1 Nous avons, dans nos précédents volumes, rencontré
les noms de plusieurs membres de cette famille poitevine (voy. notamment
t. II, p. 293-295, et t. III, p. 20 et 53). mais nul d'entre eux ne joua
un rôle aussi en vue que celui-ci. Un arrêt du Parlement nous apprend
que Perceval était fils et principal héritier de Geoffroy de Cologne (de
Coulonges, suivant l'identification proposée par M. Luce), chevalier, et
de Pernelle Le Brun, et qu'il avait un frère nommé Hugues. (Archives
nat., X
1a 35, fol. 11 v°.) Ce Geoffroy le père est,
suivant toute apparence, le même qui figure à plusieurs reprises dans
des procédures criminelles, comme complice de Jean de Beaumont, sire de
Bressuire, entre le 11 mars 1353 et le 8 août 1355 (voy. notre tome II,
p. 294 note).
Perceval de Cologne passa plusieurs années de sa
jeunesse dans l'île de Chypre ; il était chambellan de Pierre I
er de Lusignan, roi de Chypre et de Jérusalem, qui
commença à régner le 10 octobre 1359 et périt assassiné le 17 janvier
1369, et il ne revint en France qu'après la mort tragique de son maître.
(L. de Mas-Latrie,
Histoire de Chypre, 1
re partie, Documents, t. I, p. 274.) Jean d'Arras, secrétaire
du duc de Berry, dans sa
Mélusine ou histoire fabuleuse de
la maison de Lusignan, invoque le témoignage de ce chevalier à propos
des légendaires apparitions de Mélusine sous forme de serpent, chaque
fois qu'un événement funeste était sur le point de se produire dans la
destinée des Lusignan : « Et encores plus avant, dit-il, il y a ung
chevalier poitevin, nommé messire Perceval de Couloigne, qui fut
chambellan du bon roy de Chypre, qui dist et jura à monseigneur [Jean,
duc de Berry], et a fait par plusieurs foiz, qu'il estoit en Chippre
avecques le roy, auquel roy
la serpente s'apparu, et le dit
au dit Perceval en telle maniere : « Perceval. dist le roy, je me donne
« trop fort. — Pourquoy, monseigneur, dist le chevalier ? — Par ma foy,
dist le roy, pour ce que j'ay veu la serpente de Lusignan qui s'est
apparue a moi ; si ay grand paour qu'il ne me viengne aucune perte
dedans brief jour, ou à Perrin mon filz ; car ainsi s'appert elle, quant
aucuns des hoirs de Lusignan doivent morir, à eulx ou en la forteresse
». Et jura mons
r Perceval à monseigneur que, dedans
le tiers jour après, la dure aventure que chacun scet lui advint, dont
ce fu pitié », (Edit. Ch. Brunet, dans la
Bibliothèque
elzévirienne.)
De retour dans son pays, Perceval de
Cologne se joignit aux principaux barons de Poitou et servit fidèlement
le prince de Galles pendant la campagne de 1369-1372 ; il ne retourna
pas à l'obéissance du roi de France avant la capitulation de Thouars
(1
er décembre 1372). Nous dirons quelques mots
de la part qu'il prit à ces guerres, d'après Froissart, qui le qualifie
de
« moult sages et bien imaginatis chevalier, et bien
enlangagiés. » Au mois de septembre 1369, il accompagne avec
les sires de Pons et de Parthenay, Guichard d'Angle, etc., le comte de
Pembrocke qui, pour se venger de l'échec qu'il avait subi peu de temps
auparavant à Purnon, fit une pointe en Anjou à la tête de cinq cents
lances et de quinze cents hommes de pied, et tenta de s'emparer de
Saumur. Robert de Sancerre et Jean de Bueil défendaient la ville avec
des forces suffisantes, et repoussèrent les Anglais ; ceux-ci se
rabatirent sur les Ponts-de-Cé et sur l'abbaye de Saint-Maur-sur-Loire,
dont ils s'emparèrent ; ils fortifièrent ces deux places et y laissèrent
de fortes garnisons qui s'y maintinrent l'hiver et l'été suivants, au
grand dommage des pays voisins. (Froissart, éd. S. Luce, t. VII, p.
189.) Perceval de Cologne fit aussi partie de l'expédition du prince de
Galles, quand celui-ci vint mettre le siège devant Limoges qui avait
fait, quelques jours avant, sa soumission au duc de Berry, et prit
d'assaut cette malheureuse cité, 19 septembre 1370 (
id.
ibid., p. 243). Nous le retrouvons peu de temps après au
siège de Montpont sous le duc de Lancastre, et à la prise de Moncontour
(1371) dirigée par Thomas de Percy, sénéchal de Poitou pour le prince de
Galles. Jourdain de Cologne, un de ses parents sans doute, capitaine de
cette dernière ville, fit une résistance courageuse mais inutile
(
id. ibid., t. VIII, p. 17-18). Quand Bertrand Du
Guesclin assiégeait Sainte-Sévère, Perceval fit partie de l'armée réunie
à la hâte par Thomas de Percy et le captal de Buch pour secourir la
place, mais qui arriva trop tard (
id. p. 57). Après la
soumission de Poitiers et les succès foudroyants du connétable, les
barons de Poitou, étonnés et découragés, durent se replier sur Thouars,
et y furent investis. Ce fut alors Perceval de Cologne, le chevalier
bien enlangagiés, qui leur persuada de demander une
trêve aux assiégeants et de leur promettre de se rendre, si au bout de
deux mois le roi d'Angleterre ou l'un de ses fils n'étaient venus à leur
secours (
id., p. 64, 99-101). Peu de temps après avoir fait
sa soumission, il témoigna de la sincérité de ses sentiments en allant
avec le sire de Clisson assiéger la Roche-sur-Yon que les Anglais
occupaient encore. (
Id. ibid., p. 139.)
Notre
chevalier gagna rapidement les bonnes grâces du duc de Berry, qui le
prit à son service, ainsi que son frère, dès les premiers mois de
l'année 1373 ; il figure à maintes reprises sur les registres de comptes
de l'hôtel de ce prince, où parfois il est appelé familièrement messire
Perceval : «
A messire Perceval, pour reste de ses gaiges,
xiii livres x sols ; — à messire Hugues son frere, pour semblable cause,
xxi livres ii solz. (Comptes de 1373, Arch. nat., KK. 251, fol. 135.) Ce
prince le créa même son sénéchal en Poitou, en remplacement d'Alain de
Beaumont, et l'on trouve sur les listes de sénéchaux les plus autorisées
que Perceval de Cologne exerça cet office en 1374 et 1375. Les documents
assez abondants que nous avons recueillis sur ce personnage n'apportent
aucun élément chronologique nouveau pour la durée de son sénéchalat.
Nous avons un acte de 1374 et un autre de 1375, où son nom n'est point
accompagné de cette qualité. Le 6 mai 1374, le duc de Berry envoya de
Clermont par « Pierre Rougier, messager, porter lettres en Poitou à la
vicomtesse de Thouars, à messire Perceval de Coulongne et à plusieurs
autres. » (KK. 252, fol. 127.) Le 17 juillet 1375, il est mentionné dans
un accord conclu au Parlement de Paris entre Hugues de Cologne, son
frère, tuteur de Jacques Chenin, d'une part, et Gauvain Chenin, d'autre,
touchant la possession de la Jarrie que le premier réclamait pour son
pupille (X
1c 31 ; voy. aussi un autre accord pour le
même objet, en date du 17 mars 1377,
id., X
1c 34). Perceval était-il sénéchal à ces dates ? L'absence de
qualification sur les deux documents que nous venons de citer ne permet
pas certainement de trancher la question par la négative, mais elle
autorise le doute. Ce que l'on ne peut nier, c'est qu'il ait été
réellement sénéchal. Dans un acte de novembre 1378 publié ci-dessous, il
est dit formellement que le fait, dont il y est question, eut lieu alors
que Perceval de Cologne
estoit seneschal de Poitou. En
attendant d'autres preuves, on peut toujours admettre qu'il remplit ces
fonctions de juin 1374 à juin 1375. Alain de Beaumont, d'ailleurs, était
encore sénéchal en mars 1374.
Le duc de Berry avait donné à Perceval
de Cologne une autre marque de sa faveur, en lui confirmant la donation
que lui avait faite le prince de Galles d'une partie des biens
confisqués sur Jean Boschet, comme on le voit ici. Mais ces biens ayant
été restitués d'une façon générale à Pierre Boschet, notre personnage
devait s'en dessaisir, quitte à se faire donner une compensation. Il
fallut cependant que le litige fût porté au Parlement. Ce procès se
termina le 12 novembre 1377, par un accord amiable, au moyen duquel
Perceval renonça purement et simplement au don et à la confirmation ; en
revanche, Pierre Boschet lui fit abandon et remise des rentes, fruits et
revenus qu'il avait levés sur lesdits biens (qui ne sont d'ailleurs
point spécifiés autrement), depuis qu'il en avait été mis en possession.
En 1379, Perceval de Cologne eut l'occasion de rendre au comte de Poitou
de nouveaux services militaires, les hostilités ayant été reprises en
Guyenne. Il était alors à la Rochelle avec Renaud et Hugues de Vivonne,
Renaud de Thouars, et Jacques de Surgères. Un partisan des Anglais,
nommé Héliot de Plassac, capitaine du fort de Bouteville, à la tête
d'une bande d'Anglais et d'aventuriers, ravageait la campagne entre
Saint-Jean-d'Angély et la Rochelle. La garnison de cette dernière ville
se porta à sa rencontre et le défit après un combat acharné, où il
demeura prisonnier. Bouteville, à la suite, tomba entre les mains des
Français. (Froissart, édit. Kervyn de Lettenhove, t. IX, p.
119-120.)
De 1383 à 1396, Perceval de Cologne soutint un assez grand
nombre de procès au Parlement. Nous allons les énumérer
chronologiquement, en faisant remarquer que, durant cette période, son
nom est presque toujours accompagné du titre de chambellan du roi. Le
premier en date est celui qui nous révèle sa filiation. Il était engagé
dès avant le mois de novembre 1383 contre ses cousins germains, Pierre
et Jeanne Brun ou Le Brun, enfants mineurs, sous la tutelle de
Marguerite Trousseau, de Geoffroy Le Brun, écuyer, et de Philippe
d'Avoir, touchant la succession de ces derniers. Il dura plusieurs
années (novembre 1383, continuation de cause, X
1a
1472, fol. 157 ; 6 décembre 1386, arrêt de procédure, X
1a 35, fol. 11 v° ; 15 janvier 1388, profits de plusieurs
défauts adjugés à Perceval, X
1a 1474, fol. 178 v°).
Dans l'intervalle, il perdit un autre procès contre Gérard de Maumont,
seigneur de Tonnay-Boutonne, et fut condamné, le 10 mai 1385, à lui
restituer des joyaux dont mention était faite dans des lettres
d'obligation litigieuses entre eux, ou à payer l'estimation qui en
serait faite, ainsi que les dépens de l'affaire. Le 19 août suivant,
l'estimation en fut faite par la cour et fixée à 300 francs d'or. (X
1a 1472, fol. 359 v°, 366 v°, 367 et 376.)
Vers
cette époque encore, il avait assigné Pierre Gabart et sa femme au sujet
de la possession de deux maisons. (Plaidoirie du 18 mai 1386, et arrêt
ordonnant enquête et recréance, le 3 septembre suivant, X
1a 1473, fol. 135 et 220.) Le 4 juillet 1388, la cour retient
un quatrième procès de Perceval de Cologne contre le s
r de Crissé et Marguerite de Thouars, sa femme, et leur
ordonne de faire leurs preuves (X
1a 1474, fol. 194
v°). Au 9 août 1389, on trouve un acte contenant choix d'arbitres dans
un litige qu'il soutenait contre Yolande du Retail, veuve de Jean
d'Orillé (X
1c 59). Enfin nous avons à signaler un
dernier accord confirmé par le Parlement, le 11 avril 1396, conclu entre
Perceval de Cologne, d'une part, Geoffroy Le Povre, dont il a été
question dans notre précédent volume (p. 395), et ses cinq enfants,
Jean, Geoffroy, Aimery, Perrotte et Guillemine. La femme de Geoffroy,
décédée alors, se nommait Jeanne de Vendel. Perceval leur réclamait
plusieurs rentes de blés, vins et deniers, longuement énumérées, qui se
levaient à Thouars et aux environs. Pour mettre fin au différend. Le
Povre et ses fils lui cèdent et abandonnent « les hebergemens et
appartenances du bois de Sanzay, l'oustel et gaingnerie de Baigneux,
appellée la gaingnerie de la Couldraye, tenuz à foy et hommage lige du
seigneur de Monstreuil Bellay ». En échange, Perceval de Cologne leur
cède « l'hébergement appellé la Vacherie, seant en la ville de
Chavennes, et un pré séant en la riviere d'Argenton. » Dans cet acte,
Perceval s'intitule seigneur de Puygné (Pugny, Deux-Sèvres), chevalier
et chambellan du roi, (Archives nat, X
1c 71.)
Du Chesne, qui a donné un fragment de la généalogie des Cologne,
nous apprend que Perceval était en outre seigneur du Breuil-Bernard et
de Pierrefite, et qu'il fut capitaine de Fontenay-le-Comte, D'après ce
savant auteur, il avait épousé une Jeanne de la Grésille dont il n'eut
point d'enfants, et mourut à quatre-vingts ans, laissant tous ses biens
à Haliette sa sœur, mariée à Jean, dit Guillaume d'Appelvoisin, seigneur
de Chaligné, laquelle vivait encore en 1422. Hugues de Cologne, le frère
de Perceval, eut deux femmes, Marie de Lezay et Isabeau Chabot, et un
fils unique, Jacques de Cologne, seigneur de Lezay, décédé sans lignée.
(
Hist. généal. de la maison des Chasteigners, p. 107.)
M. Ledain donne la liste des fiefs relevant de la baronnie de Bressuire
possédés par Perceval de Cologne, dont il cite des aveux et hommages des
années 1402 et 1411. (
Hist. de Bressuire, 1866, in-8°, p.
395 et 417.)