Aimeri de Montragoux, notaire consul de Brives-la-Gaillade
Aimeri de Montragoux, notaire et consul de Brives-la-Gaillarde, se trouvant de passage à Paris, fut attaqué et blessé mortellement, le 7 août 1405, par des individus embusqués au bout du pont Saint-Michel du côté de la rue de la Harpe. Le Parlement s'émut de cette attaque à main armée au cœur de la capitale, et se réunit le jour même en conseil pour prendre d'énergiques mesures de répression; moins d'un mois après, justice exemplaire était faite des principaux auteurs de ce meurtre. Nous pensons que l'on accueillera avec intérêt les détails que nous fournit sur cette affaire le registre criminel du Parlement (Arch. nat., X2A 14, fol. 265 v°, 267 r°, 276 r°).
« Venredi viie jour d'aoust mil cccc v.
Aujourduy de relevée, messeigneurs, messire Henry de Marie, messire Pierre Boschet, maistres Gaillart Petitseine, J. de Longueil, R. Maugier, J. Boyer, Guillaume de Celsoy, P. le Fevre, G. de Beze, J. d'Ailly, Guillaume de Seriz, conseillers du roy en la cour du Parlement, le procureur du roy, maistre Jehan Jouvenel, advocat du roy, maistres Jaques Ducy et Mahieu de Linieres, conseillers du roy, [fol. 172] furent assemblez au Conseil en la Tour criminele sus le fait de la bature et navreure huy faiete à Paris en la personne de Aymery deMontrageux, habitant de Brive la Gaillarde, et finablement fut delibéré et conclut que les complices du dit fait seront prins et emprisonnez, soit en lieu saint ou dehors, sanz prejudice de l'eglise.»
« Mardi xie jour d'aoust mil cccc et cinq.
Guillaume Gueroust, hostelier de la Cloche Rouge en la rue Saint Jaques, à Paris, prisonnier ou Chastellet pour soupeçon d'avoir recepté les complices de la bateure de Emery de Montrageux, est eslargy partout, sub penis, etc. »
« Mercredi xxvie jour d'aoust mil cccc v.
Jehan le Gault et Guillaume Chavocin dit l'Amiraut, pour ce qu'il ont esté complices à batre et navrer à Paris maistre Emery de Montrageux, notaire et consul de Brive la Gaillarde, dont mort s'en est ensuie en la personne du dit maistre Emery, ont aujourduy par arrest esté traynez et puis ont les poins dextres coppez sur le lieu du delit, c'est assavoir, au bout du Pont Neuf, du costé de la de la Harpe, et après penduz au gibet de Paris. »
Les misérables livrés au bourreau le 26 août 1405 avaient des complices dont les noms sont indiqués dans un mandement du 28 août à l'adresse du prévôt de Paris, qui reçut mission de prélever sur les biens des condamnés et sur ceux de leurs adhérents prisonniers au Châtelet une somme de 60 livres destinée à rétribuer les examinateurs et sergents de la prévôté (Arch. nat., X2A 15, fol. 27 v°). Le meurtre dont Aimeri de Montragoux fut victime n'eut point le vol pour mobile; ses assassins ne furent que les instruments d'une vengeance privée. En effet, quelque temps avant la mort du malheureux bourgeois, la ville de Brives-la-Gaillarde, se sentant menacée d'une invasion à main armée par l'un de ses turbulents voisins, Raymond de Turenne, comte de Beaufort, avait envoyé son consul à Paris afin de solliciter du secours. Le jour de l'assassinat, il se rendait auprès du chancelier, du premier président du Parlement et du comte de Tancarville, avec lesquels il devait se concerter au sujet des mesures à prendre pour déjouer les projets du comte de Beaufort. On ne saurait mettre en doute la complicité de ce seigneur, en voyant l'arrêt rendu par le Parlement le 21 novembre 1405, suivant cet arrêt, deux des assassins d'Aimeri de Montragoux, Pierre Maurain et Bernard de Bordesoles, qui sont qualifiés de serviteurs de Raymond de Turenne, n'échappèrent au dernier supplice qu'en invoquant le privilège de cléricature et furent condamnés à une amende de 120 livres affectée à la fondation de services pour l'âme du défunt dans les eglises de Saint-Séverin, à Paris, et de Saint-Martin, à Brives-la-Gaillarde, sans compter une somme de 300 livres payable à sa veuve et à ses enfants (Arch. nat., X1A 53, fol. 152 v°). La fin [fol. 173] tragique d'Aimeri de Montragoux ne découragea point ses concitoyens un mois à peine après sa mort, le 9 septembre 1405, deux syndics et procureurs de Brives obtinrent du Parlement une avance de 1,000 écus d'or nécessaire à leur communauté pour tenir tête à l'audacieux seigneur qui venait de mettre le siège devant leurs murs. Une instance criminelle fut engagée au Parlement de Paris par le procureur du roi et les habitants de Brives, joints à Marguerite de Montragoux, mere du consul défunt, contre Raymond de Turenne, Aymar de Nagelle, son secrétaire, Jean de Raspailier, capitaine de Servières, et autres aventuriers au service du vicomte de Turenne, incriminés avec leur maître (Arch. nat., X2A 14, fol. 283 v°, 332 v°). Malgré cette action judiciaire, à la date du 20 janvier 1406, Raymond de Turenne n'en continuait pas moins à guerroyer contre les habitants de Brives, lesquels demandèrent au Parlement qu'il leur fut « pourveu de gens d'armes ou de finance » et empruntèrent, jusqu'à concurrence de 2,000 écus, sur l'argent déposé au greffe de la Cour à raison du procès que soutenait leur adversaire contre son gendre le maréchal de Boucicaut pour la possession du comté de Beaufort (Arch. nat., X1A 1478, fol. 248 v°).
- R, Archives nationales, X1A 9807, fol. 159 v°.
A tous ceulz qui ces lettres verront, Guillaume, seigneur de Tignonville, chevalier, conseillier, chambellan du roy nostre sire et garde de la prevosté de Paris, salut. Savoir faisons que par devant Miles du Brueil et Guillaume Poret, clers notaires jurez du roy nostre sire de par lui establiz ou Chastellet de Paris, fu present Aymery de Montraugoux, bourgois et consul de la ville de Brive en Limosin, enferme de corps, sain de pensee et de vray entendement, attendant et considerant qu'il n'est chose plus certaine de la mort ne plus incertaine de l'eure d'icelle, non voulant de ceste vie transsitoire intestat deceder, mais tendiz que raison gouverne sa pensee et Nostre Createur lui donne temps et espace de pourveoir et secourir a son ame, et des biens a lui prestez en ceste vie mondaine disposer et ordener pour le remede et salut de son ame, fist et ordena son testament ou l'ordenance de sa derreniere voulenté, ou nom du Pere, du Filz et du benoist saint Esperit, en la maniere qui s'ensuit :
- Et premierement, il, comme bon et vray chrestian, humblement Nostre Createur Jhesu Crist recongnoissant, l'ame de lui, quant du corps departira, recommanda a la benoiste Trinité, a la glorieuse Vierge [fol. 174] pucelle Marie mere de Jhesu Crist, a monseigneur saint Michiel et a tous les anges et archanges de la gloire de Paradis, a monseigneur saint Jehan et a tous les patriarches et propheties, a monseigneur saint Pierre, a monseigneur saint Pol, a monseigneur saint Jehan Euvangeliste, a monseigneur saint Marçal et a tous les appostres et disciples de Nostre Signeur, a monseigneur saint Estienne, a monseigneur saint Martin, a monseigneur saint Anthoine, a monseigneur saint Nicolas et a tous les martirs et confesseurs de Nostre Seigneur Jhesu Crist, a madame Marie Magdelaine, a madame saincte Katherine, a madame saincte Marguerite et a toutes les vierges et saintes de la gloire de Paradis.
- En apres, il voult ses debtes et torfais estre paiez et amendez par ses executeurs cy apres nommés.
- Item, ledit testateur, ou cas qu'il yroit de vie a trespassement a Paris, il eslut sa sepulture ou cimetiere Saint Innoscent en la fosse des povres, et s'il va de vie a trespassement ou diocese de Limoges, il eslut sa sepulture a Brive en la sepulture de ses parens de Montraugoux et s'il decede a Paris, il ordena son service estre fait en l'esglise Saint Sevrin a Paris, et ait quatre torches autour de son corps, chascune torche de trois livres de cire, et quatre cierges, chascun de cinq quarterons, et que tant de messes soient celebrees comme il plaira a ses executeurs.
- Item, il laissa aux chanoines riglez de Saint Martin de Brive pour eulx et leurs successeurs une mine de froument de rente que lui doit chascun an Bardin, maiour du dit lieu de Brive, a cause de certain heritaige que le dit Bardin tient de lui a tousjours, parmy ce que les diz prieur, couvent et chanoynes du dit lieu seront tenus de faire chascun an un anniversaire pour l'ame de lui a tel jour comme le dit testateur yra de vie a trespassement, et si seront tenus d'aler sur la sepulture dessus dicte dire une oroison, comme il est acoustumé.
- Item, voult et ordena un servise estre fait en la dicte ville, et que tous les chanoines et religieux prestres qui seront presens a son obseque aient chascun deux blans, et tous autres presens religieux non [fol. 175] prestres, et aussy les religieuses de la dicte ville aient le dit jour chascun un petit blanc.
- Item, voult et ordena, que ou cas que Pierre l'Alemant de Brive auroit baillié deux escus, c'est assavoir, vint cinq soulz Tournois a la mere du dit testateur, et vint soulz Tournois a sa femme, que ilz soient restituez au dit Pierre l'Alemant.
- Item, voult et ordena que l'en paie a la Guillermine, qui a esté sa chamberiere et demoure en son hostel, vint soulz Tournois, se paiez ne lui ont esté.
- Item, il voult que soient paiez diz soulz Tournois au prevost de la Soubzterrine, auquel le dit testateur les devoit pour cause de prest.
- Item, que aussy soient paiez a une merciere demourant en la rue de la Maignenie a Limoges vint soulz Tournoiz que icellui testateur lui devoit pour cause de prest.
- Item, que pareillement soit paié a un mercier qui demeure a Limoges en la rue des Tables, et sont deux freres demourans ensemble, demi franc que il lui doit pour denrrees prinses de lui, et si voult et ordena, que se il leur devoit plus et aussy a autres, que ilz soient paiez et que ilz soient creuz par leurs sermens de ce qu'ilz affermeront leur estre deu.
- Item, voult et ordena que a Marcial Bize de Limoges soient paieez quatre livres Tournois dedens quatre ans, c'est assavoir, chascun an un franc, jusques a fin de paie.
- Item, que le seigneur de Donzenac soit paie de deux escus que il lui doit par Perrotin de Pradines, sur et en deduccion de quatre escuz que il doit au dit testateur, et les deux autres escuz il paie aux heritiers d'icellui testateur.
- Item, il voult et ordena que les joyaulx que il bailla a sa femme le jour de leurs nopces et aussy les robes d'elle soient et demeurent a ycelle sa femme, et que l'instrument fait sur le fait du douaire demeure en sa force et vertu.
- Item, ycellui testateur fist, ordena, institua et establit son heritiere Doulce, sa fille, et ou cas que elle yroit de vie a trespassement en [fol. 176] pupilaage ou sanz avoir enfens de son corps nez en loyal mariage, il lui substitua Marguerite, sa mere, et ycelle sa mere fist et fait par ces presentes gouvernerresse de la dicte Doulce, sa fille, et de tous les biens de lui, jusques a quinze ans sans rendre compte, et, se la dicte Doulce, sa fille, ne se vouloit gouverner a la voulenté et selon l'ordenance de la dicte mere du dit testateur durant et pendant le temps dessuz dit, il donna et laissa, et par ces presentes donne et laisse a ycelle sa mere la moitié de touz sez diz biens, voulant et consentant que en ce cas sa dicte fille soit contente de l'autre moitié.
- Item, ou cas que sa dicte fille yroit de vie a trespassement sans hoirs descendans de sa char dedans l'aage de quinze ans, il voult et ordena que tous ses diz biens viengnent et appartiengnent a sa dicte mere et ou cas que ycelle sa mere ne vivroit, que ilz viengnent et appartiengnent a Estienne, frere du dit testateur, et ou cas que ycellui Estienne yroit de vie a trespassement sanz hoirs descendens de sa char, il voult et ordena que touz ses diz biens soient et appartiengnent a Marie, sa seur, ou a son aisné enfant masle.
- Item, voult et ordena le dit testateur que toute la mise et despense que maistre Aymery du Buisson, enl'ostel duquel il avoit esté et estoit malade des le jour qu'il avoit esté blecié, soit paiee bien et loyalment, et que de toute ycelle, tant en mires et medecins comme en despense de bouche, de serviteurs, et aussy en la poursuite de faire prendre les malfaicteurs qui l'avoient batu et navré, le dit maistre Aymery soit creu par son serment, sanz neccessité d'en faire autre preuve.
- Item, il laissa a Philippote qui l'avoit servi sa cote de racami.
- Item, il laissa a Marot du Fol un pourpoint et un chapperon.
- Item, il laissa au dit maistre Aymery ses Heures.
- Item, ycellui testateur voult et ordena, que ou cas que une obligacion que Huguelin Malefaide de Brive lui avoit pieça baillee en garde et par laquelle obligacion le prieur de Tuelle estoit obligé envers le dit Huguelin en certaine somme de deniers, laquelle obligacion ycellui testateur avoit adiree, ne pouroit estre trouvee, ou que le dit Huguelin ne pourroit estre paié par le dit prieur de ce qui lui en est deu sanz [fol. 177] proces; en ce cas que ycellui Huguelin soit creu de ce qu'il affermera lui estre deu de la dicte debte, et que de ce il soit paié par les diz executeurs de et sur les biens du dit testateur.
Pour toutes lesquelles choses dessus dictes et chascune d'icelles faire, enteriner et acomplir de point en point, le dit testateur fist, constitua et establit ses executeurs et feaulx commissaires, Marguerite, sa mere, honnorables hommes et saiges, maistre Aymery du Buisson, procureur en Parlement, Pierre le Fevre, advocat en court laye, Jehan del Feure, marchant de Brive, et Jehan de Muz, compere d'icellui testateur, ausquelz ou a deux d'iceulx ensemble ycellui testateur donna et donne par ces presentes povoir et auctorité de faire, enteriner et acomplir cest present son testament, et pour ce faire se dessaisit de tous ses biens a leur proufit, voulant que ilz les puissent prendre toutes foiz que mestier sera; duquel son testament il soubzmist et soubzmet par ces presentes la congnoissance a la juridicion de la court de Parlement, des Requestes du Palaiz royal a Paris et de toutes autres justices et jurisdictions, ou mestier sera, en rappellant, revoquant et mettant au neant tous autres testamens et codicilles par lui faiz par avant le jour d'ui, voulant et ordenant expressement que cest present vaille et tiengne par maniere de testament, de codicille, ou autrement par la meilleur fourme et maniere que valoir pourra et devra. En tesmoing de ce, nous, a la relacion des diz notaires, avons mis le seel de la dicte prevosté de Paris a ces lettres faictes et passeez, l'an de grace mil cccc et cinq, le vendredi vint et un jours d'aoust.
Collacio facta fuit cum originali superius registrato, die xiiia novembris, m° cccc° quinto.