Guillaume de Chamborand, écuyer de corps du roi
Guillaume de Chamborand, écuyer de corps de Charles V, reçut en récompense de ses bons et loyaux services deux cents francs d'or qui lui furent assignés le 29 décembre 1374, et une autre somme de quatre cents francs octroyée le 5 novembre 1378; il fut conservé dans ses fonctions par Charles VI, qui lui fit don, le 10 juillet 1384,de 960 florins d'or sur les aides de Normandie (Arch. nat K 53A, n° 32); vers le mois d'octobre 1391, le roi l'envoya hastivement en Italie auprès du comte de Verlus, pour certaines grosses besongnes se rattachant à son projet d'expédition, et lui alloua pour son voyage une première somme de deux cents francs d'or, augmentée d'une nouvelle somme de trois cents francs, dont Guillaume de Chamborand donna quittance les 17 octobre 1391 et 16 janvier 1392 (Bibl Nat., cab. des titres, pièces originales). Quelques années auparavant, le même personnage se trouva mêlé à certaines scènes de violence dont le château du Louvre fut le théâtre et qui aboutirent à une procédure au Parlement de Paris. Le lundi des Rameaux de l'année 1384 (15 mars), pendant que Guillaume de Chamborand, suivant l'usage traditionnel, servait son souverain à table, Évrard de Trémagon évêque de Dol, invectiva grossièrement cet officier royal, l'accusant d'avoir traitreusement fait occire son frere Yves de Trémagon, qui avait été le compagnon dermes dudit seigneur de Chamborand au service du comte d'Alençon. Guillaume protesta énergiquement de son innocence et offrit d'en fournir la preuve; mais l'évêque [fol. 56] persista dans son dire, ajoutant que Guillaume de Chamborand, quoi qu'il fit, ne pourrait effacer sa traîtrise. Le débat ainsi posé dut se vider judiciairement. Jour fut assigné aux parties, qui furent successivement citées au château du Louvre et au château de Vincennes les 5 et 7 avril 1384. Tandis que l'évêque se faisait représenter par procureur, son adversaire, défendant sa cause en personne, démontra qu'Yves de Trémagon, incarcéré pour crime de trahison par le duc d'Orléans, était mort en prison, au grand regret du duc qui se proposait de lui faire couper la tête en public. Le Parlement, suffisamment édifié, rendit le 30 juillet 1384 un arrêt déclarant l'évêque de Dol coupable de diffamation envers Guillaume de Chamborand, et le condamna à 500 livres Tournois de dommages-intérêts payables audit Guillaume, ainsi qu'à 500 livres d'amende applicables au roi, sans préjudice des dépens. Evrard de Trémagon ne s'exécuta qu'à la dernière extrémité; on voit même que l'écuyer de corps du roi, ou plutôt son fondé de pouvoir, J. Chauveron, conseiller au-Parlement, se vit dans l'obligation de pratiquer une saisie sur une maison de l'évêque, sise à Paris, rue du Château-Fétu; alors seulement Evrard de Trémagon fit remettre par Roger de la Poterne, orfèvre et bourgeois de Paris, une somme de trois cents francs d'or, avec promesse du surplus dans le délai de la Saiot-Jean-Baptiste (24 juin 1385) (Arch. nat., X1A 32, fol. 397 v°. -- X1C 50, accord du 9 janvier 1385).
- R, Archives nationales, X1A 9807, fol. 160 v°.
A tous ceuls qui ces lettres verront, Jehan, seigneur de Foleville, chevalier, conseiller du roy nostre sire, garde de la prevosté de Paris, salut. Savoir faisons que par devant Nicaise le Munier et Estienne Boyleaue, clers notaires du roy nostre dit seigneur, de par lui establiz en son Chastelet de Paris, fu present noble homme, Guillaume de Chamborant, escuier de corps du roy nostre dit seigneur, sain de corps, de pensee et de bon et vray entendement, attendant et sagement considerant que briefz sont les jours de une chascune creature humaine, et qu'il n'est chose plus certaine de la mort ne moins certaine de l'eure d'icelle, pour ces causes et autres justes et loyaulx qui pour le sauvement de l'ame de lui a ce le meuvent, et aussi tendis que raison, sens et entendement sont en lui et le gouvernent, voulant prevenir et estre seurprins par ordonnance testamentoire et non intestat deceder de ceste vie mortele, ainçois des biens et choses dont Nostre Sauveur Jhesu Crist lui a tres largement prestez et donnez, ordonner pour le sauvement de son ame, fist, ordonna et divisa son testament [fol. 57] ou ordonnance de derreniere volenté ou nom de la tres sainte Trinité, le Pere, le Filz et le benoist saint Esperit, en la forme qui s'ensuit :
- Et premierement il, comme bon et vray catholique, recommanda l'ame de lui, quant de son corps departira, a Nostre Sauveur Jhesu Crist, a la tres glorieuse Vierge Marie sa mere, a monseigneur saint Michiel l'ange et a tous anges et archanges, a monseigneur saint Pierre et saint Pol, et a tous apostres, et a toute la benoite compaignie et court de Paradis, en leur suppliant qu'ilz vueillent son ame acompaigner et icelle presenter a Nostre Seigneur Jhesu Crist, et lui supplier que d'icelle son ame il ait pitié et la vueille recevoir en sa compaignie, voulant tous ses torsfaiz estre amendez et ses debtes estre paiees par ses executeurs cy dessoubz nommez, et son corps a la sepulture de Saincte Eglise, lequel son corps il volt gesir en l'eglise de la Terne, qui est de l'ordre des Celestins ou diocese de Limoges, et estre dedans le cuer de la dicte eglise assez pres du grant autel au costé joingnant du mur.
- Et volt et ordonna que sur son corps soit faicte et assise une tombe qui sera enlevee pié et demi plus hault de la terre, laquele tombe sera de pierre, en laquele sera sa representacion, armé de ses armes, et sera escript sur et autour de la dicte tombe son nom, son tiltre, le jour et an de son trespassement; et au dessus d'icelle tombe aura avecques ce une ymage de Nostre Dame qui sera painte dedans le mur, laquele ymage sera belle et bien faicte tenant Nostre Seigneur son enfant entre ses bras, et aura devant la dicte ymage une representacion de sa personne faicte en paincture dedans le mur a l'endroit de sa tombe, ou il sera a genoulx armé de ses armes, a mains joinctes, et sera presenté de deux ymages, l'une de saint Jehan Baptiste et l'autre de saint Guillaume. Et volt que par l'ordonnance de ses diz executeurs la dicte tombe, ymages et painctures dessus dictes soient faiz bien et honnorablement.
- Et volt et ordonna que, de quelque lieu qu'il yra de vie a trespassement, tout ce qui de son corps se pourra porter soit mené et conduit en la dicte eglise de la Ternes pour gesir soubz la dicte tombe, a laquele eglise il laissa et volt estre paié six cens livres Tournois pour une foiz, [fol. 58] parmi ce que les religieux Celestins d'icelle eglise seront tenuz de maintenir a tousjours en bon estat et honnorable la dicte tumbe, ymages et paincture et dire et celebrer en ycelle eglise chascun jour a tousjours une messe perpetuele, ainsi que les journees le requerront, pour le salut et remede de l'ame de lui, ses pere, mere, amis et bienfaicteurs.
- Item, volt et ordonna que le tjour de son obit soient dictes et celebrees soixante messes, et qu'il y ait pour son luminaire autour de son corps a son obseque douze povres vestuz de noir, qui tendront chascun une torche et quatre cierges aux quatre cornez de son serqueuz, chascune torche et chascun cierge pesant six livres de cire.
- Item, volt et ordonna estre paié pour chascune des soixante messes dessus dictes trois solz Tournois aux prestres qui les diront.
- Item, volt et ordonna estre donné et aumosné a chascun povre qui sera a son dit service un blanc de quatre deniers Parisis, et si volt estre donné a chascun de ceulx qui tendront les dictes torches deux solz Tournois.
- Item, volt et ordonna que le jour de son service ait sur son corps et serqueul un drap noir de bouquassin, auquel aura au long et au travers une croix vermeille et escuz de ses armes, et que le dit drap soit et demeure tant que durer pourra sur son serqueul ou sepulture, et que tout le dit luminaire, son dit service fait, soit et demeure aus diz religieux.
- Item, il laisse a chascune de ses deux sereurs cent livres Tournois pour une foiz.
- Item, il laisse et donne a Jehan de la Mare, son clerc, six vins livres Tournois pour une foiz, pour tous salaires et services et autres choses qu'il pourroit demander au dit testateur.
- Item, donne et laisse a Jehan du Brueil, son serviteur, la somme de huit vins livres Tournois pour une foiz, pour tous salaires, services et autres choses en quoy il lui pourroit estre tenuz, lequel l'a bien loyalment et longuement servi et a eu pluseurs painnes et travaulx en son service. [fol. 59]
- Item, laissa a messire Jehan le Fevre, son chapellain, quarante livres Tournois, pour semblable cause.
- Item, a chascun de ses autres varletz et serviteurs qui seront demourans avecques lui au jour de son trespassement dix livres Tournois, pour toutes choses qu'ilz lui pourroient demander.
- Item, laissa et donna a chascun mesnage ou feu, estant en la terre de Chamborant, vint solz Tournois.
- Item, a chascun mesnage ou feu, estans en la terre de la Valadelle, vint solz Tournois, pour prier Dieu pour l'ame de lui.
- Item, il donna et laissa a la fabrique de l'eglise de Chamborant vint livres Tournois une foiz.
- Item, il laisse et donne a Jehan Maillé et Colete sa femme, hoste et hostesse du dit testateur, quarante livres Tournois pour une foiz, pour aidier a mettre a mestier Guillemin leur filz, filleul du dit testateur, et pour les bons et agreables services que lui ont faiz le temps passé.
- Item, volt et ordonna qu'il soit fait un tableau de cuivre, ouquel sera escript le nom, le surnom, le tiltre du dit testateur, le jour et an de son trespassement, et la messe qui perpetuelment sera dicte pour les ames de lui, de ses feux pere et mere, amis, parens et bienfaicteurs en la dicte eglise de la Ternes, et sera mis le dit tableau dedans le mur au dessus de la dicte tombe, dessoubz les piez de la dicte ymage de Nostre Dame et de sa representacion qui seront faiz de paincture ou dit mur au dessus de la dicte tumbe, comme dessus est dit.
- Item, il volt et ordonna que monseigneur Pierre de Chamborant, son frere, se il seurvit le dit testateur, soit son heritier universal, seul et pour le tout, ou residu de tous ses biens meubles et heritages quelzconques, et ou cas que le dit monseigneur Pierre ne le seurvivroit, il veult et ordonne: que les enfans feu Fouquaut de Chamborant, jadix filz ainsné du dit monseigneur Pierre, aient et emportent tout le dit residu des biensrmeubles et non meubles du dit testateur son dit testament fait, paié et acompli; et en ce cas leur donne et laisse tout le dit residu deses diz biens meubles et possessions immeubles quelzconques.
Pour toutes lesqueles choses faire, enteriner, executer, acomplir et mettre a execucion et fin deue, le dit testateur fist, nomma et ordonna ses vrays, bons et loyaulx amis executeurs et de foy commissaires, c'est assavoir, monseigneur Pierre de Chamborant, chevalier, son frere, reverend pere en Dieu, monseigneur l'evesque de Saint Flour, qui est a present, Jehan de la Mare, messire Jehan Fevre, prestre, et Jehan du Brueil, tous ensemble, et les deux d'iceulx, dont l'un et le principal soit le dit monseigneur Pierre de Chamborant ou le dit monseigneur l'evesque de Saint Flour ausquelz ses executeurs le dit testateur a donné et donne plaine puissance et auctorité de cest sien present testament paier, enteriner, executer et acomplir, et pour ce faire se dessaisy et desvesti es mains des diz notaires de tous ses biens, et volt que ses diz executeurs en feussent et soient vestuz et saisiz, et iceuls ses biens pour ce faire soubzmist a la jurisdicion, cohercion et contrainte de nous, de noz successeurs prevostz de Paris, et de toutes autres justices, soubz qui jurisdicions ilz seront et pourront estre trouvez, jusques a ce que cest sien present testament soit paié, executé, enteriné et acompli; voulant ceste presente ordonnance valoir et tenir par droit de testament, de codicille ou autrement, par la meilleur maniere que valoir devra et pourra, de droit, de us et de coustume, en rappellant et revoquant tous autres testamens, codicilles ou ordonnances que faiz auroit paravant la date de ces presentes.
En tesmoing de ce, nous, a la relacion des diz notaires, avons mis a ces lettres le seel de la dicte prevosté de Paris, l'an de grace mil iiic iiiixx et dix neuf, le dimenche xxiie jour dé fevrier.
Signé Boyleaue. N. le Munier.
Item, s'ensuit la teneur d'une cedule atachee au dit testament, seellee et signee des seel et seing manuel du dit testateur,
Combien qu'il soit contenu en mon testament, dedans lequel ceste cedule est atachee, que mon corps soit mis et enterrez a Nostre Dame des Ternes en l'eveschié de Limoges, je ayme mieulx estre a Chamborant enterré pres de monseigneur mon pere, par ainsi que l'argent qui est [fol. 61] dit a donner aux Ternes sera donné a Chamborant, pour en faire au dit Chamborant, en la maniere que j'avoye ordonné qu'il en feust fait es Ternes. Et ceci je vueil que soit et en prie mes executeurs. Escript de ma main et seellee de mon propre seel le premier jour de mars l'an mil iiiie et un, et signé de mon saing manuel.
G. de Chamborant.
Collatio facta fuit in Parlamento cum originali, die xxviii maii ccccvi.