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MCCLXXV

Rémission octroyée à Christophe Micheau, natif de Secondigny en Gâtine, prisonnier à la Mothe-Saint-Héraye pour un nombre considérable de vols avec effraction et autres, par lui commis en divers lieux.

  • B AN JJ. 187, n° 274, fol. 146 v°
  • a P. Guérin, Archives historiques du Poitou, 24, p.
D'après a.

Charles, etc. Savoir faisons, etc., nous avoir receue l'umble supplicacion des parens et amis charnelz de Christofle Michea, natif de Secondigné en Gastine, aagé de xxvii, ans ou environ, à present detenu prisonnier ès prisons de la Mothe Saint Eraye, contenant que, le xxiiii jour d'octobre derrenier passé, le dit Christofle en venant du village de Soubert1 audit lieu de la Mothe, il passa parmi le village de la Ville Dieu du Coux, distant dudit lieu de la [p. 19] Mothe d'un quart de lieue ou environ, et lui estant oudit village, entra à force dedens une maison, en laquelle il print furtivement une pièce de drap de gris, contenant trois aulnes ou environ et deux couvrechiez qu'il emporta oudit lieu de la Mothe et s'efforça de les vendre ; mais il ne peut trouver à qui, et fut ledit cas averé. Et à ceste cause a esté mis ès dictes prisons, èsquelles il a esté interrogué et examiné par les officiers dudit lieu, et a confessé avoir commis ledit cas par la manière que dit est, et aussi plusieurs autres larrecins par lui commis ; et que le jeudi paravant, en alant de Pamprou à Saint Maixent, il passa par le village de la Villëdieu de Comblé, et quant il fut devant le chastel dudit lieu, il entra, environ x. heures de jour, en certaine maison par une fenestre qui est ou planche au devant de ladicte maison, qui n'estoit pas fort fermée. Et incontinent qu'il fut dedens, avecques ung costre2 à fendre boys qu'il trouva en ladicte maison, leva la claveure d'un coffre, ouquel il print et emporta ung chapperon de morequin 3, qui avoit la cornette courve comme d'un prebstre, et unes chausses noires. Et aussi le dimenche xxiiiie jour dudit mois, ledit Christofle se transporta en ung village entre Pamprou et Saint Maixent, deliberé d'embler aucune chose ; et de fait, à l'eure que les gens estoient à la grant messe, il entra en une maison où n'avoit personne, en laquelle il print et emporta furtivement deux aulnes et demie de gros blanc, qu'il vendit ledit jour. Pareillement icellui Christofle, le jour de la saint Maurice4 derrenierement passé, en venant de Lezignen audit lieu de Pamprou, deliberé d'embler aucune chose, entra en une maison dont l'uis estoit ouvert, et en laquelle il print [p. 20] d'emblée ung manteau de gros drap, lequel il vendit lendemain oudit lieu de la Mothe, et environ le viiie jour dudit mois, ledit Christofle ala en la ville de Xainctes, deliberé d'embler aucune chose, et lui estant en icelle, à l'eure de midi, entra en l'osteld'un chappellain, demorant près l'eglise de Saint Ytrope dudit lieu, ouquel hostel il print et emporta furtivement ung petit livre escript en lettre de court, ou quel sont contenuz vigilles, les sept psalmes et plusieurs oroisons, et aussi print ung gibecier de cuir, ou quel avoit une cedule faisant mencion comme unghomme de Jarnac Charante, le nom duquel il ne sauroit nommer, devoit audit chappellain deux escuz vielz ; laquelle cedulle ledit Christofle porta devers ledit homme audit lieu de Jarnac, et lui dist que ledit chappellain lui mandoit par lui qu'il lui baillast lesdiz deux escuz et qu'il lui bailleroit ladicte cedule ; et lesquelz icellui homme lui bailla, desquelz il achapta ung pourpoint et le drap d'une robe de pers. Et tantost après, icelluy Christofle en un village qui est entre ladicte ville de Xainctes et la ville de la Rochelle, print et embla une robe de gros drap. Et aussi trois ans a ou environ, ledit Christofle, en la ville de Partenay, entra, environ heure de mynuyt, en une maison estant près du reloge dudit lieu, en laquelle ung gentilhomme qui estoit avecques nostre très chier et très amé cousin le connestable de France5 tenoit son logeiz ; et lui estant en icelle, leva la claveure d'un coffre avecques une sarpe, qu'il trouva en ladicte maison, où il ne trouva que robbes de hommes et de femmes, pourpoins, chausses et autres habillemens, dont il print seulement une robbe et chausses d'omme de drap violet, et estoit ladicte robbe fourrée de panne noire, et aussi ung pourpoint de velours noir presque tout neuf. Et ladicte nuyt, pour doubte qu'il ne fust [p. 21] descouvert, saillit hors ladicte ville par dessus les murs d'icelle, avecques une corde qu'il print en ladicte maison. Lesquelles choses ledit Christofle a depuis rendues audit gentilhomme, lequel en fist diligence et poursuite promptement. Et incontinent après, icellui Christofle s'en ala en la ville de Touars, où il vendit ung romans qu'il avoit prins à l'ostel de son père, à ung gentilhomme ou marchant, pour le pris et somme de deux escuz et demi. Et pour ce qu'il vit le lieu où ledit homme print les diz deux escuz et demi, qui estoit en ung coffre, et apperçut qu'il y avoit de l'argent plus largement, ledit jour espia que ledit homme disnoit en la ville et qu'il n'y avoit personne en ladicte maison, trouva moyen d'y entrer par ung huys qui estoit où vergier derrière icelle maison, et leva avec ung syreau6 qu'il avoit la serreure dudit coffre, ou quel il print xlv. ou cinquante escuz, n'est recors du nombre, lesquelz estoient en une bourse avecques unes heures enluminées d'or et une petite verge ou anneau, qui estoit d'or ou dorée. Et aussi depuis ledit Christofle, en la ville de Grenoble, robba à ung des escuiers de nostre très chier et très amé fils le daulphin de Viennois, nommé Loys de Saint Prier7, ung pourpoint de satin noir, ung manteau noir doublé de taffetas, lesquelz il rendit pour ce qu'il en [p. 22] fut poursuy. Et semblablement icellui Christofle a dit et confessé que, certain temps a, il coucha avec ung marchant qui estoit parent de Saint Pié (sic), le nom duquel il ne sauroit nommer, ou bourg de Champdenier, et pour ce que ledit marchant lui dist qu'il avoit trois draps nommez blanchez en la ville de Nyort, chez ung marchant, du nom duquel il n'est recors, ledit Christofle, le lendemain, sitost que ledit marchant s'en fut alé, escrivy unes lettres ou nom dudit parent du dit Saint Pié audit marchant de Nyort, contenant qu'il lui baillast lesdiz blanchez, et que en ce faisant il lui tenoit quicte; lesquelles lettres il porta audit marchant de Nyort. Lequel, incontinent qu'il eut receu lesdictes lettres, lui bailla lesdiz blanchetz, lesquelz icellui Christofle vendit en ladicte ville, et de l'argent fist ce que bon lui sembla, A dit aussi et confessé que, en venant dudit lieu de Xainctes à Sainct Jehan d'Angely, à une lieue de Sainct Jehan, il embla deux aulnes et demye de gris, lesquelles il vendit xxv. solz tournois. Et aussi a dit et confessé que naguères il coucha audit lieu de Pamprou, et entra la nuyt, environ onze heures de nuyt, en la forteresse dudit lieu de Pamprou, par dessus les murs d'icelle, en laquelle il leva la claveure d'un forcier avecques deux sireaux et l'ouvrit, cuidant y trouver de l'argent, maiz il n'y trouva que linceulx, du fille des lingères et du linge, desquelz il ne print riens ; et semblablement entra en ung autre hostel, ou quel il ne print riens, pour ce qu'il n'y trouva chose propre pour embler. Et ladicte nuyt, leva en ladicte ville de Pamprou les serrures de trois maisons, èsquelles il ne print riens, pour ce quil n'y trouva chose propre pour embler. Et finalement ledit Christofle dit et confessé que, deux ans a ou environ, il se transporta en la cité de Vienne ou païs du Dauphiné, et certain jour regarda et advisa ou banc d'un changeur, nommé Guillaume Blanc, ou quel avoit grant somme d'or et d'argent, et pour en robber, icellui Christofle se transporta de nuyt à l'ostel dudit Blanc, et [p. 23] rompit et leva la serreure du cellier dudit Blanc, cuidant lever la serreure dudit ouvrouer, pour embler de l'or et de l'argent qu'il avoit veu, ou autres choses, ce qu'il ne peut faire. A l'occasion desquelz larrecins ainsi faiz et commis par ledit Christofle, ses parens et amis doubtent qu'on vueille contre lui proceder par rigueur de justice et le punir corporellement, se noz grace et misericorde ne lui estoient sur ce imparties, humblement requerans icelles. Pour quoy nous, ces choses considerées, voulans misericorde preferer à rigueur de justice, audit Christofle Michea avons quicté, remis et pardonné, etc. Si donnons en mandement, par ces mesmes presentes, aux seneschaulx de Poictou et de Xanctonge et à tous noz autres justiciers ou à leurs lieuxtenans, etc. Donné à Lyon sur le Rosne, ou moys de may l'an de grace mil cccc. cinquante sept, et de nostre règne le xxxvme.

Ainsi signé : Par le roy, à la relacion du conseil, Rolant.

— Visa. Contentor. Chaligaut.


1 Sic. Peut-être est-ce une mauvaise lecture pour « Sepvret ».
2 Coin. F. Godefroy cite un seul exemple emprunté à notre texte, dans son Dict. de l'anc. langue française (au mot costre).
3 Le morequin ou molequin était une étoffe précieuse de lin. (Id.,verbo Molequin.)
4 La saint Maurice se fête ordinairement le 22 septembre.
5 Artur de Bretagne, comte de Richemont, seigneur de Parthenay, Secondigny, Vouvant, Mervent, etc., connétable de France.
6 Sans doute « ciseau ».
7 D'une famille notable du Dauphiné, Louis Richard, seigneur de Saint-Priest, fils de Gilles de Saint-Priest, était non seulement écuyer du dauphin Louis, mais encore son filleul. A l'occasion de son mariage avec Jeanne de Buigny, son parrain, devenu roi de France, lui céda, par lettres datées de Tours, le 8 décembre 1461, les seigneuries de Vaux et de Saint-Symphorien-d'Ozon en Dauphiné, comme garantie d'une dot de 8.000 livres qu'il lui constituait. (Arch. de l'Isère, B. 3048, fol. 302; J. Vaësen, Lettres missives de Louis XI, t. II, p. 55.) Par autres lettres du 17 octobre 1473, Louis XI confia à son protégé l'intérim du gouvernement du Dauphiné, vacant par suite du décès de Louis de Crussol, emploi qu'il exerça jusqu'à la nomination de Jean de Daillon, sr du Lude, qui eut lieu le 7 mars 1474. Après le décès de Louis de Saint-Priest, qui arriva vers 1489, sa veuve Jeanne de Buigny se remaria avec Pierre de Chissé, comte de Chalant, conseiller et chambellan du roi Charles VIII. (Pilot de Thorey, Catalogue des actes du dauphin Louis II, Grenoble, 1899, in-8°, t. I, p. 34, note.)