1 Nous avons vu dans le précédent
volume, p. 199 note, que les biens confisqués du Soudan ou Soudit de
Latrau, sire de Didonne, dans les châtellenies de Royan et de Saujon,
avaient été donnés, par lettres du 18 juillet 1347, à Foulque de Matha,
et que celui-ci s’étant emparé lui-même et à ses frais de Didonne, le
roi lui en abandonna la seigneurie, le 6 octobre 1350. Ce personnage
était un chevalier bordelais (cf. Latrau ou Latrave, commune d’Uzeste,
Gironde), qui rendit de grands services au prince de Galles. Froissart
l’appelle un « vaillant chevalier et bons homme d’armes durement », et
Cabaret d’Orville « un des vaillans chevaliers du monde ». Il fut
capitaine de Montauban pour les Anglais, suivit le Prince Noir au siège
de Limoges et contribua à la prise de Montpont. (Froissart, édit. Kervyn
de Lettenhove, t. VII, p. 301, 363, 366 ; VIII, 31, 71.) Le prince de
Galles lui fit don de la seigneurie de Talmont-sur-Gironde, le 10
février 1370, et Edouard III lui céda Montendre par lettres datées de
Westminster, le 11 avril 1377. Ces deux donations lui furent confirmées
le 10 juillet 1380. Le 18 mai de l’année suivante, le roi d’Angleterre
lui abandonna en outre des terres et tenements situés à Bordeaux et dans
la banlieue, et créa en sa faveur un marché et des foires dans l’une de
ses seigneuries, en juillet 1384. (Th. Carte,
Catalogue des rôles
gascons, in-fol., t. I, p. 163, 167, 168, 173.) Le Soudan de
Latrau accompagna le duc de Bourbon dans l’expédition qu’il entreprit en
1390 dans les Etats barbaresques, et trouva la mort au siège d’Afrique,
ville que l’on croit être Méhédia en Tunisie. (Froissart, édit. Kervyn,
t. XIV, p. 225 ; Cabaret d’Orville
Chronique du bon duc Loys de
Bourbon, édit. Chazaud, p. 222, 257.
2 Il a été question déjà de Jean La
Personne, qui devint vicomte d’Aunay par son mariage avec Marguerite de
Mortagne, fille unique de Pons de Mortagne, vicomte d’Aunay, veuve en
premières noces de Jean de Clermont, maréchal de France (vol. précédent,
p. 192 note, 286 note, 357). On a vu aussi que Jean La Personne étant
sénéchal de Poitou, en 1372, avait obtenu en don du roi Charles V des
biens confisqués sur Gautier Spridlington, chevalier anglais, et sa
femme, Colette, veuve en premières noces de Philippon le Boulenger,
biens situés en Poitou et en Saintonge (voy. ci-dessus, p. 141 note du
présent volume). Ainsi le vicomte d’Aunay exerça l’office de sénéchal de
Poitou pour le roi de France, c’est un fait acquis ; mais on ne sait à
quelle date il fut investi de ces fonctions. On ne cite aucun autre
sénéchal depuis le rétablissement de cette charge par Charles V. Or ce
prince ne paraît pas avoir attendu que le pays fût retourné à son
obéissance pour nommer un sénéchal, et l’office semble avoir été rétabli
avant le 5 mai 1370 ; une déclaration du roi, donnée à cette date et
portant que Jean, duc de Berry, lui a fait les foi et hommage pour son
comté de Poitou, est adressée aux sénéchaux de Poitou, de Touraine,
d’Anjou et du Maine. (Arch.nat., J. 185
B, n° 29).
D’autres actes de l’année 1370 mentionnent le sénéchal de Poitou seul.
Voy.entre autres, des lettres en faveur de Gérard de Téoulct, dit le
Borgne, de Limousin, du 7 décembre 1370 (JJ. 102, musée des Archives, n°
391, fol. 16, n° 35), et les pièces publiées dans ce volume, aux dates
du 2 mars, d’août et de mai 1370, etc.
Guy de Luxembourg, comte de
Ligny et de Saint-Pol, lieutenant du roi ès parties de Picardie, outre
la rivière de Somme, fit don, le 27 novembre 1369, à Jean La Personne,
vicomte d’Aunay, d’une dîme et de biens sis dans le comté de Boulogne,
confisqués sur Frémin de French qui servait les Anglais en Guyenne, en
récompense des pertes et des dépens que la guerre lui faisait subir, et
Charles V confirma cette donation par lettres du 6 février 1370 n. s.
(JJ. 100, n° 424 fol. 131 v°). Dans ces actes, le vicomte d’Aunay n’est
point qualifié sénéchal. Il n’en prend point le titre non plus dans un
document, plus probant encore, daté de Tours, le 7 septembre 1371. C’est
une quittance de gages, « desservis et à desservir » par Jean La
Personne, vicomte d’Aunay, deux chevaliers et dix écuyers de sa
compagnie, servant sous le maréchal Louis de Sancerre « ès parties de
Berry, Poitou et Limousin. » (Bibl. nat., Cabinet des titres, dossier La
Personne, n° 7.) Dans une note consacrée à son successeur, Alain de
Beaumont, il a été constaté que celui-ci fut nommé entre le 4 juillet et
le 26 octobre 1373 (ci-dessus, p. 298 note) ; il est donc probable que
Jean La Personne exerçait encore la charge de sénéchal de Poitou en
juillet 1373. D’ailleurs, sur un compte de Jean Le Mercier, trésorier
des guerres, du 1
er janvier 1373 n. s. au 1
er janvier 1374 n. s, parmi les gens d’armes qui ont
servi, l’an 1373, au nombre de 300 hommes sous le duc de Berry, ès
parties de Guyenne, figure le vicomte d’Aunay avec le titre de
sénéchal de Poitou, et commandant à 9 chevaliers et à
52 écuyers. (Bibl.nat., ms. fr. 20684, fol. 441, etc.) On trouve
plusieurs mentions du sénéchal dans les registres de comptes de l’hôtel
du duc de Berry pour les années 1371-1373, mais il n’y est jamais
désigné par son nom. Le vicomte d’Aunay ne figure sur les états des
officiers de la maison de ce prince qu’à partir de l’année 1374 ; il
prend alors le titre de conseiller du comte de Poitou aux gages de trois
francs d’or par jour. Du 1
er janvier au 30 juin
1374, il avait quatre-vingt-dix-huit journées de service, pour
lesquelles il lui fut alloué 294 francs ; du 1
er
juillet au 26 octobre de la même année, il servit auprès du duc de Berry
quatre-vingt-quatre jours et eut de ce chef 252 francs (KK. 252, fol. 35
v°).
Le vicomte d’Aunay avait eu aussi en don du roi la terre de la
Sauzaye au territoire de Saint-Xandre en Aunis. Durmas de Sainte-Maure,
chevalier, à qui avait appartenu antérieurement cette terre, attaqua en
Parlement la validité de cette donation, demandant à être remis en
possession de son bien. La cour ordonna, le 24 novembre 1375, de faire
une enquête à ce sujet, et renvoya les parties, pour le rapport et le
jugement, aux jours de Vermandois de la session suivante (X
1a 25, fol. 3 v°). Dans un mandement de Charles V aux généraux conseillers sur le fait des aides
ordonnées pour la guerre, relatif au paiement de divers chevaliers et
gens d’armes retenus au service du roi, on trouve « Jean La Personne,
vicomte d’Aunay, pour la garde de ses forteresses, au nombre de dix
hommes d’armes et de trente servans à pié comptez pour dix hommes
d’armes... » (Acte du 13 février 1379 n. s., L. Delisle,
Mandements de Charles V, p. 896.)
Des lettres de
notification de reprise de procès entre Aimery de Rochechouart et Jean
La Personne, agissant comme vicomte d’Aunay et ayant le bail et
administration de Guy La Personne, son fils, et de
sa feue
épouse (X
1a 29, fol. 98), nous permettent
de rectifier la date de la mort de Marguerite de Mortagne, fixée à tort
par les auteurs à l’année 1385 (vol. précédent, p. 192 note). Ces
lettres sont du 20 août 1380, peu de temps après le décès de la
vicomtesse d’Aunay. Le même Aimery de Rochechouart poursuivait au
Parlement Jean II de Clermont, qualifié alors vicomte d’Aunay, le 30
avril 1382 (X
2a 10, fol. 142 v°), ce qui autorise à
conclure que Jean La Personne était mort à son tour, un peu avant cette
dernière date. Il avait eu d’un premier mariage un fils aussi nommé
Jean, qui porte, dans de nombreux actes de la fin du
xive siècle, le titre de vicomte d’Acy, et de
son second mariage avec Marguerite de Mortagne, un autre fils, Guy La
Personne, comme nous venons de le voir. Ce dernier, qui porta aussi plus
tard le titre de vicomte d’Aunay, partagea avec son frère utérin, Jean
de Clermont, la succession de leur mère, partage qui ne se fit point
sans difficulté, comme le prouvent de nombreux actes de procédure au
Parlement, entre autres trois traités passés entre les deux frères et
enregistrés par la cour, les 1
er et 7 février 1382,
et le 23 mars 1383 (X
1c 44 et 46).