1 Quelques jours auparavant, le 23 février
1370, Charles V avait déjà fait don à Jean de Villemur du château et de
la ville du Blanc-sur-Creuse, qu'il venait de prendre et de remettre
sous l'obéissance du roi (JJ. 100, n° 292, fol. 85). Il est vrai qu'un
acte du mois de décembre de la même année (
id., fol. 222,
n° 751), porte révocation de cette largesse, avec promesse de
compensation, et fait cession dudit château à Guy et à Guillaume de La
Trémoïlle, sous prétexte qu'il avait appartenu à leurs ancêtres
maternels. Nous publierons ces lettres de don à leur date. Jean était
fils du vicomte de Villemur et avait un frère nommé Robert. Le roi leur
fit encore don à tous deux, le 24 avril 1370, des biens meubles et
immeubles confisqués sur Bego de Marcenac dans le Rouergue et le
Caoursin (JJ. 100, n° 819, fol. 244 v°). Suivant Froissart, Jean de
Villemur guerroyait, au commencement de 1369, sur les frontières du
Limousin, de l'Auvergne et du Quercy, sous les ordres de Jean duc de
Berry, avec Jean d'Armagnac, Roger de Beaufort, les seigneurs de
Beaujeu, de Villars et de Chalançon. Le 21 août 1370, lorsque Limoges
assiégée par les Français, fit sa soumission au duc de Berry, grâce à
l'entremise de l'évêque, Jean de Cros, ce prince en confia la garde à
une garnison de cent lances commandée par Jean de Villemur, Hugues de la
Roche et Roger de Beaufort. Mais ces trois chevaliers ne purent
repousser l'attaque du prince de Galles, qui vint assiéger Limoges, dès
le 14 septembre suivant, et la reprit d'assaut le 19, livrant les
habitants au massacre et leurs maisons au pillage. Jean de Villemur et
les deux autres capitaines tombèrent au pouvoir du vainqueur (édit. S.
Luce, t. VII, p. 57, 111, 114). Cet échec grave ne fut pas étranger
peut-être à la révocation du don de la ville du Blanc, dont il est
question ci-dessus. Dès lors le rôle de Jean de Villemur dans les
événements militaires paraît à peu près terminé, et il ne survécut pas
longtemps. Nous ne savons pas exactement la date de sa mort ; elle eut
lieu toutefois avant le 15 mai 1375. Il laissait deux enfants en bas
âge, Jacques et Jean de Villemur. Leur oncle Robert leur fit nommer par
le Parlement deux tuteurs et curateurs pour leurs procès, Armand Gruyer
et Jean Cadeau, procureurs au Parlement. (Lettres de cette date, X
1a 24, fol. 61 v°).
2 Grâce aux présentes
lettres, M. Luce, le premier parmi les éditeurs de Froissart, a donné le
véritable nom de ce chevalier anglais qui était resté un mystère pour
ses devanciers. (Edit. de Froissart, t. VII, p.
liv, note 2.)
Originaire du pays de Galles, marié en Poitou à la dame de Mortemer,
veuve de Guy Sénéchal, sur laquelle nous donnerons quelques
renseignements dans un autre endroit de ce volume, Adam Chel, que
Froissart appelle messire d'Aghorisses, et dont le nom est souvent
défiguré dans les actes de l'époque jusqu'à prendre la forme Gregoriset
ou Gregoriser (ci-dessous, p. 47), fut l'un des principaux acteurs des
événements de notre province dans les guerres dont elle fut le théâtre à
cette époque. Il figurera fréquemment dans les actes publiés dans le
présent volume. De Gençay, dont il est question ici, il avait fait une
place tellement forte et si bien défendue par la garnison qu'il y
entretenait, qu'elle brava les attaques des capitaines français et même
de Du Guesclin, longtemps après que le reste du Poitou eût été évacué
par les Anglais. Elle résista plus longtemps même que Lusignan, et nous
verrons qu'elle ne capitula qu'au mois de février 1375. Jean de Villemur
par conséquent ne profita jamais de la libéralité de Charles V.
Nous
allons résumer très brièvement, d'après Froissart, les faits de guerre
auxquels le seigneur d'Agorisses se trouva mêlé. Vers le mois d'août
1369, il fut battu avec Simon Burleigh et la garnison anglaise de
Montreuil-Bonnin, suivant la
Chronique normande (édit. A.
et E. Molinier, p. 192), par sept cents Français ayant à leur tête Jean
de Bueil, Guillaume des Bordes, Louis de Saint-Julien et Jean de
Kerlouet, dans un combat livré près de Lusignan. Les deux chefs anglais
demeurèrent prisonniers. (Edit. Luce, t. VII, p. 120. 121.) Adam Chel
prit part aussi au siège de Moncontour, défendit la Rochelle et Soubise,
assista au combat de Niort, où il se renferma et dont il fut l'un des
capitaines, de septembre 1372 à mars 1373. Enfin il combattit à Chizé,
où il demeura prisonnier de Du Guesclin, le 21 mars 1373. (Froissart,
édit. Kervyn de Lettenhove, t. VIII, p. 88, 139, 147, 165, 210, 218,
220, 225-234.) Rendu à la liberté, on ne sait au bout de combien de
temps, il s'enferma dans son château de Gençay. Les registres du Trésor
des chartes contiennent un assez grand nombre d'actes relatifs au sieur
d'Agorisses ; la plupart sont des donations de biens confisqués sur lui
et sa femme, preuve qu'il avait fait des acquisitions importantes en
Poitou et en Saintonge, ou que le prince de Galles s'était montré
généreux envers lui. Parmi ceux dont le texte ne figure point dans le
présent volume, nous citerons le don fait à Perrotin Darc, bourgeois de
la Rochelle, de trois cents livres de rente sur la terre de la Sauzaie,
paroisse de Saint-Xandre, dans le grand fief d'Aunis. (Lettres du 20
avril 1370, JJ. 100, n° 808, fol. 240 v°.) Cette terre était devenue la
propriété d'Adam Chel, parce que Durmas de Sainte-Maure, chevalier, son
prisonnier, ruiné par trois rançons successives, s'était vu obligé de la
lui céder pour racheter sa liberté. Ce chevalier qui servait sous Du
Guesclin, dans son expédition en Poitou et en Saintonge, obtint de
Charles V restitution de ladite terre par lettres du 10 septembre 1372
(JJ. 103. n° 184, fol. 97 v°). Après la reddition de Gençay, le sire
d'Agorisses retourna en Angleterre et y emmena sa femme. Celle-ci ne
revint en Poitou qu'en 1398, sans doute après la mort de son
mari.
3 On sait que Jean Chandos
avait pris possession du Poitou au nom du roi d'Angleterre, en septembre
et octobre 1361 (A. Bardonnet,
Procès-verbal de délivrance,
etc.). Nous ne rappellerons pas ici les faits et gestes du célèbre
lieutenant du prince de Galles dans notre province, dont il fut sénéchal
pendant la seconde moitié de l'année 1369, comme l'a établi M. S. Luce
(édit. de Froissart, t. VII, p.
lxxv, note). Il portait aussi
le titre de connétable d'Aquitaine. Le combat de Lussac, où Chandos fut
blessé mortellement eut lieu le matin du jour de l'an, mardi 1
er janvier 1370 n. s. Suivant la première rédaction
de Froissart, il aurait survécu trois jours, et d'après la seconde, un
jour et une nuit seulement, à sa blessure. La tradition constante du
pays, d'accord avec Froissart, est que l'illustre guerrier expira à
Mortemer (canton de Lussac, Vienne), où il fut enterré et où son tombeau
existait encore, dit-on, au commencement de la Restauration.
Indépendamment de ce tombeau, un monument fut élevé à l'endroit même où
Chandos avait été frappé mortellement, à l'extrémité occidentale du pont
de Lussac. aujourd'hui détruit, sur le territoire de la paroisse de
Civaux. (S. Luce,
loc. cit., p.
lxxxvi.) Voy.
aussi B. Fillon,
Jean Chandos, Fontenay, 1850, et L.
Delisle,
Histoire de Saint-Sauveur-le-Vicomte, dont Chandos
était seigneur.