2 Simon Burleigh, dont nous avons déjà dit quelques mots
(volume précédent, p. 382, note), avait été fait prisonnier au mois
d'août 1369 par Jean de Bueil, et Guillaume des Bordes, dans un combat
livré près de Lusignan. (Froissart, édit. S. Luce, t. VII, p. 121,) Ce
chroniqueur dit qu'il fut échangé à la fin de l'année, par l'entremise
d'Eustache d'Auberchicourt, contre la duchesse de Bourbon. M. Chazaud
(
Chronique du bon duc Loys de Bourbon, p. 355 et 356)
et M. S. Luce (édit. de Froissart, t. VII, p.
xcvi note) ont
démontré qu'Isabelle de Valois, duchesse douairière de Bourbon, fut
délivrée seulement entre le 15 et le 22 août 1372. Ce qu'il y a de vrai,
c'est que la duchesse était renfermée dans la tour de Brou (commune de
Saint-Sornin, canton de Marennes, Charente-Inférieure), qui appartenait
à Burleigh, du chef de sa femme. Dans un acte du 4 octobre 1367, il se
qualifie « seigneur de Chéneché, de Brouhe et de Chayssours » (Arch.
nat., J. 1026, n° 18), ce qui met ce point hors de doute. Ce qui est
certain encore, c'est que, le 23 juillet 1372, il traita avec le duc de
Bourbon de la rançon de la duchesse (Arch. nat, P. 1358
1, n° 504), et qu'à cette époque il était en liberté. Simon
Burleigh fit partie de l'armée d'invasion que le duc de Lancastre
débarqua à Calais, le 20 juillet 1373, et à la fin de l'année suivante,
après la conclusion dans cette ville d'une trêve d'un an entre la France
et l'Angleterre, à l'exclusion de la Bretagne, on le retrouve parmi les
compagnies placées sous le commandement du comte de Cambridge,
qu'Edouard III prêta au duc de Bretagne. (Froissart, édit. Kervyn de
Lettenhove, t. VIII, p. 280, 344). Burleigh fut un des principaux
conseillers d'Edouard et surtout de Richard II, dont il avait été
précepteur. Mais il avait des ennemis puissants à la cour. Ils obtinrent
qu'il fût mis en jugement pour une somme de 250,000 francs dont il était
comptable et dont il ne pouvait justifier l'emploi. Jeté en prison dans
la Tour de Londres, il fut au bout de deux mois jugé, condamné à mort et
exécuté. Ce fut le 12 mars 1388 que Burleigh fut traduit devant le
Parlement, et le 5 mai qu'il fut condamné ; la sentence reçut
immédiatement son exécution, malgré le roi et la reine, sur l'ordre du
duc de Glocester. Tout ce qu'obtint Burleigh, ce fut d'être décapité à
la Tour ; on lui épargna le gibet de Tyburn. (Kervyn de Lettenhove,
d'après le
Procès conservé dans le ms. 2454 de la Bibl.
bodleienne, à Oxford, édit. de Froissart, t. XII, p. 248, 260 et 389,
notes.)
Nous avons recueilli plusieurs documents dont on peut
inférer que Marguerite de Bauçay, femme de Simon Burleigh, ne suivit pas
son mari en Angleterre, après la soumission du Poitou, et qu'elle
demeura dans son pays. Des textes relatifs à cette dame que nous avons
produits déjà (t. II de ce recueil, p. 276, 277 note ; t III, p. 381
note) et de ceux dont il va être question, il résulte que sur les quatre
maris que lui attribuent les généalogistes, le premier, Guy de Montléon,
seigneur de Touffou, est plus que douteux. Elle n'était certainement pas
en âge d'être mariée en 1318 ou 1320, époque fixée pour ce mariage. En
ce qui concerne les trois autres, Guillaume Trousseau, seigneur de
Véretz, Simon Burleigh et Lestrange de Saint-Gelais, il est absolument
certain qu'ils épousèrent successivement Marguerite de Bauçay, dame de
Chéneché. Quantité de textes en font foi. Mais la femme de Guillaume
Trousseau et celle de Simon Burleigh étaient-elles la même personne ?
Nous n'avons en faveur de l'affirmative que de fortes présomptions et
pas de preuves directes. Il a été établi que la dame de Chéneché,
Marguerite de Bauçay, avait épousé Guillaume Trousseau avant le 24 août
1352, et qu'elle en était veuve en 1362. Puis, le 15 juin 1364, nous
trouvons Simon Burleigh, chevalier anglais, établi en Poitou et marié à
une Marguerite de Bauçay, aussi dame de Chéneché (J. 1026, n° 19).
Toutes les apparences sont donc en faveur de l'identité de la veuve de
Trousseau et de la femme de Burleigh. Le mandement du Parlement du 7
septembre 1379, dont nous avons parlé (vol. précédent, p. 381 n.) peut
être négligé, car nous y avons relevé des confusions de noms qui
indiquent certainement une erreur de transcription, erreur qui sera
d'ailleurs rectifiée à la fin de cette note. L'objection la plus
sérieuse proviendrait du fait, que dans son testament, Marguerite, veuve
de Lestrange de Saint-Gelais, demande des prières pour le repos de l'âme
de ce dernier, et pour le salut de Simon Burleigh (voy notre t. II, p.
277 note), mais ne parle pas de Guillaume Trousseau, qui aurait été,
suivant nos textes, son premier mari.
Quant à Lestrange de
Saint-Gelais, il n'y a point de doute possible, il épousa, en 1389 ou
1390, la veuve de Simon Burleigh et mourut vers la Saint-Michel 1392.
Ces dates nous sont fournies par un arrêt criminel très important, rendu
contre Jacques de Saint-Gelais, son fils du premier lit (Lestrange avait
épousé en premières noces Aiglive de Chaunay), du 30 août 1399. Il
s'agissait de la terre de Villiers, (Villiers-en-Plaine, Deux-Sèvres),
tenue en fief de l'abbaye de Saint-Maixent, sauf un sixième qui relevait
de Parthenay, terre dont une part avait appartenu à Marguerite de
Bauçay. Cette dame était en procès à ce sujet en 1378-1379 avec Maingot
du Merle, chevalier, seigneur de Gascougnole, et les sœurs de celui-ci,
Marguerite et Charlotte du Merle, cette dernière femme de Jean
d'Argenton, seigneur d'Hérisson. L'affaire fut réglée par un accord
amiable qui détermina la part qui revenait à chacune des parties.
(Permission du Parlement accordée le 13 mars 1378 et renouvelée le 2
juillet 1379 ; X
1a 27, fol. 42 ; X
1a 28, fol. 72.) Dans cette dernière, la dame de Chéneché est
dite autorisée par le roi à poursuivre son droit. Après la mort de sa
belle-mère, qui arriva un peu après le 6 septembre 1394, Jacques de
Saint-Gelais s'empara de Villiers et fit fabriquer une fausse donation
de ladite terre, soi-disant faite par cette dame en faveur de son père,
sur laquelle il appuyait ses prétentions. Jean d'Argenton, sa femme et
la sœur de celle-ci, Marguerite du Merle, l'attaquèrent au Parlement.
Jacques de Saint-Gelais et le notaire qui était accusé d'avoir fabriqué
les lettres, Jean Le Blanc, furent arrêtés et mis en prison au Châtelet
de Paris, dès avant le 3 juin 1399. Dans un arrêt extrêmement développé,
le Parlement déclara faux l'acte produit par Saint-Gelais et ordonna
que, comme tel il serait lacére, et que les demandeurs seraient
maintenus en possession de la terre litigeuse. La cour,
préférant
miséricorde à rigueur, condamna Jacques aux dépens, à des
dommages-intérêts qu'elle se réserva de taxer, et à une amende de 60
livres seulement envers le roi. Quant à Jean Le Blanc, il fut suspendu
de son office de notaire pour deux ans ; et les deux accusés furent mis
hors de prison (X
2a 12, fol. 404 v°, 406, 407 v° ;
X
2a 13, fol 304 v° et s.).
Marguerite de
Bauçay prend le titre de dame de Villiers dans une quittance donnée au
duc de Berry, qui lui avait acheté, moyennant 1000 francs d'or, ses
droits sur l'hébergement de Grassay et la forêt de Chasseport (acte du 2
mars 1389 n. s). Elle déclare avoir reçu cette somme par la main de Jean
Gouge, secrétaire du duc et receveur des aides ordinaires pour le fait
de la guerre en son comté de Poitou. Les procureurs du duc de Berry
ayant traité cette affaire étaient Guillaume Taveau et Etienne Gracien.
(Arch. nat., J. 181, n° 100.)
Les biens de Marguerite de Bauçay,
femme de Simon Burleigh, particulièrement sa terre patrimoniale de
Chéneché, avaient été déclarés confisqués, dès le commencement de la
guerre, et donnés à Pierre de Craon, suivant un acte publié dans notre
précédent volume (p. 380 et s.) A la paix, au lieu de retourner purement
et simplement à sa véritable propriétaire, cette seigneurie fut l'objet
d'un accord moyennant lequel Marguerite de Bauçay, se réservant
seulement l'usufruit pour sa vie, en abandonnait la propriété à
Catherine de Machecoul, dame de la Suze, femme de Pierre de Craon, qui
se prétendait sa légitime héritière. Elles n'étaient que cousines issues
de germains. Guy de Bauçay, dit Goman, chef de la branche de Chéneché,
avait eu trois fils et quatre filles. Ses deux fils aînés furent Guy ou
Guyon qui hérita de Chéneché et Foucaut. Marguerite était la fille du
premier (voy. notre t. II, p. 277 note), et Catherine la petite fille du
second par sa mère, Jeanne de Bauçay, dame de Champtocé, qui avait
épousé Louis de Machecoul. Cette filiation est clairement établie dans
une plaidoirie du 4 juillet 1393 de ladite Catherine, dame de la Suze,
contre le comte de Sancerre et Lancelot Turpin, au sujet précisément de
la terre de Chéneché, dont Marguerite de Bauçay avait disposé de
nouveau, au mépris de l'accord dont il vient d'être parlé (X
1a 1477, fol. 146 v°).