Pierre du Châtel, maître des comptes, chanoine de Notre-Dame
Pierre du Châtel faisait partie de la Chambre des comptes dès l'année 1366; depuis cette époque, sa signature est apposée au bas de plusieurs actes royaux rendus en conseil à la Chambre des comptes et insérés dans les registres du Trésor des Chartes. Aux termes d'un accord passé au Parlement le 24 novembre 1374 [fol. 32] (Arch. nat., X1C 29), « Pierre du Chastel, conseiller du roi, maistre de sa Chambre des comptes, » partagea avec Robert du Bellay, dit Rigaut, écuyer, la juridiction de Bonneuil, près Gonesse, au sujet de laquelle il était en procès aux Requêtes du Palais; c'est à titre de seigneur en partie de Bonneuil que nous le voyons, par acte du 16 août 1386, faire abandon au roi Charles VI de tout hommage pouvant lui être dû, à raison des moulins de Beauté-sur-Marne acquis par Charles V, lesquels relevaient pour un quart du fief de Bonneuil (Arch. nat., J 151B n° 81). Cette même année, le roi, ayant besoin de ressources pour mettre à exécution son projet de descente en Angleterre, s'adressa entre autres à Pierre du Châtel et lui demanda, par lettres du 9 septembre 1386, l'avance d'une somme de mille livres Tournois. P. du Châtel ne put prêter que quatre cents livres, dont maître Nicolas de Plancy, chargé de recouvrer l'aide « ordonnée pour le passage de la mer »,lui délivra obligation. Le 6 mars 1387, il était rentré dans ses débours, comme le prouve la quittance qu'il signa à cette date. Charles VI, voulant reconnaître les « bons et agréables services » que lui avait rendus son maître des comptes, lui alloua, le 9 août 1391 une somme de 500 francs d'or une fois payée, pour l'aider à soutenir son état (Bibl. Nat., cab. des tit., pièces originales). Pierre du Châtel n'était pas seulement conseiller du roi, maître de ses comptes, il était encore archidiacre de Soissons et chanoine de Paris. La date approximative de son entrée au chapitre de Notre-Dame, date que l'absence des registres capitulaires pour les années 1371 à 1391 ne permettrait point de préciser, est fournie par un registre du Parlement, qui cite Pierre du Châtel parmi les chanoines présents à la séance du 12 septembre 1378, où fut discuté le projet de construction d'un nouveau pont au-dessous du Petit Pont (Arch. nat., X1A 1471, fol. 245 r°). Il était au nombre des chanoines qui possédaient un logis dans le cloitre de Notre-Dame; l'hôtel claustral qui lui servait de demeure est mentionné dans une requête que le même P. du Châtel adressa au chapitre le 30 mars 1392, à l'effet d'être déchargé d'un petit domaine du côté de Chevilly, devenu onéreux pour lui. Nous signalerons en dernier lieu diverses particularités se rattachant à la vie privée de Pierre du Châtel. Le 13 juillet 1385 il déclara à la Chambre des comptes avoir perdu le signet d'argent dont il se servait pour authentiquer les expéditions de la cour (Arch. nat., PP 117, fol. 1026). En 1393, le même personnage se plaignit de certains excès et maléfices que lui avait fait subir Jean de Veinnes, fils de Jean de Veinnes boucher du roi; le 14 novembre de cette année le délinquant, qui était détenu au Châtelet, fut élargi sous caution; le registre criminel du Parlement (Arch. nat., X2A 12, fol. 187 r°) nous laisse ignorer la suite qui fut donnée à cet incident.
- R, Archives nationales, X1A 9807, fol. 43 r°.
Ou nom de la sainte Trinité, le Pere, et le Filz et saint Esperit, amen. Je, Pierre du Chastel, arcediacre de Soissons, conseillier du roy [fol. 33] nostre sire et maistre de ses comptes, sain de corps et de bonne pensee et aussi de bon entendement, considerant en condicion humaine qu'il n'est chose si certaine de la mort et de l'eure d'icelle si incertaine, pensant aux choses passees et aussi au derrenier jour de ma vie, desirant avenir a la joye de Paradis ; et pour ce, des biens que Dieu mon createur m'a envoyez et prestez, je en vueil ordonner, departir et laissier par maniere de testament ou de derreniere volenté, par la maniere e qui ensuit :
- Et premierement, je recommande mon ame a Dieu mon createur, a la tres douce glorieuse Vierge Marie sa mere, a monseigneur saint Michiel l'archange, a messeigneurs saint Pere et saint Pol apostres et a toute la benoite court de Paradis.
- Apres, je requier que mon corps soit mis en terre benoite quant l'ame en sera hors, c'est assavoir en l'Ostel Dieu de Paris, en la chappelle seant sur le parvis de l'eglise Nostre Dame de Paris, en laquelle chappelle on dit les heures canoniaux tous les jours et en laquelle j'ay esleu et ordené ma sepulture devant le maistre autel, et que je soye mis si pres du dit autel que le prestre qui vouldra dire messe soit sur ma tombe quant il dira son Confiteor.
- Apres, je vueil que mes debtes et torfais soient paiez et amendez ou ilz se pourront loyalment prouver, et vueil que ceulz a qui je devray et qui seront gens dignes de foy soient creux par leurs seremens jusques a la somme de lx solz Parisis et au dessoubz, et qu'ilz en soient paiez.
- Item, le jour que je seray anullié, je vueil que on face distribucion a tous ceulz de l'eglise qui seront a mon dit anulliement ii solz Parisis, et quant je seray alé de vie a trespassement, que je soye porté ou cuer de l'Eglise de Paris et que on face mon service ainsi qu'il appartient.
- Item, je vueil et ordene, que quant on fera mon obseque et service, que on y face luminaire jusques a la somme de deux cens livres de cire ou plus, a l'ordenance de mes executeurs.
- Item, le jour que on fera mon dit obseque et service, et aussi pour l'endemain, je vueil que on face distribucion aux chanoines et a ceulz [fol. 34] qui prennent comme chanoine, pour chascune heure de vespres et de messe, vi solz.
- Item, a ceulz de la communauté qui seront aux dis services, ii solz.
- Item, pour dire les sept pseaulmes aux dis chanoines ii solz, et a la communauté viii deniers.
- Item, je vueil que on ordonne xxiiii chappellains et serviteurs de l'eglise et des plus povres qui diront le sautier, c'est assavoir, xii devant matines et xii apres matines, et vueil que chascun des dis xxiiii aient pour distribucion iiii solz.
- Item, je vueil et ordene que le jour de mon obseque et l'endemain, on face dire et celebrer mil messes par povres chappellains, et que on les quiere par les eglises de Paris, ainsi comme bon semblera a mes executeurs, et que a chascun chappelain soit baillié pour sa messe ii solz.
- Item, je vueil et ordene que on face dire et celebrer pour rame de moy deux anuelz apres mon trespassement, et qu'ilz soient faiz dedens la fin de l'an qui courra, et qu'il soit paié pour chascun anuel l frans ; desquelz deux anuelz je vueil et ordonne que messire Pierre Mercier, mon chappellain, en face l'un et qu'il en soit paié.
- Item, je lesse aux Celestins de Paris, pour augmentacion de ma chappelle et de maistre Robert de Jussy, afin que lui et moy soions en leurs prieres, cent frans d'or.
- Item, je vueil que on donne et distribue aux povres de l'Ostel Dieu de Paris, par la maniere que je l'ay acoustumé a faire, en baillant a chascun povre un blanc de iiii deniers pour une fois, et qu'il soit continué jusques a ce que on ait donné l frans.
- Item, je lesse au dit Hostel Dieu de Paris mon meilleur lit et ma meilleur chambre de sarges avecques quatre peres de draps des meilleurs et des plus grans.
- Item, je lesse a tous les hospitaulz de Paris, ou les povres trespassans sont receus et couchez, a chascun hospital iiii frans.
- Item, je lesse a l'ostel de Sainte Avoye, a la chappelle Estienne Haudry et aux Beguines, a chascun des dis hostelz deux frans. [fol. 35]
- Item, je lesse iiiic frans d'or a donner et distribuer par l'ordonnance de mes executeurs, c'est assavoir, les deux pars a povres honteux mesnagiers et povres femmes vesves, et a povres orphelins et povres filles a marier, et la tierce partie a povres escoliers et povres estudians par les estudes de Paris.
- Item, je lesse a Jehan Goulet et a Jaquet le Viellart, mes cousins, tous mes heritages que j'ay a Chastel et a Neuffou et environ ou païs de par dela, lesquelz me sont escheuz par l'eritage de mon pere et de ma mere.
- Item, je lesse et donne au dit Jaquet le Vielart tout ce qu'il me puet devoir et en quoy il m'est tenuz, pour cause qu'il s'est entremis de mes besongnes de par dela.
- Item, je lesse a Jehannin le Vielart, mon cousin, escolier et estudiant aux escoles, tous mes autres heritages qui sont de mon conquest ou dit pays de Chastel et de par dela.
- Item, je lui lesse tous mes livres de droit canon et civil et toutes mes escriptures de la rue au Feurre, excepté jes livres de medicine.
- Item, je lui lesse mon autre robe d'escarlate, apres celles que Gilete de la Porte et maistre Oudart de Trigny auront choisy.
- Item, je lesse a chascun des enfans du dit Jaquet le Viellart qui ne sont point mariez, et aussi a Poncete et a la Boyteuse sa seur qui sont mariez, a chascun et a chascune vint frans.
- Item, je lesse a Perrinet, mon fillol, filz de feu Pierre de Soissons, dix frans.
- Item, je lesse a chascun et a chascune filol et fillole que j'ay, ii frans.
- Item, je lesse a Marion, femme de Guillemin Boucher, toute ma robe de pers.
- Item, je lesse a Flandrine, femme feu Colart le Borgne, l frans.
- Item, a Jehannin, son petit filz, xx frans.
- Item, a Richart Barbelet, frere de la dicte Flandrine, l frans.
- Item, a Milet de Saint Leu l frans.
- Item, a Jehan de Justine, l'avugle, xx frans, par telle maniere et condicion que la dicte Flandrine et les dis Jehanin son filz, Richart, [fol. 36] Milet, et Jehanin et Jehan de Justine ne chascun d'eulz ne demanderont ou partiront en aucune maniere aux heritages que j'ay lessiez aux dis Jehan Goulet et Jaquet le Vielart, mais y renonceront tout entierement en prenant les lays que je leur fais ; et ou cas qu'ilz ne vouldroient accepter, je les prive du dit lais et qu'ilz soient baillez aux dis Jehan Goulet et Jaquet.
- Item, je lesse a la dicte Flandrine mon sercot d'escarlate brune avecques les deux chapperons de mesmes.
- Item, je lesse maistre Oudart de Trigny mon autre meilleur robe d'escarlate, apres ce que Gilete de la Porte aura choisi la robe que je lui lesse.
- Item, je lesse a Jenson Gaillart, mon clerc, IIIC frans, et si lui lesse ma robe de drap mabre rouget de Brucelles, c'est assavoir, manteaux, sercot et chapperon de mesmes.
- Item, je lesse a messire Pierre Mercier, mon chappellain, pour les bons services qu'il m'a fais et fait encores tous les jours et dont je me tieng content, IIC frans avecques ma robe de caignet, et afin qu'il prie pour moy, et que je soye en ses prieres et qu'il lui souviengne de moy, je lui lesse mon petit breviaire complet avec l'estuy a le mettre.
- Item, je lesse a Raoulet Cabaret xl frans.
- Item, a Gieffroy, mon page, x frans.
- Item je lesse a messire Guillaume du Chesne, chappellain en l'eglise Nostre Dame de Paris, pour prier pour l'ame de moy, xx frans.
- Item, je lesse a Gillete de la Porte iiiic frans, et si lui lesse ma meilleur robe d'escarlate laquelle qu'elle vouldra choisir.
- Item, je lui lesse douze tasses d'argent blanches, et si lui lesse six autres tasses d'argent blanches dorees par dedens.
- Item, je lesse toute la vaisselle de ma cuisine, et tous mes autres liz et couvertures, et tout mon linge viel et nuef, avec mes toilles que je puis avoir, afin qu'elle en donne et distribue, pour prier pour l'ame de moy, a mes serviteurs et autres gens neccessaires, la ou elle verra qu'il sera bien emploie, et par especial aux dessus dis Jenson et messire Pierre. [fol. 37]
- Item, je lesse a la dicte Gilete, toute sa vie durant, toutes mes rentes et revenues que j'ay en la ville de Saint Denys en France avec ma maison que je y ay, assise devant l'eglise de Sainte Croix, et aussi tout ce qui m'appartient, en quoy la femme qui fu Jenson du Chastel prent son doaire, et aprez le decez de la dicte Gilete, je les lesse au dit Jehannin le Viellart, mon cousin.
- Item, je lesse a la dicte Gilete ma maison qui est assise en la rue Saint Christofle, devant l'ostel maistre Regnaut Freron, tant comme elle vivra, et apres son decez, je la lesse et donne au dit Jehannin le Viellart, mon dit cousin.
- Item, je lesse aux trois filles maistre Regnault Freron, c'est assavoir : a Ysabeau, a Jaqueline et a Perrette, a chascune mil frans pour leur mariage.
- Item, du residu de tous mes biens meubles, heritages, maisons, moulin, rentes et revenues quelzconques seans a Paris, a Pierrefite, a Bonneuil et a Eaubonne, avec toutes leurs circonstances et appartenances et toutes autres choses quelxconques et en quelque lieu qu'ilz soient, j'en fais mon hoir et heritiere ma fille, damoiselle Jehanne, femme de maistre Regnault Freron, premier phisicien du roy nostre sire, a les succeder, prendre et avoir, et encores d'abondant les lui donne et lesse par maniere de lez en testament, ou par autre meilleur maniere et voye que je puis et doy faire, sanz ce que autres personnes quelxconques y puissent ou doyent aucune chose demander ; premierement et avant toute euvre, toutes mes debtes, torfais, obseques et testament paiés entierement sans y aucune chose lesser, et aussi par telle maniere et condicion que le dit maistre Regnaut, mari de ma dicte fille, tiengne et soustiengne le dit Jehannin le Viellart, mon dit cousin aux escoles d'an en an sans interrupcion de temps, afin qu'il puisse acquerre science et qu'il prie pour moy, et aussi qu'il luy administre ses necessitez qui lui appartiennent, toutes foiz que mestier en sera, jusques a la somme de vc frans, lesquielz je lui donne et lesse, et vueil qu'ilz soient paiez a l'ordenance du dit maistre Regnaut, sans contredit aucun ou reffuz; et s'il avenoit que le dit Jehannin eust [fol. 38] acquis son gré de science avant que les dis cinq cens frans feussent despenduz ou allouez, le dit maistre Regnault baillera le demourant des dis vc frans au dit Jehannin pour soy vivre et aidier en ses neccessitez, nonobstant autres dons et lays a luy fais en ce present testament; et de ce je charge tout entierement le dit maistre Regnault et qu'il acomplisse.
- Et pour faire et acomplir les choses dessus dictes et chascune d'icelles, je fais et ordonne mes executeurs especiaulz honorables hommes et saiges, le dit maistre Regnaut Freron, Jehan Goulet, mon cousin, maistres Jehan Creté et Adam Richeux, maistres de la Chambre des comptes, maistre Oudart de Trigny, clerc d'icelle Chambre, messire Pierre Mercier, mon chappellain, et Jençon Gaillart, mon clerc, et chascun d'eulz pour le tout, par telle maniere que, se tous ensemble n'y pevent ou povoient vacquer ou entendre, les v, iiii, iii, ii ou un puissent faire et parfaire et acomplir mon dit testament par l'ordenance du dit maistre Regnaut sans lequel je ne vueil estre fait. Auxquielz mes executeurs dessus nommez, oultre les lays a eulz en ce present testament, a chascun d'eulz, pour leur paine et traval qu'ilz auront en faisant l'execucion de mon dit testament, je lesse xl frans.
- Item, au dit Jehan Goulet, mon dit cousin, pour sa paine et travail et pour l'affection que j'ay a luy, oultre le lays a luy faiz, comme dessus est dit, iic frans, et aussi pour acomplir et parfaire toutes les choses dessus dictes et chascune d'icelles, je leur donne plain povoir et auctorité en les mettant en saisine et possession de tous mes biens quelxconques, en submettant en tant comme je puis tout le fait de mon execucion a la court de Parlement, en deboutant tout autre juge. Lequel testament ou derreniere volenté dessus dictes, je vueil qu'il vaille et soit tenu par maniere de testament ou de derreniere volenté, ou par maniere de coudicile, ou par autre meilleur maniere que de droit ou de coustume mieulz valoir porra et devra, en renonçant a tout autre testament qui devant cestui seroit fait, et vueil que ce present testament vaille et ait son plain effect.
En tesmoing de ce, j'ay ratifié et signé de ma propre main ce [fol. 39] present testament et seellé de mon propre seel. Ce fut fait en mon hostel claustral a Paris, le xxviiie jour de juillet, l'an mil ccc iiiixx et quatorze. Et pour ce que je vueil que toutes les choses dessus dictes et chascunes d'icelles soient parfaites, je, Pierre de Chastel, dessus nommé, les ratiffie et les approuve, tesmoing mon seel et saing manuel mis a ces presentes. Escript comme dessus. Ainsi signé P. De Chastel.
Collatio facta est cum originali testamento defuncti magistri Petri de Castro suprascripto.
J. Villequin.