Testaments enregistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles VI » Pierre Philippeau, prieur de Saint-Éloi de Paris
[fol. 90]
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Pierre Philippeau, prieur de Saint-Éloi de Paris

Pierre Philippeau, fils de Guillaume Philippeau et de Laurence Bersuire, doit la meilleure part de sa notoriété aux liens de famille qui l'unissaient au fameux bénédictin Pierre Bersuire, son oncle, qu'il remplaça en 1362 comme prieur de Saint-Éloi. Au début même de l'année 1363, Pierre Philippeau avait entre ses mains l'administration du prieuré de Saint-Éloi, comme le prouve un accord passé le 9 janvier de cette année avec l'abbé de Saint-Maur, au sujet des meubles de feu Pierre Bersuire. Le même Philippeau attacha son nom à la rédaction du censier de Samt-Eloi commencée sous ses auspices le 1er janvier 1392 par un moine du prieuré nommé Jean. Cette circonstance est rappelée dans une note placée à la fin de ce registre (Archives Nationales, LL 167). Indépendamment des dispositions que fait connaitre son testament, peu de temps avant sa mort Pierre Philippeau fonda dans l'église de Saint-Éloi trois messes pour le repos des ames de [fol. 91] son oncle et de ses père et mère, et légua au prieuré la modeste maison de la rue des Murs où s'était retiré Pierre Bersuire, pendant les dernières années de son existence (Arch. nat., L 613). Pierre Philippeau eut pour successeur, avant l'année 1406, Guillaume de Corbigny, religieux de Saint-Germain-des-Prés. (Cf. la notice consacrée à Pierre Bersuire par notre regretté confrère, L. Pannier, Bibl. de l'École des Chartes, t. XXXIII, année 1872.)

  • R, Archives nationales, X1A 9807, fol. 65 r°.

Testamentum prioris Sancti Eligii Parisiensis.

A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, Guillaume, seigneur de Tignonville, chevalier, conseillier et chambellan du roy nostre sire, garde de la prevosté de Paris, salut. Savoir faisons que par devant Guillaume Pié Dur et Jehan du Vivier, clers notaires du roy nostre sire ou Chastellet de Paris, fu present religieuse et honneste personne, frere Pierre Philipeau, prieur du prioré conventual de Saint Eioy de Paris, enferme de corps, toutevoies sain de pensee et d'entendement, si comme il disoit et comme de premiere face apparoit attendant et sagement considerant que briefs sont les jours de homme et de femme, et que a toute creature humaine par le decours du temps et de ses jours approuche le terme de sa vie, et que de necessité deceder le convient, ne scet ou, commant, ne quant; et pour ce, voulant, tandiz que raison gouverne sa pensee, et Dieu et le temps lui seuffrent les cas avantureux et perilleux qui de jour en jour aviennent a pluseurs creatures sans estre aparceus, et aussi le derrenier jour de sa vie presente seurprendre par ordonnance et disposicion testamentoires des biens et choses que Nostre Seigneur Jhesu Crist par sa grace lui a prestez en ce siecle transitoire, non voulant encourir, mais a son povoir obvier a tout vice d'ingratitude, il, par vertu d'unes lettres pu bulles de nostre tres Saint Pere le Pape Climent derrenierement trespassé, que Dieu absoille, seellees en plonc, que virent et tindrent les diz notaires, contenans la forme qui s'ensuit :

Clemens episcopus, servus servorum Dei, dilecto filio, Petro Philipelli priori prioratus Sancti Eligii Parisiensis, ordinis Sancti Benedicti, salutem et apostolicam benedictionem. Quia presentis vite condicio statum habet instabilem, et ea que visibilem habent essenciam tendunt [fol. 92] invisibiliter ad non esse, tu hoc salubri meditacione premeditans, diem tue peregrinacionis extremum disposicione testamentaria desideras prevenire. Nos itaque tuis in hac parte supplicationibus inclinati, ut de bonis tuis, undecunque non per ecclesiam seu ecclesias tibi commissas, alias tamen licite acquisitis, que ad te pertinere omnimode dignoscuntur, libere testari valeas, ac de bonis mobilibus ecclesiasticis tue disposicioni seu administracioni commissis, que tamen altaris vel altarium ecclesiarum tibi commissarum ministerio seu alicui speciali earundem ecclesiarum divino cultui vel usui non fuerint deputata, necnon de quibuscunque bonis mobilibus a te per ecclesiam seu ecclesias licite acquisitis, pro decentibus et honestis expensis tui funeris et pro remuneracione illorum qui tibi viventi servierunt, sive sint consanguinei, sive alii, juxta servicii meritum, moderate tamen disponere et erogare, et alias in pios usus et licitos convertere valeas, prius tamen de omnibus predictis bonis ere alieno, et his, que pro reparandis domibus seu edificiis consistentibus in locis ecelesiarum vel beneficiorum tuorum, culpa seu negligencia tua seu procuratorum tuorum destructis seu deterioratis, necnon restaurandis aliis juribus earundem ecclesiarum vel beneficiorum deperditis ex culpa seu negligencia supradictis fuerint oportuna, deductis, devocioni tue plenam et liberam auctoritate presencium concedimus facultatem. Volumus autem quod in eorundem ecclesiasticorum disposicione bonorum juxta quantitatem residui erga ecclesias a quibus ea percepisti te liberalem exhibeas, prout consciencia tibi di[c]taverit, et saluti anime tue videbitur expedire. Datum Avinioni (sic), ii nonas junii, pontificatus nostri anno quinto decimo. Et estoient ainsi signees Jo. Mureti, et en la marge estoit escript ce qui s'ensuit: Registrata gratis : N. de Hubanto.

fist et ordonna son testament ou ordenance de derreniere voulenté, ou nom du Pere et du Filz et du saint Esperit, amen, en la maniere qui s'ensuit :

  • Premierement, il, comme bon et vray catholique, en recommandant s'ame a Nostre Seigneur Jbesu Crist son createur et redempteur, a la tres glorieuse et beneoite Vierge Marie sa mere, a monseigneur [fol. 93] saint Michiel l'archange, a monseigneur saint Pere et saint Paul, a monseigneur saint Eloy et a toute la benoiste court et compaignie de Paradis, volt, ordonna et commanda expressement et avant toute euvre toutes ses debtes estre paiees et ses torsfaiz amendez et reparez, dont il apperra souffisaument par ses executeurs ci dessoubz nommez.
  • En apres, il eslut sa sepulture et volt son corps estre mis et enterré en la chappelle Nostre Dame estant en la dicte eglise Saint Eloy a Paris.
  • Item, il ordena et voult xiii messes estre dictes et celebrees le jour de son obseque pour le salut de s'ame, c'est assavoir, trois a note et les autres basses, oultre le service que le prieur sera tenu et devra faire faire.
  • Item, il ordena et vouit son luminaire estre fait de huit torches, chascune de trois livres de cire, et de quatre cierges, chascun de deux livres de cire.
  • Item, il laissa xii livres Parisis a estre donnees pour Dieu le jour de son obseque par l'ordennance de ses executeurs.
  • Item, il laissa xvi livres Parisis pour la despense du disner de ceulx qui feront son service et de ceulx qui seront a icellui, et sera icelle despence faite par l'ordenance de ses diz executeurs.
  • Item, il laissa a Guion des Olieres, son serviteur, iiii livres Tournois.
  • Item, a Bernart Magdelainne, qui fu son queux, xl solz Tournois.
  • Item, a messire Hugues Moulin, son serviteur, de pieça prestre, x livres Tournois.
  • Item, a Jehan Robineau xl solz Tournois.
  • Item, a Jehan Andraut xl solz Tournois.
  • Item, il laissa a Perrin, son queux de present, xx solz Tournois.
  • Item, a Jehanne du Pont, sa garde, xl solz Tournois.
  • Item, le dit testateur dist et afferma en sa conscience par devant les
  • diz notaires qu'il avoit et a donné et distribué toutes ses robes, chappes, manteaux, corses, ostades, sarges, estamines, chapperons, chausses et autres vestemens, excepté ii houppellandes et deux petites [fol. 94] cottes qu'il a encores devers soy; et pour ce a deschargié el descharge d'icelles choses ainsi donnees et distribuees par lui ou il lui a pieu Berthelemin Sebillon qui ycelles ou la greigneur partie avoit en garde, et l'en quicte a tousjours, et avecques ce tous ses familiers et serviteurs et tous autres a qui ce peut et doit appartenir, en voulant le don et distribucion qu'il en a fait estre et demourer bon et valable.
  • Item il laissa a chascun de ses executeurs qui de son execucion s'entremettront cent solz Tournois.
  • Item, ce present testament, et les exeques et funerailles du dit testateur, et les appartenances et deppendences de ce paiez et acompliz, icellui testateur laissa au prieuré du dit lieu de Saint Eloy le residu de tous ses biens meubles, tant vins, chevaux, utensilles d'ostel, comme autres quelxconques, avecques toutes ses debtes, pour estre tournez et convertiz es reparacions des maisons et lieux du dit prioré, et aussi pour estre tournez et convertiz ou prouffit et acroissement d'icelui prioré et du tresor du dit lieu, et afin qu'il soit acueilliz et participant es bienfaiz, prieres et oroisons du dit lieu.

Pour toutes lesquelles choses dessus dictes et chascune d'icelles faire, parfaire, enteriner et acomplir deuement, le dit testateur fist, ordena et establi ses executeurs et de foy commissaires, noble homme et sage, messire Pierre Boschet, conseillier du roy nostre sire et president en son Parlement, honnourables et discretes personnes, maistre Jehan Garitel, le dit messire Hugues Moulin et Pierre de Grés, auxquelx ensemble et a chascun d'eulx par soy et pour le tout il donna et octroya plain povoir, auctorité et mandement especial de faire et parfaire la dicte execucion, les appartenances et dependences, et tout ce que bons, vraiz et loyaux executeurs pevent et doivent faire. Es mains desquelx ses executeurs et de chascun d'eulx il se dessaisi et desvesti de tous ses biens, et les en saisi, et volt et consenti estre saisiz et vestus par l'ostension de ces presentes jusques a l'enterin acomplissement d'icelles, et rappela et rappelle par ces presentes tous autres testamens, codicilles ou ordenances de derreniere voulenté par lui faiz avant le jour de huy, et voult et ordena que ce sien present testament vaille et tieigne par maniere [fol. 95] de testament, de codicille, de derreniere voulenté ou autrement, par la meilleur forme et maniere que mieux pourra et devra valoir. En tesmoing de ce, nous a la relacion des diz notaires avons mis a ces lettres le seel de la prevosté de Paris, l'an de grace mil iiiic et deux, le vendredi vint six jours de janvier.

Collatio facta est cum originali testamento suprascripto, xv die februarii m° cccc° iido