Testaments enregistrés au Parlement de Paris sous le règne de Charles VI » Jean du Berc, procureur au Parlement de Paris
[fol. 282]
[fol. 282]

Jean du Berc, procureur au Parlement de Paris

Jean du Berc, clerc des Requêtes du Palais en 1372, devint peu après procureur au Parlement de Paris; en 1375, on le trouve en cette qualité domicilié dans la Cité; quelques années plus tard, il transféra son étude « oultre Grant Pont » (Arch. nat., X1C 25, X2A 10, fol. 6 r°, 31 v°, X2A 12, fol. 93 v°). Dans ses dispositions testamentaires, il nous renseigne sur un incident assez curieux de son existence, celui de son voyage et de son séjour à Meaux, auprès du chancelier Pierre de Giac et du président Arnaud de Corbie, réfugiés dans cette ville pour échapper aux atteintes d'une maladie épidémique qui régnait à Paris. Les événements auxquels fait allusion le procureur Jean du Berc doivent être antérieurs à la nomination d'Arnaud de Corbie comme chancelier, qui eut lieu en décembre 1388 ; or l'on sait que, vers le milieu de l'année 1387, Paris fut le foyer d'une épidemie qui fit de nombreuses victimes, et qui frappa notamment l'un des présidents [fol. 283] de la Cour, Philibert Paillard, décédé le 2 août 1387. La contagion fut si forte que l'ouverture du Parlement, qui se faisait d'ordinaire le lendemain de la Saint-Martin, fut reportée au mois de janvier suivant « propter mortalitatem que viguit Parisius et locis circumvicinis » (Arch. nat., X1A 1474, fol. 29 r°; X2A, fol. 1 r°).

  • S, Bibliothèque nationale de France, Moreau 1161, fol. 621 v°

In nomine Patris, et Filii et Spiritus sancti, amen. Je, Jehan du Berc, nez de la Vaquerie, du diocese d'Amiens, et a present parroissien de l'eglise monseigneur Saint Eustace a Paris, estant de sain entendement, considerant qu'il n'est chose plus certaine de la mort ne moins certaine de l'eure d'icelle, voulant disposer et ordener des biens que Nostre Seigneur m'a prestez en ce mortel monde, ay fait, faiz et ordene mon testament, devis ou ordenance de derreniere voulenté en la maniere qui s'ensuit :

  • Premierement, je recommande mon ame a Dieu mon createur, a la benoite glorieuse Vierge Marie sa mere, a monseigneur saint Michiel le benoit archange et a tous les benois sains de Paradis, et le corps a estre mis et inhumez en l'eglise du dit monseigneur Saint Eustace, ou lieu la ou sont ma tres chiere compaigne et espouse, et noz enfans, dont Dieu ait les ames. Et pour ce, je vueil, ordene et laisse a l'euvre et fabrique d'icelle eglise dix escuz, ou cas toutes voies que les marregliers de la dicte eglise vouldroient que je feusse enterrez en ycelle, avec ma femme et noz enfans; et ou cas que ce ne vouldroient faire ne consentir, je esliz ma sepulture en la fosse aux povres ou cymetiere Saint Innocent a Paris.
  • Item, je vueil et ordene que mes debtes, torsfaiz et tout ce que j'auray indeuement acquiz, dont il apperra a mes executeurs cy apres nommez, soient r'eparez, restituez et amendez deuement.
  • Item, ou dit cas que les diz marregliers de Saint Eustace ne vouldroient consentir l'enterrement de mon corps en la dicte eglise, je laisse la dicte somme de dix escuz, la moitié pour distribuer aux povres, et l'autre moitié a l'euvre et fabrique du dit Saint Innocent.
  • Item, je vueil et ordonne que l'anuel, qui est commencié pour ma dicte compaigne en la dicte eglise Saint Eustace, soit parfait et [fol. 284] enteriné, s'il ne l'est, par ceulx qui y sont ordenez; ausquelx j'ai desja a baillé xl escuz pour celle cause, comme il appert par quictance sur
  • ce faicte.
  • Item je vueil, laisse et ordene que l'anuel, qui est ordené a faire a Beauvais et dont damp Jehan Hardi, mon frere, est chargié, soit parfait, lequel en a ja reçu vint frans.
  • Item, je vueil, laisse et ordonne que les soixante solz de rente deuz sur la maison du Coq a Beauvais soient vendus au dit damp Jehan Hardi, appeliez a ce un ou deux de mes executeurs, pour en faire bien et les distribuer en euvres piteables, selon l'ordonnance de feue Aalez, nostre seur, qui fut femme de Toussains de Lorriller, et depuis de Jehan le Gautier, dont Dieu ait les ames, et pour prier pour les ames de defuncte Mabile, mere de ma dicte compaigne, et pour les maris d'icelle, et aussi pour ycelle mon espouse; et vueil et ordonne que des maintenant le dit damp Jehan Hardi les reçoive pour en faire ce que dit est, jusques a ce qu'ilz soient venduz par l'ordenance de lui et de mes diz executeurs ou des deux d'iceulx.
  • Item, je vueil et ordonne, que s'il est sceu ou trouvé que aucuns heritages, estans a Caillouel en Beauvoisiz, qui furent a la dicte Mabille Hardie, nostre mere, feussent acquiz par elle d'un appelle maistre Oudart d'Abbeville, advocat a Beauvais, qui est pieça trespassez, [qu'ilz] soient venduz, et l'argent distribué en messes et erogué aux povres de Jhesu-Crist Nostre Createur. Et faiz ceste ordenance, pour ce que l'en dit que la dicte Mabile l'ordonna ainsi estre fait en son testament, combien que depuis son deces je aye fait savoir et enquerir diligemment s'il y eut oncques heritages qui feussent du dit maistre Oudart d'Abbeville; mais il n'a point esté sceu ne trouvé, et se mes enfans y mettoient contredit, je vueil et ordonne que les heritages que j'ay acquis soient venduz et convertiz a faire ce que dit est.
  • Item, je vueil et ordonne, que apres ce que mon obseque et funerailles seront faiz, que dedens un mois apres soit fait un service a l'eglise de Saint Estienne de Beauvais, c'est assavoir, vigiles, messes de Requiem, et toutes les solennitez qui y appartiennent, pour les ames [fol. 285] de la dicte Mabille, nostre mere, et de ses maris, et pour ma dicte compaigne et espouse; et que le jour du dit service soient donnez et distribuez aux povres cent solz Tournois.
  • Item, je vueil et ordonne que, pour ce que euz pieça un proces contre un appelle Oudart de Dampierre, qui eut espousé une des seurs de ma dicte compaigne, duquel proces je me desistay, et estoit pour la succession d'une fille, nostre niepce, qui fut fille de la dicte seur et du dit Oudinet, laquele survesqui sa mere, si comme l'en dit, et des despens fu en l'ordonnance de feu maistre Roussel, qui fu jadis procureur de la marchandise, lequel ala de vie a trespassement sans en ordener, yceulx despens qui ne doivent pas monter a grant somme, consideré qu'il n'y ot point d'enqueste et n'y ot que unes escriptures, soient paiez et restituez au dit Oudinet, s'il est vivant, ou a ses hoirs.
  • Item, je laisse a maistre Jaques Petit, mon docteur, quatre escuz.
  • Item, a messire Jehan Michiel et a messire Jehan Roland de Saint Eustace, a chascun un escu.
  • Item, je laisse a messire Raoul l'Angevin, mon confesseur, deux escuz.
  • Item, aux clers d'icelle eglise, a chascun huit solz.
  • Item, je vueil, laisse et ordonne que le jour de mon obseque soient dictes et celebrees vint messes de Requiem pour les ames de moy et de ma dicte compaigne, et de nos peres, meres, enfans et amis, et huit livres a donner et distribuer ce jour pour Dieu aux povres.
  • Item, je laisse aux quatre ordres Mendians, c'est assavoir, aux Jacobins, Cordeliers, Augustins et Carmes, a chascun d'iceulx ordres un escu, et seront tenuz de dire vigiles et service de Mors.
  • Item, je laisse a la fabrique de l'eglise de Saint Vaast de Beauvais un escu, et a la fabrique de Saint Sauveur de Beauvais.
  • Item, a la fabrique de l'eglise de Saint Fremin de la Vaquerie un escu.
  • Item, je vueil et ordonne un anuel a estre fait et celeeré en la dicte eglise de Saint Eustace pour les ames de moy et de ma dicte [fol. 286] compaigne et espouse, et de noz peres, meres, et de noz enfans et amis.
  • Item, je prie affectueusement a mes diz executeurs et a mes filz et filles, et par especial mes tres chiers filz, maistre Jehan Bailli et Guillaume de Cambray, que a mon povre filz Jaquet vueillent faire tout le bien, amour et courtoisie et tel partage que faire lui pourront, et le facent tenir a l'escole, moyennant le sien mesmes, et lui vueillent aidier a son besoing, car il n'a riens eu de moy, ne de sa dicte mere.
  • Item, je vueil et ordonne que -un voyage et pelerinage qui estoit a faire par ma dicte compaigne et espouse et moy a Nostre Dame de Boulongne sur la mer soit fait bien et deuement.
  • Item, un pelerinage qui devoit estre fait a Nostre Dame de Mont Fort soit fait et acompli bien et deuement.
  • Item, un pelerinage a Saint Cosme et Saint Damien a Lusarches soit fait et acompli.
  • Item, pour ce que l'en m'a donné a entendre que ma dicte compaigne avoit devocion de faire un voyage a Saint Jaques en Galice, combien qu'elle ne m'en avoit riens dit ne declairé, et que je n'y feusse point consenti, toutes voies je vueil que l'en y envoye message certain qui de ce rapportera lettres de certificacion, ainsi qu'il appartendra.
  • Item, vueil, laisse et ordonne a Jaquet, mon filz, tous mes livres, cours de loys et autres.
  • Item, je vueil et ordonne que les ventes de quarante solz de rente que j'ay achetez sur ma maison des Trois Pas de Degrés soient paiez et restituez aux heritiers et executeurs de feu monseigneur l'evesque de Paris, c'est assavoir, monseigneur Pierre d'Orgemoni,
  • Item, je vueil et ordonne que ce qui est deu a l'execucion de feu maistre Pierre de Corbie, dont Dieu ait l'ame, pour cause d'un vielz manteau que [ot] Marion, ma femme, et des biens d'icelle execucion par les mains de ses executeurs ou surroguez, et d'un Rommant de la Rose, et autres vielx livres qui pevent monter a douze frans ou environ, soient venduz et distribuez a chanter messes, a donner pour Dieu, pour les ames du dit defunt et de ses parens, et de ma dicte compaigne qui [fol. 287] estoit sa cousine germaine, et de noz parens et amis, ou que autrement en soit ordené, selon ce qu'il appartendra par raison. Et en est a deduire les despens que je fiz en un voyage fait par moy en la ville de Meaulx, la ou estoit lors monseigneur le chancellier et monseigneur Arnault de Corbie, lors president, pour le temps de la mortalité qui estoit lors a Paris; et pour ce que les executeurs du dit feu maistre Pierre avoient renoncié a son execucion, je impetray qu'il y eust surroguez qui y furent commis de par le roy, et furent les lettres d'icelle erogacion donnees au dit lieu de Meaulx; ouquel voyage je fuz et demouray, moy ne, moult longuement. Si en soit deduit ce qu'il appartendra et qu'il sera regardé estre raisonnable par mes diz executeurs s'ilz voient que ce doit estre fait.
  • Item, aux quatre confraries en l'eglise Saint Eustace dont je suis, c'est assavoir, Nostre Dame, Saint Michiel et Saint Eustace, la benoite Magdelaine et Saint Nicolas, je laisse a chascune un escu; et diront vigiles et messe.

Et pour cest mien testament executer, enteriner et acomplir je ordene et esliz mes executeurs mes chiers et feaulx amis, c'est assavoir, maistre Jehan Bailli et Pierrette, sa femme, ma fille, Guillaume de Cambray, mon gendre, et Aales, sa femme, maistre Jehan Roussel, mon nepveu, et le dit messire Raoul l'Angevin, les quatre, ou les trois ou deux d'iceulx, en la main desquelx je saisis et mets la saisine et possession de mes biens, pour le dit testament acomplir jusques a l'enterinement d'icellui.

En tesmoing desqueles choses, j'ai signé de mon seing manuel et seellé de mon seel ceste presente cedule, le lundi xxiiiie jour d'aoust, l'an mil cccc et onze.

Datum anno cccc° x°, iia mensis octobris, presentibus, domino Johanne Michaelis, presbytero, Katherina de la Fosse, Johanne Beron, cum pluribus aliis testibus ad hoc vocatis et rogatis.

Balloys.
Collacio facta est cum originali.