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Restitution à Agnès Forget, veuve en premières noces de Jean Mercereau, de Fontenay-le-Comte, de la moitié des biens meubles et héritages confisqués sur elle et sur Henry Abbot, Anglais, son second mari.
- B AN JJ. 104, n° 7, fol. 7 v°
- a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 19, p. 282-286
Charles, par la grace de Dieu roy de France. Savoir faisons à tous, presens et avenir, nous avoir receue l'umble supplicacion de Agnès Forgete, femme Henry Abbot, anglois, contenant que, comme de la ville de la Ferté Milon, là où elle fu née, feu Climent Forgete, son oncle, l'eust menée à Fontenay le Conte en Poitou, là où il demouroit, et l'eust illec mariée à feu Jehan Mercereau, après le trespassement du quel, nostre très chier seigneur et pere, que Dieux absoille, eust bailliée aus Anglois la duchié de Guienne et fait mettre en leur obeissance, et tantost après ce que yceulx Anglois orent prinse la possession du dit duchié et de la dicte ville de Fontenay estant en ycellui, le dit Henry trouva la dicte Agnès vefve, qui par la simplece d'elle l'espousa ; et ont eu durant le mariage un bel filz, qui peut avoir d'aage environ huit ans ; pour l'amour du quel filz et pour pourveoir à sa vie et sustance [p. 283] ou temps avenir, les dis conjoins ont fait pluseurs petiz acquests, et il soit ainsi que il a pleu à nostre Seigneur Jhesu Crist que la dicte ville de Fontenay, après et avec pluseurs autres, soit revenue et retournée à nostre obéissance, et l'aient les habitans d'icelle rendue aimablement à nostre très chier et feal frere le duc de Berry1, nostre [p. 284] lieutenant ès dictes parties, pour nous et en nostre nom ; le quel nostre frere et lieutenant a donné à nostre amé et feal conseillier le connestable de France, la dicte ville et chastellenie2, et aussi a donné à ses gens et autres tous les biens meubles et heritaiges que tenoient les Anglois et leurs femmes, demourans en la dicte ville de Fontenay, par vertu et soubz umbre duquel don, Pierre Maigni3, breton, a prins, saisis et arrestés, et appliqués à ses usaiges tous les heritaiges des dis conjoins, et d'iceulx s'est bouté en possession et saisine, en boutant hors la dicte Agnès et son dit petit [p. 285] filz, povres et mis hors de tous leurs biens meubles et heritaiges, en telle maniere que riens ne leur est demouré, qui est contre raison, consideré que le dit Henry, depuis le mariage d'entre eulx, a esté bon et loyal marchant, en entencion de demourer avec sa femme et son enfant, comme [bon] et loyal marchant, combien que ou dit chastel de Fontenay il fut prins des François et mis à deux cens frans de rançon, et que la dicte Agnès est vraie françoise de nativité et a tousdis esté en cuer et conscience et encores est. Neantmoins le dit Maingni, breton, et autres ont tant mis à povreté la dicte Agnès et son petit filz que elle est venue avec son dit filz demourer à Paris, et y demeure en aventure de querir son pain, elle et son dit filz, se de nostre grace ne li est pourveu. Si nous a humblement supplié, comme elle soit née de nostre royaume et ait tousdiz esté et soit bonne françoise en cuer, comme dit est, et fust mariée au dit Henry par sa simplece, et ne doit avoir forfait ne perdre la moitié des dis conquests et son dit enfant l'autre moitié, attendu que elle ne scet ou le dit Henry est quant à present, nous lui vueillions rendre les diz heritages ainsi acquestez comme dit est, et donner, se mestiers est, pour la vie d'elle et de son dit filz soustenir. Nous, ces choses considerées, aians pitié et compassion de la dicte Agnès, à ycelle avons octroyé et octroions par ces presentes, de certaine science, grace especial, nostre auctorité et puissance royal, ou cas dessus dit, que elle ait, tiengne et posside toute la moitié des biens qui furent à elle et son dit mary4, se aucuns en sont en estre (sic) ; c'est [p. 286] assavoir de tous les heritages, terres, maisons, prés, vignes, cens, rentes et autres possessions quelconques, conquis et acquestés par le dit Henry et elle, depuis le mariage d'entr'eulx, les quelz nous lui avons donnez et donnons par ces presentes, de nostre dicte certaine science et grace especial, à tenir, joir, user et exploiter perpetuelment, sens rappel par elle, ses hoirs, successeurs et aians cause d'elle, sens contredit, difficulté ou empeschement aucun, non obstant quelconques dons, fais par nous, nostre dit frere ou autres, d'iceulx biens meubles et heritages au dit Maingni ou autres personnes quelconques ; les quelx nous rappellons, adnullons et mettons du tout au neant. Si donnons en mandement au seneschal de Poitou et à tous les autres justiciers de nostre royaume, ou à leurs lieux tenans, presens et avenir, et à chascun d'eulx, si comme à lui appartendra, que la dicte Agnès facent et laissent joir et user paisiblement de nostre dicte grace, ses hoirs, successeurs et aians cause, et contre la teneur d'icelle ne les contraingnent ou molestent, ou sueffrent estre contrains ou molestez en aucune maniere, en corps ne en biens. Et se aucuns d'iceulx biens estoient prins ou occuppez par quelque personne que ce soit, nous voulons et commandons les diz occuppemens estre ostez, et nous par ces presentes les en ostons à plain. Et que ce soit ferme chose et estable à tousjours, nous avons fait mettre nostre seel à ces presentes lettres. Sauf en autres choses nostre droit et en toutes l'autrui. Donné à Meleun, l'an de grace mil trois cens soixante et douze, et de nostre regne le neufviesme, ou mois de janvier.
Chanac. Par le roy en ses requestes. R. de Beaufou.