Jean Angelin, épicier de la rue Saint-Denis
- S, Bibliothèque nationale de France, Moreau 1161, fol. 615 r°.
L'an mil quatre cens et douze, le xviie jour de septembre, je, Clement Hugues, prestre chapellain de l'eglise Saint Jaques de la Boucherie a Paris et lieu tenant de monsieur le curé d'icelle eglise, me transportay en l'ostel de Jehan Angelin, espicier, seant a Paris en la rue Saint Denys, au coin de la rue Trousse Vache, et en la chambre haulte au dessus de la petite sale d'icellui hostel trouvay Jehan Angelin, couché en une couche, et Jehanne, sa femme, aussi couchee en son grant lit, enfermes de corps. Et me requist ycellui Jehan Angelin que je le oysse en confession, apres ce il feroit et constitueroit son testament, lequel Jehan se confessa a moy, et apres ce qu'il se fut ainsi confessé, voult deviser son testament et demanda a la dicte Jehanne, sa femme, se elle avoit nulz notaires plus agreables les uns que les autres, laquele respondi au dit Jehan, son mary « Dictes a messire Clement ce que vous me voulez dire et il le me dira. » Je, Clement, m'en alay devers elle et lui dis se elle avoit nulz notaires, les uns plus agreables que les autres, afin que le dit Jehan les mandast pour passer son testament, laquele me respondi que nennil, et que je escrivisse ce que son mari me deviseroit en faisant son testament, et puis apres je, Clement, ou deux notaires le lirions devant elle. Et alors me retournay devers le dit Jehan Angelin, lequel me devisa et ordena son testament de mot en mot. Et lors, pour [fol. 308] l'impetueusité du mal de l'espidimie d'iceulx deux malades, me descendi en la sale basse, et la escrivi ainsi et par la maniere que le dit Jehan le m'avoit devisé et ordené, et dis a Laurencette, sa garde, qu'elle alast querre maistre Anceau du Jardin, son confesseur, pour la confesser, pour ce qu'elle estoit tres griefment malade, lequel maistre Anceau vint, l'oy et confessa. Et, apres ce qu'il l'eut confessee, elle, oppressee de mal, ne peut attendre les diz notaires ne moy, mais dist au dit maistre Anceau qu'elle vouloit son testament estre fait par la forme et maniere que le dit Jehan, son mary, l'avoit fait et ordené par devant moy, qui a ycelle heure le finoye en la dicte sale basse. Lequel maistre Anceau descendi en bas, et vint devers moy et me dist qu'elle vouloit son testament estre fait par la forme et maniere que le dit Jehan, son mary, avoit fait le sien, et l'avoit ainsi la dicte Jehanne recité en la presence du dit maistre Anceau et Laurencette la Viennote, laquele Laurencette me tesmoingna lors, comme le dit maistre Anceau avoit fait. Dont cy apres s'ensuit la teneur du testament du dit Jehan Angelin, par la forme et maniere qui s'ensuit:
A tous ceulx qui ces presentes lettres verront, le curé de l'eglise parrochial de Saint Jaques de la Boucherie a Paris, salut en Nostre Seigneur. Savoir faisons que en la presence de nostre amé et feal chapeliain, messire Clement Hugues, prestre, nostre vicaire et lieu tenant en ceste partie, auquel en ces choses et en plus grandes adjoustons plaine foy, personelment establi honaeste homme et discret, Jehan Angelin, espicier et bourgois de Paris, enferme de corps, toutes voies sain de pensee et de vray propos et entendement, si comme il disoit, et que de prime face apparoit, attendant et sagement considerant qu'il n'est chose plus certaine de la mort ne moins certaine de l'eure d'icelle, laquele il desiroit prevenir par ceste maniere testamentaire, et pour ce pensant de la fin de sa vie, non voulant de ce siecle deceder intestat, mais de son povoir pourveoir au salut et remede de son ame, et disposer et ordener de soy mesmes et de ses biens que Dieu lui avoit donnez et administrez, de certaine science et vray entendement fist, ordena et advisa son testament et ordenance de derreniere voulenté ou [fol. 309] nom du Pere, et du Filz et du saint Esperit en la forme et maniere [qui s'ensuit] :
- Premierement, il, comme bon catholique et vray christian, recommanda et recommande tres humblement et devotement son ame, quant de son corps departira, a Nostre doulx Sauveur Jhesu Crist, a la benoite glorieuse Vierge Marie sa doulce mere, a monseigneur saint Michiel l'archange, a monseigneur, saint Pierre, saint Pol et a monseigneur saint Jaques l'apostre, son patron, a tous sains et a toutes saintes, et generalment a toute la benoite court et compaignie de Paradis, en requerant de Dieu le tout puissant son createur pardon, indulgence et remission de ses pechiez et mesfaiz, et que par nous ou par nos menistres lui feussent administrez les sacremens necessaires de Saincte Eglise.
- Item, le dit testateur voult et ordena qu'apres son trespassement feust enseveliz, enterrez et mis en sepulture ou cymetiere des Sains Innocens a Paris en la fosse aux povres.
- Item, le dit testateur voult, ordena et expressement commanda que ses debtes feussent payees et ses torsfaiz amendez par ses executeurs cy apres nommez.
- Item, le dit testateur laissa a l'euvre ou fabrique de l'eglise parrochial de Saint Jaques de la Boucherie a Paris, dont il est parrochien, pour une foiz, dix frans.
- Item, il laissa a nous, curé de la dicte eglise de Saint Jaques de la Boucherie, dix frans pour une foiz, par ainsi et par tele condicion que du luminaire qui sera alumé le jour de son obit nous n'aurons que la moitié, et l'autre moitié il voult et ordena qu'il feust alumé en faisant son service en la dicte eglise parrochial des Sains Innocens.
- Item, il laissa aux quatre chapellains de la dicte eglise Saint Jaques, pour dire vigiles a neuf pseaulmes et neuf leçons, ensemble pour une foiz, cent solz Parisis.
- Item, il laissa aux clers de la dicte eglise de Saint Jaques, pour une foiz, trente deux solz Parisis.
- Item, il laissa a l'Ostel Dieu de Paris, pour une foiz, cent solz Parisis. [fol. 310]
- Item, il laissa aux quatre ordres Mendians de Paris, pour dire vigiles, a chascune ordre pour une foiz, quarante solz Parisis.
- Item, il laissa a l'ostel Dieu de Saint Gervais vingt quatre solz Parisis.
- Item, il laissa a l'ospital du Saint Esperit fondé en Greve vint quatre solz Parisis.
- Item, le dit testateur voult et ordena que le jour de son obseque soient donnez, distribuez et aumosnez, pour l'amour de Dieu et le salut et remede de son ame, a chascun povre en sa main quatre deniers Parisis, et jusques a cinquante frans, se tant y venoit de povres.
- Item, le dit testateur laissa et donna a dix povres filles a marier, a chascune dix frans, a l'ordenance, regart et voulenté de ses diz executeurs, et la ou ilz verront qu'il seroit bien emploié pour Dieu et en aumosne, et en l'augmentacion de leur mariage.
- Item, le dit testateur voult et ordena que le jour de son obseque soient dictes et celebrees cinquante basses messes de Requiem pour le salut et remede de son ame et par l'ordenance de ses diz executeurs, et, pour ce faire, laissa cent solz Parisis.
- Item, il laissa a l'euvre Nostre Dame de Paris vint solz Parisis.
- Item, il laissa a l'euvre de Saint Jaques du Hault Pas lez Paris vint solz Parisis.
- Item, il laissa a l'euvre de l'ospital de Saincte Katherine a Paris, fondé en la grant rue Saint Denis, quarante solz Parisis.
- Item, le dit testateur voult et ordena estre dis et celebrez cinq annuelz de messes pour le remede et salut de son ame, par l'ordenance et voulenté de ses diz executeurs, et par telz prestres qui leur plaira a ce commettre et ordener. Et pour dire et celebrer chascun d'iceulx cinq anuelz il laissa quarante frans.
- Item, le dit testateur voult, approuva, manda et ordena que certaines lettres mutueles, faictes et passees entre ycellui testateur et Jehanne, sa femme, soubz le seel de la prevosté de Paris, tiengnent, vaillent et aient leur force et vertu par toutes les voyes et manieres [fol. 311] que faire se puet et qu'il est acoustumé de ce faire, et que ycelle Jehanne, sa femme, puisse joir et user, sa vie durant, des ususfruiz de tous les biens meubles et immeubles que le dit testateur a et puet avoir; apres ce sien present testament acompli de point en point et apres le trespassement de la dicte Jehanne, sa femme, voult et ordena le dit testateur que les heritiers d'icellui testateur en puissent joir et user plainement et paisiblement, comme vrays heritiers, et sans leur donner aucun empeschement; et ou cas que les diz heritiers du dit testateur ne vouldroient accepter ceste presente ordenance, et qu'ilz vouldroient aler ou dire contre les dictes lettres mutueles, en voulant empescher la dicte Jehanne, sa femme, qu'elle n'en joisse, d'iceulx biens il les a du tout privé et debouté, et par la teneur de cestui sien present testament le dit testateur les deboute et prive du tout en tout de toute la succession a tousjours mais; et voult et ordena que yceulx biens, apres le trespassement de la dicte Jehanne, sa femme, feussent et soient donnez, distribuez et aumosnez par ses diz executeurs cy dessoubz nommez en euvres piteables a povres gens mesnagiers et a filles a marier.
- Item, il laissa a la confrarie de monseigneur Saint Nicolas aux espiciers, dont les messes sont dictes et celebrees en la chapelle et hospital de Saincte Katherine, fondee en la grant rue Saint Denis a Paris, pour une foiz, cent solz Parisis.
- Item, il laissa et donna a chascun des enfans, filz et filles de ses deux seurs, vint frans.
- Item, il laissa et donna aux enfans de Symonnet, frere de la dicte Jehanne, sa femme, cent frans.
- Item, laissa et donna ycellui testateur a messire Clement Hugue, prestre, nostre chapellain et lieu tenant, son confesseur, pour une foiz, cent solz Parisis.
- Item, le dit testateur voult et ordena seize torches de quatre livres de cire la piece, et quatre cierges de six livres de cire la piece son luminaire estre fait le jour de son obit.
Pour toutes lesqueles choses dessus dictes faire, enteriner et [fol. 312] loyaument acomplir, et mettre a execucion de point en point, le dit testateur fist et ordena ses executeurs et feaulx commissaires, la dicte Jehanne, sa femme, maistre Guillaume de Villers, maistres Pierre Jehan, Jouachin de Geré, Symonet de la Mare, et Jehan Fouqueré, a chascun desquelx executeurs, qui se vouldra chargier de l'execucion de cestui present testament, pour vacquer et entendre diligemment a icelle, il laissa pour sa peine vint cinq frans; ausquelx executeurs tous ensemble, ou les trois d'iceulx pour le tout, pourveu toutes voies que la dicte Jehanne, sa femme, soit la premiere, il donna et octroya plain povoir, auctorité et mandement especial d'acomplir et mettre a execucion deue toutes et chascunes les choses dessus dictes et en ce present testament contenues. Es mains desquels executeurs ycellui testateur mist tous ses biens meubles et immeubles, droiz, creances et debtes, presens et a venir, et s'en dessaisi et se devesti d'iceulx tpour enteriner et acomplir cestui present testament, et les soubzmist pour ce du tout a la jurisdicion, cohercion et contrainte de toutes justices et jurisdicions, tant d'eglise comme de siecle, soubz qui ilz seront et pourront estre trouvez.
Et ceste presente ordenance testamentaire dist et afferma ycellui testateur estre sa derreniere voulenté, laquele il voult et manda tenir et valoir, et force et vertu avoir par droit de testament, ou par le droit des codicilles, et par le droit de chascune autre maniere de derreniere voulenté, et autrement par tous droiz et par toutes les voyes et manieres par les quelz et queles il pourra et devra mieulx tenir, valoir, et force et vertu avoir, tant de droit comme de coustume; et revoca, cassa et adnulla le dit testateur tous autres testamens, et codicilles, et ordenances de derreniere voulenté par lui faiz et passez par avant la date de ces presentes, en requerant nos lettres patentes sur ce lui estre faictes et ordenees.
Ces choses furent faictes, dictes et ordenees par le dit testateur en son hostel, seant en la grant rue Saint Denis a Paris, au coing de la rue Trousse Vache, presens a ce maistre Anceau du Jardin, prestre, Laurencette la Viennote, hahitans de Paris, et pluseurs autres, a ce [fol. 313] requis et priez, si comme nostre dit chapelain les nous a rapportees. A la relacion duquel et en tesmoing des choses dessus dictes, nous avons mis a ces presentes le seel de nostre dicte eglise, le xviie jour de septembre, l'an de grace mil cccc et douze.
Collacio facta est cum originali.