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CCCCXCI

Don à Louis, sire de Malval, du château et de la châtellenie de Gençay, alors occupés par un chevalier anglais du nom d'Agorissart1.

  • B AN JJ. 100, n° 472, fol. 147
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 44-48
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons à tous, presens et avenir, que, comme nostre amé et feal chevalier Loys, sire de [p. 45] Maleval2, qui estoit naguaires de la obeissance de Edouart d'Engleterre et de Edouart son ainsné filz, nos aversaires et ennemiz, et lequel avoit la plus grant partie de ses terres, [p. 46] biens et possessions en la duchié de Guyenne, en nous recongnoissant son souverain et naturel seigneur, ait delaissié le service et obeissance des diz Edouard et de son filz, et pour garder sa loyalté soit venus par devers nous en nostre service et faire noz commandemens, et nous ait promis à servir tous jours mès bien et loyalment contre toutes personnes qui puent vivre et mourir, et pour ce le dit chevalier ait esté en ses dites terres et possessions domagiez très grandement par noz diz ennemis ; nous, pour consideracion des choses dessus dites et des bons et agreables services que le dit chevalier et ses [p. 47] predecesseurs ont fait à noz predecesseurs roys de France, et fait encores à nous le dit chevalier de jour en jour, et esperons que li et les sienz facent encores ou temps avenir, et pour aucune recompensacion des pertes et dommages qui le dit chevalier a pour nostre fait soustenuz, comme dit est, de nostre auctorité et pleniere puissance royal, certaine science et grace especial, avons donné et octroie, donnons et octroions, par la teneur de ces presentes, au dit chevalier et à ses hoirs et sucesseurs ou aians cause d'eulz, perpetuelment et heritablement, le chasteau et la chastellerie de Genssay, de Poitou, le quel tient et occupe à present, si comme l'en dit, un chevalier anglois de païs du Galles, appellé Gregoriset3, soit appartenant au dit Gregoriser ou aultre personne quelconque, soit par don, aschat, transport, eschange, engajement ou par quelque aultre tiltre, coleur ou cause que ce soit, excepté par nostre don ou de noz predecesseurs dessus diz, aveques toute terre, possessions, seignorie, jurisdicion, rentes, revenues, droits, fiez, arrerefiez, hommages et autres choses quelconques appartenans au dit chastel et chastelerie, par quelque maniere il nous appartienent ou puissent ou doivent appartenir, comme fourfaiz et acquis de present ou pour le temps avenir, à yceulz chasteau et chastellerie avec ses appartenances et appendences dessus dites avoir, tenir et possider par le dit Loys, ses hoirs et successeurs, ou aians cause d'eulz, comme leur propre heritage et matrimonie, volons et au dit Loys octroions que lui et ses diz hoirs ou successeurs, ou aians cause d'eulz, ou leurs deputez, puissent prendre, recevoir et apprehendre, toutes les fois qu'il leur plaira, la possession corporele et saisine des chasteau et chastelenie, et toutes les appartenances et appendences dessus dites, [p. 48] comme de leur propre heritaige et à eulz appartenant, et que par tous les habitans de la dite chastelenie et autres à qui il appartient ou appartendra, et ainsi comme en la dite chastelenie est acoustumé de faire, au dit Loys, hoirs et successeurs, ou aians cause d'eulz, soit obey et entendu comme à vray seigneur proprietaire. Et en oultre ce, voulons et commandons à touz noz justiciers, officiers et subgiez, presens et avenir, que par le dit Loys, hoirs ou successeurs, ou aians cause d'eulx, ou de par yceulz, seront requiz, que à prendre la dite possession et saisine il leur donnent ayde, conseil et confort, et les en facent joir et user paisiblement et perpetuelment, sanz contredit et sanz leur y mettre ou laissier estre mis destourbier ou empeschement aucun, nonobstant quelconques autres dons faiz au dit Loys par nous ou noz predecesseurs, et que yceulz ne soient en ces presentes specifiez ou declariez. Sauf toutesfoiz en autres choses nostre droit et l'autrui en toutes. Et que ce soit ferme, etc. Donné à Paris, en nostre hosteil lès Saint Pol, le quart jour du mois de mars l'an de grace mil ccc. lxix, et de nostre regne le siziesme.

Par le roy. J. de Saint Martin.


1 Gençay fut donc donné à deux jour d'intervalle à deux personnages différents, sans que les secondes lettres révoquent les premières. Il est à peine besoin de constater cette contradiction. Une donation de ce genre ne tirait d'ailleurs point à conséquence immédiate, puisque Gençay était au pouvoir des Anglais. Peut-être le roi voulait-il seulement intéresser deux chevaliers entreprenants à la reprise de cette place forte.
2 Louis de Malval était seigneur de Châtelus dans la Marche et possédait plusieurs autres fiefs importants dans cette province et dans le Limousin. La première mention que nous ayons trouvée de lui est dans une quittance où il reconnaît qu'on lui a fait « restor » de quatre chevaux qu'il avait perdus à la guerre en Gascogne, datée de Caylus, le 22 décembre 1352. Cet acte est revêtu de son sceau, comportant un écu à deux lions affrontés, entouré de trois palmes. (G. Demay, Invent, des sceaux de la coll. Clairambault, t. I, p. 589.) Depuis, Louis de Malval assista à la bataille de Poitiers, où il fut fait prisonnier. Après la cession de son pays à l'Angleterre, il servit sous le prince de Galles et l'accompagna en Espagne. Mais il fut l'un des premiers, à la reprise des hostilités entre la France et l'Angleterre, à reconnaître l'autorité de Charles V. Il avait adhéré, dès le 8 juin 1369, à l'appel du comte d'Armagnac contre le prince de Galles (acte orig, J. 642, n. 1613), et reçut, en récompense des biens qu'il abandonnait dans les pays occupés par les Anglais, une rente annuelle de 1000 francs à prélever pendant trois ans sur le Trésor ; au bout de ce temps, elle devait lui être assise sur des terres du domaine (acte daté de Paris, juin 1369, JJ. 100, n° 75, fol. 29.) Cependant son château de Châtelus était resté en son pouvoir, car il y était le 11 septembre 1370, au moment où le prince de Galles, à la tête d'une nombreuse armée, venait assiéger Limoges, qui avait fait, le 21 août précédent, sa soumission au duc de Berry. Ce prince avait chargé, à cette époque, Louis de Malval de différentes missions notées dans les comptes de son hôtel (Archives nat., KK. 251, fol. 24 r° et v°, 40 v°). D'autres places qui lui appartenaient en Limousin étaient en même temps redevenues françaises. Après le départ de Limoges des ducs de Berry et de Bourbon (24 août 1370), « demora messire Bertrans (Du Guesclin), dit Froissart, ou pays de Limozin à tout deux cens lances ; si se bouta ens ès chastiaus le signeur de Malval qui estoit tournés françois ». (Édit. Luce, t. VII, p. 242.) Mais, bientôt après, le prince de Galles ayant repris Limoges d'assaut (19 septembre), les Anglais « en eux retrayant, ardirent une partie de la terre le signeur de Malval en Limousin et ossi la terre de monseigneur Raimmon de Maruel. » Quelque temps après, nous retrouvons Louis de Malval au siège d'Usson, dans l'ost de Du Guesclin, nouvellement revêtu de l'office de connétable. (Froissart, édit. Kervyn de Lettenhove, t. VIII, p. 40 et 82.)
A cette époque, il eut à soutenir un long procès entre Guy de Chauvigny, seigneur de Châteauroux et vicomte de Brosse, au sujet de l'héritage d'Eliète de Prie. Il s'agissait de plusieurs châteaux et terres, dont les principaux étaient Eguzon, Arrablay, Châteauclos. Guy de Chauvigny se prétendait le plus proche héritier ; d'autre part, la femme de Louis de Malval était cousine de cette dame, qui d'ailleurs lui avait fait donation de tous ses biens entrevifs. C'est précisément cette donation que le demandeur attaquait, et il portait contre son adversaire les accusations les plus graves. Selon lui, au mois de novembre 1362, Louis de Malval, étant lieutenant, capitaine et gouverneur du comté de la Marche, fit mettre sous la main du comte les terres d'Eliète, sous prétexte que son mari, Artaud d'Ussel, avait commis des crimes dans le pays. Puis, poussé par la cupidité, il avait attiré Eliète dans un guet-apens, l'avait séquestrée dans une de ses maisons, le château de la Forêt, et après lui avoir fait endurer une longue suite d'outrages et de tortures, il était enfin parvenu à lui extorquer ladite donation. Maître de la fortune de cette dame, il s'était bien gardé de la mettre en liberté ; il l'avait seulement changée de prison. Conduite au château de Malval, la malheureuse était morte empoisonnée ou étranglée quelque temps après. L'arrêt curieux, auquel nous empruntons ce résumé, est extrêmement long. Nous avons extrait de la défense du sire de Malval quelques détails sur Eliète de Prie qu'on lira plus loin, dans une note consacrée à cette dame. Près de deux ans seulement après la mort d'Eliète, Guy de Chauvigny attaqua la donation et revendiqua l'héritage. Ce fut en 1368 qu'il assigna le sire de Malval devant le sénéchal anglais de Limousin. Puis la guerre survint. Le procès interrompu ne fut repris qu'en 1374. Cette fois, c'était le Parlement de Paris qui était appelé à juger. Sous le coup d'une accusation capitale, Louis de Malval fut emprisonné au Châtelet. Le 20 décembre de cette année, il obtint une sentence d'élargissement, mais dans l'enceinte de Paris seulement et en attendant l'enquête (X2a 8, fol. 437). Au 6 février suivant, on trouve un a rêt de procédure en cette affaire (X1a 24, fol. 216). Le 16 août 1375, elle fut renvoyée à la session suivante (X2a 8, fol. 423). Un an après, jour pour jour, deux conseillers du Parlement reçurent mission de faire l'enquête. De nouveaux ajournements du procès furent prononcés les 18 mai 1378 et 15 novembre 1380, (X2a 9, fol. 13 v°, 103, 221 v°). Enfin, de délais en délais et de renvois en renvois, dix-sept ans après le commencement de l'affaire et onze ans après l'introduction de l'instance au Parlement, la cour donna son arrêt définitif, le 2 septembre 1385 (X2a 11, fol. 187 v°, 192 v°). Louis de Malval était déclaré légitime propriétaire des châteaux, terres et biens d'Eliète de Prie, et les accusations de Guy de Chauvigny reconnues mal fondées et calomnieuses.
3 Adam Chel, dit d'Agorisses ou d'Agorissart. Voy. ci-dessus la note 1, p. 42.