Testaments enregistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles VI » Jean du Drac, président au Parlement de Paris
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Jean du Drac, président au Parlement de Paris

Jean du Drac, fils de Barthélemy du Drac, trésorier des guerres, était en 1381 avocat au Parlement. Deux ans auparavant il eut à soutenir un procès au Châtelet au sujet de la succession paternelle, contre son frère Berthelot du Drac, lequel, pour se venger d'un emprisonnement qu'il avait subi à raison de menaces proférées contre Jean du Drac, s'embusqua sur son passage dans le cloître Saint-Merry et le frappa d'un coup de dague; Jean, ainsi attaqué, riposta par un coup de couteau. A la suite de cette rixe sanglante, Berthelot du Drac prit la fuite et resta deux ans absent; revenu à Paris et réconcilié avec son frère, il obtint des lettres de rémission au mois de mai 1381 (Douet d'Arcq, Choix de pièces inédites relatives au règne de Charles VI, t. I, p. 21). Cet incident n'entrava point la carrière de Jean du Drac que nous retrouvons conseiller lai au Parlement à la date du 6 novembre 1392. Il siégea à la grand' Chambre de 1392 à 1403, et le 26 mai 1403 remplaça Jacques de Ruilly comme président des Requêtes du Palais. A l'ouverture du Parlement de 1407, tous les présidents étant absents, le chancelier Arnaud de Corbie le délégua pour présider la séance du l5 novembre, malgré les protestations formulées par les maîtres des Requêtes de l'Hôtel. Le 1er avril l4ll, Jean du Drac recueillit la succession de Pierre Boschet et fut appelé au poste de quatrième président du Parlement. Il joua un rôle actif dans les proscriptions qui frappèrent les Armagnacs en 1412, et figure en tête des juges chargés de sévir contre les adhérents de ce parti; presque tous ceux qui participèrent à ces poursuites et qui se signalèrent par leur ardeur à servir la réaction cabochienne durent prendre le chemin de l'exil; s'il ne partagea point leur fortune, c'est que la mort l'enleva au début de l'année 1413; le mercredi 1er mars fut notifié au Parlement le décès de Jean du Drac, président in quarto loco, trespassé à Espineul les Saint Denis. Seigneur de Champagne-sur-Oise, il épousa Jacqueline d'Ay qui possédait, entre autres biens, 24 livres de chef cens sur plusieurs maisons sises à Paris, rue Saint-Jacques-de-la-Boucherie, et qui survécut à son mari nombre d'années, bien que son épitaphe porte la date du 4 juin 1404. Tous deux furent inhumés à Saint-Merry (Arch. nat., X1A 1478, fol. 113 v°, X1A 1479, fol. 1 v°, 154 v°, 197, 212; X1C 101, accord du 5 juin 1411). Le président du Drac laissa trois fils et quatre filles les fils sont: Philippe, vicomte d'Ay, [fol. 324] Jean, doyen, puis évêque de Meaux, et Gérard, seigneur de Cloyes. ( Voy. Généalogies des Présidents au Parlement, p. 37.) L'une des filles, Jeanne du Drac, mariée à Philippe de Mobiliers, premier président du Parlement sous la domination anglaise, fonda en 1426 une chapelle à Saint-Martin-des-Champs.

  • S, Bibliothèque nationale de France, Moreau 1161, fol. 672 v°.

A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, les cheveciers de l'eglise parrochial de Saint Merry a Paris, salut en Nostre Seigneur. Savoir faisons que en la presence de nostre amé et feal chapellain, messire Jehan Perrotin, prestre, nostre vicaire, et lieu tenant en ceste partie, auquel en ces choses et en plus grandes adjoustons pleine fov personnelment establi honnorable homme et sage, maistre Jehan du Drac, conseillier du roy nostre sire et president en son Parlement, enferme de corps, toutes voies sain de pensee et de vray propos entendement, si comme il disoit et que de prime face apparoit, attendant et sagement considerant qu'il n'est chose plus certaine de la mort ne moins certaine de l'eure d'icelle, laquele il desiroit prevenir par ceste maniere testamentoire, et, pour ce, pensant a la fin de sa vie non voulant de ce siecle deceder intestat, mais de son povoir pourveoir au salut et remede de son ame, et disposer et ordener de sov mesme et de ses biens que Dieu lui avoit donnez et admenistrez, de certaine science et vray entendement fist, ordena et divisa son testament et ordenance de derreniere voulenté, ou nom du Pere, et du Filz et du saint Esperit, en la forme et maniere qui s'ensuit :

  • Premierement, il, comme bon catholique et vray Christian, recommanda et recommande tres humblement et devotement son ame, quant de son corps departira, a Nostre doulx Sauveur Jhesu Christ, a la benoite glorieuse Vierge Marie sa doulce mere, a monseigneur saint Michiel l'archange, a monseigneur saint Pierre et saint Pol, et a monseigneur saint Merry, son patron, a tous sains et sainctes, et generalment a toute la benoite court et compaignie de Paradis, en requerant de Dieu le tout puissant son createur, pardon, indulgence et remission de ses pechiez et mesfaiz, et que par nous ou par nos menistres lui feussent administrez les sacremens necessaires de Saincte Eglise.
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  • Item, il voult et ordena que son corps apres son trespassement, feust enseveliz, enterrez et mis en sepulture en la dicte eglise de Saint Merry, en la chapelle ou l'en dit la messe de la parroche, la ou repose feu son pere et ses autres amis.
  • Item, il voult et ordena ses debtes estre paiees et torsfaiz amendez, premierement et avant toute euvre, lesquelles apperront clerement estre deues, par ses executeurs cy apres nommez.
  • Item, il laissa a l'euvre de la dicte eglise de Saint Merry soixante quatre solz Parisis.
  • Item, a nous, les cheveciers dessus diz, soixante quatre solz Parisis.
  • Item, a nos deux chapellains de la dicte eglise trente deux solz Parisis.
  • Item, a nos deux clers de la dicte eglise seize solz Parisis.
  • Item, a l'euvre de Saint Medart a Espineul seize solz Parisis.
  • Item, au curé d'icelle ville seize solz Parisis.
  • Item, au chapellain et aux clers d'icelle ville, a chascun quatre solz Parisis.
  • Item, a l'Ostel Dieu de Paris vint solz Parisis.
  • Item, a l'euvre de Nostre Dame de Paris dix solz Parisis.
  • Item, a Saint Jaques du Hault Pas quatre solz Parisis.
  • Item, aux quatre ordres Mendians, a chascune seize solz Parisis.
  • Item, aux Quinze Vins de Paris seize solz Parisis.
  • Item, au Saint Esperit en Greve seize solz Parisis.
  • Item, le dit testateur voult, ordena et laissa annuelment et perpetuelment a tousjours vint quatre livres Parisis de rente prins sur ses conquestz, ou cloistre Saint Merry, sur la maison messire Jehan Buletel, prestre, quatorze livres Parisis, et le remanant sur la maison de Thomas de la Cloche, ou dit cloistre Saint Merry, pour celebrer annuelment et perpetuelment quatre messes, chaque sepmaine, en la chapelle la ou il sera enterré en la dicte eglise de Saint Merry, pour le remede et salut de son ame et de ma damoiselle Jaquette d'Ay, sa femme, conjoinctement ensemble et de tous leurs amis, et a ce faire [fol. 326] se consenti ma dicte damoiselle pour sa part. Et en oultre, voult et ordena le dit testateur que ma dicte damoiselle, sa femme, principalment, se Dieu faisoit son commandement de lui, en ordene a sa propre voulenté sa vie durant, et apres son deces en l'ordenance des heritiers des deux parties, ou cas qu'elle n'en auroit ordené sa vie durant, ou les executeurs d'icelle.
  • Item, de son service il en charge ses executeurs et principalment ma dicte damoiselle, sa femme.
  • Item, il ratifia que une lettre de don mutuel entre lui et ma dicte damoiselle, sa femme, si demeure en sa force et vigueur.
  • Item, il voult et ordena que ses deux filles a marier aient autant pour leur mariage comme les deux autres mariees, et qu'elles reviengnent a partage en rapportant comme les autres.
  • Item, il laissa et donna a ma dicte damoiselle, sa femme, franchement et quittement, tous ses biens meubles et conquestz immeubles faiz par lui, tant au devant de leur dit mariage, comme ceulx faiz durant leur dit mariage, en quelque lieu qu'ilz soient, avecques le quint de son propre heritage, nonobstant us, coustumes, stiles ou usages de païs a ce contraires, et ne sera la dicte damoiselle tenue de payer debtes, ne faire obseques ne funerailles pour le dit testateur.
  • Pour toutes lesqueles choses dessus dictes faire, enteriner et loyalment acomplir, et mettre a execucion de point en point le dit testateur fist et ordena ses executeurs et feaulx commissaires, ma dicte damoiselle Jaquette, sa femme, a laquele il donna et donne plain povoir et auctorité au dessus des autres executeurs cy apres nommez, et qu'ilz ne puissent riens faire sans elle estre appellee, lesquelx cy s'ensuivent : c'est assavoir, maistre Phelippe de Morviller et Jehan de Fresnes, ses gendres, maistre Regnault de Sens, maistre Jehan d'Ay, messire Guillaume d'Ay, chevalier et frere de ma dicte damoiselle, et maistre Guillaume Rabay, et voult et ordena que les deux d'iceulx avecques ma dicte damoiselle puissent vacquer, faire et ordener en la dicte execucion, ou cas que les autres n'y pourroient entendre; ausquelx executeurs, comme dit est, et par especial a ma dicte damoiselle il donna et octroya [fol. 327] plain povoir, auctorité et mandement especial d'acomplir et de mettre a execucion deue toutes et chascunes choses dessus dictes et en ce present testament contenues. Es mains desquelx executeurs, comme dit est, ycellui testateur mist tous ses biens meubles et immeubles, droiz, creances et debtes, presens et a venir, et s'en dessaisi et devesti d'iceulx pour enteriner et acomplir cestui present testament, et les soubzmist pour ce du tout a la jurisdicion, cohercion et contrainte de toutes justices et jurisdicions, tant d'eglise comme de siecle, soubz qui ilz seront et pourront estre trouvez.

Et ceste presente ordenance testamentaire dist et afferma ycellui testateur estre sa derreniere voulenté, laquele il voult et manda estre tenue et valoir, et force et vertu avoir par le droit des testamens ou par le droit des codicilles, et par le droit de chascune autre maniere de derreniere voulenté, et autrement par tous droiz et par toutes les voyes et manieres par les quelx et queles il pourra et devra mieulx tenir, valoir, et force et vertu avoir, tant de droit comme de coustume. Et revocqua, cassa et adnulla le dit testateur tous autres testamens et codiciles, et ordenances de derreniere voulenté par lui faiz et passez par avant la date de ces presentes, en requerant nos lettres patentes sur ce lui estre faictes et ordenees.

Ces choses furent faictes, dictes et ordenees par le dit testateur en son hostel, seant en la dicte ville d'Espyneul, presens a ce ma damoiselle Jehanne Tadeline, vesve de feu Regnault de Gaillonnet, ma damoiselle Marie de Hennieres, niepce du dit testateur, Perrinet Landereau, clerc d'icellui testateur, Marie la Feinniere, Jaquette et Denisette, ses deux filles, et Philipot, filz du dit testateur, avec pluseurs autres de ce requiz et priez, si comme nostre dit chapellain les nous a rapportees.

A la relacion duquel, et en tesmoing des choses dessus dictes, nous ayons mis a ces presentes le seel de nostre dessus dicte chevecerie, le derrenier jour de fevrier, l'an mil quatre cens et douze.

Collacio facta est cum originali.