Testaments enregistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles VI » Renaud de Trie, amiral de France
[fol. 177]
[fol. 177]

Renaud de Trie, amiral de France

Renaud de Trie, seigneur de Sérifontaine, fils de Mathieu de Trie, dit Lohier, [fol. 178] et de Jeanne de Blaru, était, lors de l'avénement de Charles VI, chambellan du duc d'Anjou, régent du royaume, qui lui assigna en récompense de ses services 100 livres de rente sur les biens de Robert de Picquigny, partisan du roi de Navarre ces lettres de don, datées du 27 octobre 1380, furent confirmées par Charles VI le 26 janvier 1381 (Arch. nat., JJ 118, nos 41 et 267). Renaud de Trie devint bientôt chambellan du roi; c'est à ce titre qu'il prit part, le 3 mai 1389, au tournoi donné en l'honneur des princes d'Anjou armés chevaliers et qu'il assista au mois d'août suivant à l'entrée solennelle d'Isabeau de Bavière à Paris (Religieux de Saint-Denis, t. I, p. 597; Kervyn de Lettenhove, Chr. de Froissart, t. XIV, p. 24). Par lettres du 16 mai 1390, Charles VI gratifia son chambellan de 2,000 francs, et le 11 août de la même année l'envoya auprès du duc de Berry, avec une allocation de 200 francs pour subvenir aux frais de ce voyage (Bibl. Nat., cab. des titres, pièces originales). Le même Renaud est cité par Froissart au nombre des « quatre chevaliers d'onneur » auxquels fut provisoirement confiée la garde du malheureux roi tombé en démence le 5 août 1392 (Kervyn de Lettenhove, Chr. de Froissart, t. XV, p. 46). Il obtint en 1394 la charge de grand maître des arbalétriers, et après la mort de Jean de Vienne, en 1396, fut nommé amiral de France aux gages de 2,000 francs par an. Renaud de Trie était en même temps capitaine du château de Rouen et recevait en cette qualité mille livres par an de pension (Arch. nat., K 54, n° 28 ; Bibl. Nat., cab. des titres, pièces originales). Au mois d'octobre 1401, il se fit décharger d'une rente de 32 livres Parisis qu'il devait au domaine sur la justice de Fontenay, en compensation d'une rente équivalente qu'on lui servait annuellement sur les recettes de Chaumont en Bassigny et de Troyes, dont il lui était dû 640 livres d'arrérages (Arch. nat., JJ 157, n° 36). Vers la même époque, ce seigneur dut se démettre de la capitainerie de Saint-Malo que se disputèrent Olivier de Mauny, investi de cet office en septembre 1404, et le Borgne de la Heuse, appelé au même poste; après de longs débats, le Parlement décida le 17 février 1406 que la question serait réservée et soumise au roi lorsque sa santé serait rétablie (Arch. nat., X1A 1478, fol. 254 v°; X1A 4787, fol. 265 r°). Il était encore amiral de France le 14 janvier 1405, comme le montre une quittance de cette date pour 200 livres Tournois dont le roi lui fit present (Bibi. Nat., cab. des titres, pièces originales). Atteint d'une maladie incurable, il abandonna sa charge d'amiral à Pierre de Breban, dit Clignet, favori du duc d'Orléans, mais ce ne fut point à titre gratuit et bénévole; en effet, Monstrelet (t. 1, p. 127) nous apprend que Renaud de Trie s'en dessaisit « moyennant une grant somme d'argent qu'il en avoit receu par le pourchas du duc d'Orléans. » Le Religieux de Saint-Denis, plus explicite, dit qu'il ne consentit à résigner ses fonctions que contre le payement de 15,ooo écus d'or. Renaud de [fol. 178] Trie occupe une certaine place dans l'histoire littéraire du xive siècle, il fut l'un des auteurs du recueil poétique intitulé Livre des Cent Ballades; marié à Jeanne de Bellangues dès 1395 (Arch. nat., JJ 149, n° 315), il mourut en 1406, sans laisser de descendance directe; sa veuve contracta un nouveau mariage avec Jean Malet, sire de Graville, grand maître des arbalétriers.

  • R, Archives nationales, X1A 9807, fol. 185 v°.

A tous ceuls qui ces presentes lettres verront ou orront, Pierre de la Mare, garde des seaulx de la chastellerie de Chaumont, salut. Savoir faisons que par devant Jehan Cotelle, tabellion juré du dit lieu de par le roy nostre sire, vint personelment, si comme le dit juré nous rapporta, noble et puissant seigneur, messire Regnault de Trye, chevalier, seigneur de Seriefontaine, conseiller et chambellan du roy nostre dit seigneur, disant qu'il n'est plus certaine chose que la mort ne moins certaine chose de l'eure qu'elle doit venir, considerant en soy l'estat, honneur et chevance que soubz les biens de fortune il a euz en ceste mortelle vie par l'aide et grace de Dieu et espere a avoir tant comme il vivra, desirant le proufit et le sauvement de son ame, de ses pere, mere et bienfaicteurs, et que la vie de lui et dé humaine creature est pou de chose au regart de la vie pardurable, aiant memoire a ces choses, et que, comme bon et vray catholique, il veult vivre en ceste mortelle vie et d'icelle partir pour aler en l'autre siecle en bon estat, a fait, ordené et divisé son testament et derreniere voulenté, et ycellui baillié par escript au dit tabellion en un roole de papier contenant ceste fourme :

In nomine Domini, amen. Je, Regnault de Trye, chevalier, seigneur de Seriefontaine, conseiller et chambellan du roy nostre sire, estant en bon propos, sens et avis, foible de corps et en enfermeté de maladie; pensant au sauvement de mon ame, fais et ordene mon testament en la maniere qui s'ensuit :

  • Premierement, je commande l'ame de moy a Dieu mon createur, a la tres doulce glorieuse Vierge Marie sa mere et a toute la court de Paradis, et mon corps et sepulture, quant de ce siecle departira, estre mis en l'eglise et ou lieu cy dessoubz divisié. Et des biens que Dieu ma prestez et envoyez, je vueil premierement et avant toute euvre [fol. 180] que mes debtes et torfais soient paiez et pour le demourant de mon dit testament paier et accomplir, je veuil que sur tous mes biens meubles la somme de mil frans soit prinse pour estre baillee et distribuee par la main de mes amez et feaulx executeurs cy apres nommez en la maniere cy apres declaree.
  • Item, et avecques la dicte somme de mil frans, et sans ycelle apetuiser, je vueil que la somme de cinq cens frans soit paiee et baillee aux religieuses de Gomerfontaine, avecques la terre de Flocorut que je leur ay donnee pour une messe perpetuelle et chapelle que j'ay ordenee en la dicte eglise, pour y chanter a tousjours, et par chacun jour, tant pour l'execucion du testament de monseigneur mon pere, dont Dieu ait l'ame, comme pour le salut et remede de l'ame de moy et de mes bienfaicteurs; par ainsi et soubz telle condicion que les dictes religieuses et leurs successerresses seront tenues et çhargees de faire chanter la dicte messe, par chascun jour a tousjours mais perpetuellement, et a ce faire se obligeront par devers mes dis executeurs, et de la change et obligation prendre et recevoir je en charge mes dis executeurs.
  • Item, ou dit hostel de Gomerfontaine je eslis ma sepulture estre mise empres le lieu de celle de mon dit seigneur et pere, et pour celle cause, et aussi pour estre acompaigniez en leurs biensfais, messes, prieres et oroisons, je laisse pour une fois cinquante frans.
  • Item, je ordene et vueil que la pierre ou tombe qui est mise ou moustier pour mon dit seigneur et pere, soit pour lui et moy mise sur nous deux, et noz figures corporelles escriptes et pourtraictes armoyez de noz armes et faictes solennelment, et pour ce faire laisse LX frans.
  • Item, je vueil et ordene que au plaisir et louenge de Dieu, pour le salut de mon ame, mon obseque soit fait tantost apres mon trespassement, et que en ycellui faisant, n'ait chevaulx ne armes, ne quelques choses mondaines, mais y soient quatre gros cierges de cire et xiii torches alumees tout autour de ma sepulture, que tendront treze povres creatures vestues de drap noir, c'est assavoir, cotes et chaperons, aux despens de mon execucion.
  • [fol. 181]
  • Item, je ordene que le jour de mon dit obseque au dit lieu de Gomerfontaine cent messes soient chantees par cent prestres, et que chascun d'eulx ait trois solz Parisis.
  • Item, je donne, quicte et delaisse a Jehan du Bos Gilloust, escuier, deux cens frans que il me devoit, pour les bons et agreables services que il m'a fais, et ne vueil mie que pour tant la dicte somme de mil frans soit en riens diminuee.
  • Item, je laisse aux Cannes de Rouen, pour l'euvre et refection de leur eglise, et pour prier Dieu pour moy, cinquante frans.
  • Item, a chascune des religions Mendientes de Paris, pour faire chanter en chascune d'icelles eglises un anuel pour une fois, et au commencement de l'anuel chanter vigilles, et faire memoire de mon ame et dire messe solennelle au commencement, je laisse quarante frans.
  • Item, a l'ostel des enfans de Saint Esperit en Greve a Paris je laisse cinq frans.
  • Item, aux Bons Enfans de Saint Honoré a Paris je laisse cinq frans.
  • Item, a chascune des religions Mendientes de Rouen je laisse cinq frans.
  • Item, je laisse a Jehan des Chiens l'eritage que je lui ai donné de la mort de feu Jehan l'Escuier, dont il joist de present, par ainsi que, se il va de vie a trespassement sans hoirs de son corps, il retournera a mes heritiers et a ma ligne, nonobstant sa possession.
  • Item, je laisse a Pierre Vivien, dit de Maucourant, mon serviteur, trente frans.
  • Item, je laisse a Henault, mon varlet, trante frans.
  • Item, je laisse a Amy Tousepie, mon serviteur, quarante frans.
  • Item, a Jehan Joliz dix frans.
  • Item, a Mahiet le Saveton dix frans.
  • Item, a Simonnet le Saveton je laisse le fille et harnoiz de deduit, tant pour le gros comme pour le menu, avecques tous mes chiens.
  • Item, je lui donne le cheval que il a devers lui et vueil que il lui demeure a son proufit.
  • [fol. 182]
  • Item, je laisse a chascune des eglises dont je suis seigneur des parroisses, c'est assavoir, Seriefontaine, Marueil, Saumont, Hodent, Boisemont, Buly, Vaumaing, et aux autres non nommees et declairees en ces presentes lettres, jusques au nombre de dix parroisses et eglises, a compter les devant nommees, pour mettre es reparacions d'icelles eglises, a chascune cinq frans.
  • Item, je laisse a l'eglise de Seriefontaine, qui est ma cure parrochial, la somme de cinquante frans, afin deestre acompaigniez es biensfais, messes, prieres et croisons qui illec d'ores en avant seront dictes; laquelle somme sera distribuee et ordenee par mes dis executeurs es choses necessaires et convenables d'icelle eglise, et en la maniere que il verront en leurs consciences que il sera expediant du faire.
  • Item, je laisse a messire Noel, prestre, pour prier Dieu pour moy, quarante frans.
  • Item, je laisse a frere Eustace le Grant, mon confesseur, pour prier Dieu pour moy, vint frans.
  • Item, je laisse a messire Pierre, curé de Vaumain, cinq frans.
  • Item, je laisse a la confrarie Nostre Dame dePontoise cinq frans.
  • Item, et a celle de Gisors cinq frans.
  • Item, je vueil et ordene que Loys de Trye, mon nepveu, filz de
  • mon amé frere Jehan de Trye, que Dieu assoille, ait quatre chambres fournies, c'est assavoir, une qui est verte a bestes et est de tapisserie de haulte lisse, et les autres soient de sarges.
  • Item, je vueil que mon dit nepveu ait douse lis, dont quatre sont contenus et comptez es quatre chambres avant dictes.
  • Item, je laisse a mon dit nepveu toute la vaisselle et garnison de cuisine qui est a Boessy, et les arbalestes et harnois qui sont de la garnison du chastel du dit lieu de Boissy; toutes lesquelles choses avant dictes mon dit nepveu aura et prendra, sans pour ce riens prendre ne diminuer de la dicte somme de mil frans.
  • Item, je laisse a mon amé et feal frere, messire Jaques de Trye, chevalier, mon courcier morel.
  • Item, je laisse a Coquart de Blaru mon autre cheval morel.
  • [fol. 183]
  • Item, je laisse a Guillemet le Veneur mon cheval griz.
  • Item, je laisse a mon barbier quarante frans.
  • Item, a frere Berthaut Grenet je laisse dix frans.
  • Item, je laisse a Henry, mon serviteur, trois frans.
  • Item, je laisse a maistre Jehan le Mor dix frans.
  • Item, je laisse a mon chapellain, messire Alleaume, quarante frans,
  • Item, je laisse a Perrenete dix frans.
  • Item, je laisse a Marion de Bouchivillier, en augmentacion de son
  • mariage, quarante frans.
  • Item, tres especialment entre les autres choses, pour la bonne amour, priveté et compaignie que j'ai trouvee a ma tres chiere et amee compaigne, Jehanne de Bellangues, ma femme, et espere que ainsi soit tant comme il plaira a Dieu que nous soions ensemble, je vueil et ordene par cest present mien testament, que le don mutuel que nous avons fait l'un a l'autre de tous noz biens meubles a tousjours et conquests a vie, tiengne, vaille et sortisse son plain effect et vertu, et par cest present testament et de mon gré et voulenté je le loe, appreuve et ratiffie tant et si amplement comme faire le puis, non obstant usaiges et coustumes de païs, loy ou edit a ce contraires, et que les lettres qui de ce font mencion, du tout en tout aient et sortissent leur effect, en la maniere qu'elles sont dictes, faictes et ordenees, et selon leur contenu, sans muer ou changier, non obstant quelque revocacion cy dessoubz escripte et divisee, qui en celle partie ne lui face ou porte prejudice, mais par ces presentes soit confermé et valable en effect et teneur.
  • Item, je laisse a l'eglise Saincte Katherine de Paris, ou le dit feu mon frere est enterré, dix frans, pour faire un service pour le salut de l'ame de mon dit frere et de moy, et pour estre acueillis es biensfais de la dicte eglise.
  • Item, vueil que le jour que l'en fera le service en ladicte eglise, que tant de messes, comme l'en pourra, soient chantees pour ce jour, soient de religieux ou prestres seculiers; et, se tout ne se peut faire, que ce soit a un autre ou pluseurs jours, et que quarante frans soient [fol. 184] mis et employez en la chose, a bon avis et deliberacion de mes dis executeurs.

Et pour cest present mien testament faire et accomplir en la maniere que dit est, je fais et ordene mes executeurs mes amez et feaulx, la dicte Jehanne, ma femme, compaigneet amie, principale et premiere, ma sereur, Marguerite de Trye, dame du Boullai, mon frere, messire Jaques de Trye, frere Eustace le Grant, mon confesseur dessus nommé, et Guillaume de Doumesnil, escuier; auxquels et a chascun d'eulx portant ces lettres je donne plain povoir, auctorité et mandement especial de paier, faire, enteriner et acomplir ce present testament, et les choses avant dictes distribuer, ainsi que dit est, jusques a la dicte somme de mil frans complete employee, pourveu que s'il y a residu apres les dis laix paiez, que le demourant soit donné pour Dieu aux povres, ou converti en messes, ou ainsi ordené, comme ilz verront que il sera bon du faire. Et pour ycelle somme de mil frans avoir, je oblige et met es mains de mes dis executeurs tous mes biens meubles, pour les avoir, prendre et vendre, se mestier est. Et ou cas que la dicte somme de mil frans ne pourroit souffire pour ces choses enteriner et mes debtes paier, je vueil et ordene que l'en ait recours a mes conquests, lesquelx, quant a ce, je oblige et habandonne pour estre prins et vendras par mes dis executeurs, pourveu que [de] toutes les choses, avant dictes mes dis executeurs, ne l'un d'eulx, ne pourront riens faire sans la presence ou consentement de la dicte Jehanne, ma femme. Et a eulx tous je supplie et requier que de l'execucion et enterinement de ce present testament ilz se vueillent chargier et ycellui parfaire, enteriner et acomplir.

Et en confirmacion des choses avant dictes, en la presence du dit tabellion, le dit messire Regnault revoca et par ces presentes revocque tous autres testamens par lui fais au devant de cestui, en voulant et requerant que cestui present ait son effect sans rappel, et que par ses dis executeurs, ou l'un d'eulx, il soit presenté a la court et jurisdicion du roy nostre dit seigneur. En laquelle jurisdicion icellui messire Regnault le a soubzmis et soubzmet, pour estre publié et approuvé par [fol. 185] cellui ou ceulx a qui il appartendra, tout par la fourme et maniere que le cas le requiert; et que ycellui soit acompli dedens le temps prefix et acoustumé en tel cas, et apres compte rendu par devant les dis officiers du roy, le procureur d'icellui seigneur present et appelle. Et toutes ces choses avant dictes, nous, garde des seaulx dessus nommé, certifions nous estre vrayes, a la relacion du dit tabellion, auquel nous adjoustons foy, et en signe de ce, avons seellees ces presentes des dis seaulx.

Ce fut fait l'an de grace mil quatre cens et six, le mercredi douze jours ou moys de may.

Signé J. Cotelle.
Collacio facta est cum originali superius registrato, die via septembris, m° cccc vii°.