querelle. L'Université, qui avait rejeté F. de Martreuil de son sein, lui permit, de reprendre ses lectures publiques, à condition qu'il souscrivît certains articles de soumission et s'engageât à ne point porter préjudice à ceux qui avaient pris parti contre lui dans cette affaire ; ce à quoi il consentit, par un accord entériné au Parlement, le 28 février 1387 n. s. (X1c 54).